A force de me tromper au quotidien, j’ai fini par tomber juste. Je prévoyais une difficile victoire de François Hollande. C’est finalement ce qui s’est passé. Un peu plus de trois points d’avance, c’est pas le Pérou. Mais cela suffit. A ma grande surprise, Sarkozy a fort sportivement accepté et reconnu sa défaite. Ce qui n’a pas été le cas de tous ses supporters. Notamment Guaino ou NKM. En revanche, Brice Hortefeu m’a surpris par sa décontraction.

 

En fait, je savais, comme beaucoup, y compris l’équipe du sortant, que le président-candidat était battu dès 16 heures (sondage sortie des urnes vers onze heures du matin ce qui, avec environ 30% de votants, donnait une vue d’ensemble de la chose, d’autant qu’on savait qu’avec le dépouillement des résultats des grandes villes, terminé plus tard, les chiffres de Hollande monteraient encore. Ce sont en fait les habitants des villages des régions les plus pauvres qui ont voté Sarkozy. On croit rêver. Ici, en Ariège, à de rares exceptions paysannes près, le sortant a été quasiment pulvérisé, sauf dans quelques villages agricoles qui, au premier tour, avaient déjà voté Le Pen, et, dans une moindre mesure, Sarkozy.

 

 

S’il y a une leçon à tirer de ce résultat c’est que pratiquement un électeur sur deux a voté pour le racisme, l’intolérance, le refus de la différence, l’exclusion, le nivellement par la sottise et la méchanceté. Je ne dis pas que, réélu, Sarkozy aurait été un Pétain ou un Hitler. Mais, en cas de succès, tout l’y poussait. Car, on l’a vu hier, les « consignes » de Mme Le Pen n’ont pas été vraiment suivies. Moins d’abstentions, et peu de votes blancs ou nuls. Ce qui, par parenthèse, me rassure sur l’issue des législatives. Marine Le Pen se croyait à la veille de se retrouver avec suffisamment de députés pour peser sur la politique du pays, quitte à « collaborer » avec les élus UMP.

 

Autrement dit, comme le remarquait hier soir Juppé, il y aura 577 élections qui, pour la plupart opposeront, au second tour, la gauche et l’UMP. Il y aura peut-être quelques triangulaires mais ceux qui ont voté Le Pen au premier tour de la présidentielle pour se débarrasser de Sarkozy puis Sarkozy au second pour éviter Hollande se révèlèront aussi moutonniers et légitimistes que d’ordinaire (comme en 81). Seule une dose de proportionnelle, envisagée par Sarkozy pour plus tard et par Hollande pour 2017, permettra à Le Pen et à son FN de nuire dans la petite mesure de ses moyens.

 

Ce qui m’a plu, hier soir, en regardant les images de la Bastille, c’est l’engagement des nombreux jeunes qui, votant pour la première fois, avaient voté pour le candidat de la gauche. Ce qui m’a plu également, c’est la liberté de ton qui, dès hier soir, caractérisait soudain les émissions de France Musique, d’ordinaire assez guindée. Là, les producteurs ont profité de la victoire de Hollande pour diffuser des chansons subversives, comme on disait dans ma prime jeunesse, du temps où le MRP mettait des feuilles de vigne aux livres et aux dessins. Un temps vendeur au rayon Beaux-Arts de chez Gibert Joseph (un beau salaud, comme disait Vian de Marcel Arland, point de vue que je confirme pour avoir, un temps, fréquenté les mercredi de, à l’époque, la nouvelle NRF), je recevais chaque semaine la visite d’une paire d’inspecteurs de la Brigade des mœurs qui, bien emmerdés du métier qu’on leur faisait faire, pour complaire à la curaille encore toute puissante à l’époque, venaient vérifier que je fermais bien à clé les vitrines où se cachaient, non seulement les rares érotiques tolérés par le pouvoir mais aussi mais surtout les superbes bouquins d’art de Skira, Mazenod et quantité d’autres. Rubens, Botticelli, Renoir, Manet, et quantité d’autres étaient obscènes, libidineux, ignobles.

 

Ce truc me révoltait tellement que je me suis mis à fréquenter les éditeurs de ces choses, à commencer par Eric Losfeld. Cela devait en fin de compte m’amener à renoncer à l’idée de terminer mes études, partagées à l’époque entre mon goût pour les maths et mon désir de tripatouiller à pleines mains la psyché de mes contemporains et à devenir ce que je suis resté, un plumitif ! Même que l’un de mes premiers bouquins a été un érotique, dont quelqu’un quelque part a fini, ces dernières années, par savoir que l’enfer de la Nationale avait été supprimé.

 

Maintenant, j’attends, et constate que Hollande se prépare à décider par décrets un certain nombre de points précis annoncés dans son programme. D’ici neuf jours, ce sera fait.

 

Une grosse saloperie de mouche noire, genre mouche à caca, vrombit autout de ma tête. Je vais tenter de la virer, en espérant qu’une guêpe ne va pas en profiter pour envahir mon espace personnel ! Serait-ce un mauvais présage ? Je ne veux pas le croire…

 

François Lourbet