Persécutions ordinaires d’étrangers en Sarkozie

Billet bouleversant dans le Journal d’un avocat d’hier, où Maître Éolas raconte une audience du contentieux des étrangers à laquelle il a assisté : "C’est une voix d’enfant, d’une petite fille assise derrière moi, qui me tire de ma réflexion. « Papy !  » s’exclame-t-elle joyeusement. Je lève les yeux. Un homme âgé, l’épuisement se lisant sur son visage, vient d’entrer. Je l’avais remarqué dans le local voisin où les étrangers attendent leur tour. Il avait tenté de s’allonger, avant de se faire engueuler par l’escorte. Il avait tenté d’expliquer qu’il avait des problème de cœur et devait se reposer, rien n’y a fait : pas assez de place, il faut laisser ceux qui arrivent s’asseoir. Il y a vingt et un dossiers aujourd’hui. Il a passé presque trois heures assis sur un banc en attendant son tour. Son avocat a la mine défaite. Il explique que son client est de nationalité algérienne. Il est en France depuis dix ans, preuves à l’appui. Il a six enfants, tous en situation régulière, sauf deux, qui sont Français. Il a neuf petits-enfants, tous Français, dont la petite fille derrière moi qui, rappelée à l’ordre par sa mère, ne cesse de murmurer le plus fort possible « Papy ! Papy  !  », désolée que son grand-père ne l’ait pas vue pour répondre à ses signes de main. (…) Cet arrêté de reconduite est d’une illégalité évidente. Sauf que… Son avocat explique que l’arrêté de reconduite à la frontière a été pris antérieurement au placement en rétention. Son client n’a pas jugé utile de consulter un avocat et a laissé s’écouler le délai de 48 heures pour former un recours (écrit en Français et motivé en droit) devant le tribunal administratif. L’avocat de la préfecture confirme, toujours sans lever les yeux du dossier, que l’arrêté est définitif, et que dans ces conditions, il demande le maintien en rétention, la préfecture ayant réservé un billet pour le vol Paris-Alger de dans quinze jours. (…) Seul petit geste que peut faire le juge, il demande que l’escorte remette les menottes en dehors de la salle d’audience. La fillette derrière moi a fini par attirer l’attention. (…) Puis (l’expulsable) se lève et se dirige vers la sortie ; avant de franchir la porte, il se tourne vers le fond de la salle et fait un petit signe à sa famille présente. Je sors derrière lui, il faut que je me reconcentre sur mon dossier, et là, j’ai un peu de mal. Au fond de la salle, j’entends la voix de la fillette qui dit «  Ne pleure pas, maman : il nous a vu, tu sais."

resfUne Plumonaute nous a par ailleurs alerté sur le sort de la famille Gherbi, dont elle est la marraine sous l’égide du Réseau Éducation sans frontières : Djamel et sa femme Hamida vivent en France depuis 2001, en compagnie de leurs trois fillettes, Lyna, née en 2003, Rukan, en 2005, et Chakira, en 2007. RESF raconte : "En mars 2007, un cancer est diagnostiqué chez Lyna, 3 ans et demi. Suivie à l’Institut Curie, elle a passé de longs mois de souffrances entre coma, chimiothérapie, opération, radiothérapie… au cours desquels ses parents se sont relayés à son chevet, les préservant, ses sœurs et elle, le mieux possible de l’angoisse qui les étreignait. Aujourd’hui, bien qu’en rémission, la maladie de Lyna nécessite toujours un solide suivi médical. (…) Fin 2007, Hamida seule obtient une autorisation provisoire de séjour (APS) de six mois en tant qu’accompagnante d’enfant malade, renouvelable, qui lui permet de travailler mais, entre une petite convalescente et deux bébés, on voit mal comment elle pourrait tout assumer. En février 2008, Djamel s’est donc rendu rue des Morillons afin de déposer une demande de titre de séjour “vie privée et familiale”. La réponse est arrivée ce 21 mars : OQTF (obligation à quitter le territoire français). La préfecture considère qu’il peut bien retourner en Algérie et faire vivre sa femme et ses filles restées en France depuis là-bas, au motif que son père et une partie de sa fratrie s’y trouvent ! Selon la préfecture, gplqu’une grande partie de sa famille proche et moins proche soit française ou titulaire d’une carte de résident ne suffit pas pour lui accorder un titre de séjour." Aujoud’hui, Djamel est toujours dans l’attente de son expulsion, malgré l’intervention de la députée PS George Pau-Langevin. À qui le préfet a osé répondre que le mari d’Hamida et pères des trois fillettes "ne peut se prévaloir d’une vie privée et familiale établie en France".

Derrière chaque expulsion, un drame humain. Honte à la politique des quotas, honte à Brice Hortefeux, ministre de la Persécution des étrangers, honte au président Sarkozy, de qui viennent les ordres. Honte à cette France inhumaine qui n’est pas la nôtre.

PS : la photo de Maître Éolas provient de Zeflog.com.

Olivier Bonnet est journaliste indépendant, blogueur de Plume de presse et auteur de Sarkozy, la grande manipulation (Editions Les points sur les i, mai 2008).

8 réflexions sur « Persécutions ordinaires d’étrangers en Sarkozie »

  1. M Bonnet, il est certainement de nombreux exemples aussi tristes que celui que vous citez mais comment peut on gérer les flux migratoires sans qu’ils n’arrivent de telles choses.

    Devrait on considérer qu’à partir du moment ou une personne ne s’est pas fait prendre pendant plusieurs années, elle n’est pas coupable?

    Je crains que ce ne soit pas aussi simple que cela.

    Il est bien évidemment anormal de voir des personnes souffrir comme souffrent certaines populations de notre triste terre mais y a t il une solution dans ce nouvel ordre mondial?

    Il est inadmissible que des personnes meurent de faim alors que dans le même temps nous jetons des tonnes de nourriture.

    Il est a ce demander s’il ne faudrait pas un gouvernement mondial qui lui seul pourrait répartir une partie des richesses.

  2. Et en quoi dérangent-ils qui que ce soit, à part l’électeur frontiste, ces gens qui sont installés, travaillent, nourrissent leur famille ?

    J’espère que vous ne pensez pas à moi en parlant d’électeur frontiste. Je serais franchement plus qu’en colère, je serais triste. Vulgairement j’aurais les boules.

    Le problème est qu’il y a un cadre légal et qu’il faut le respecter.

    Si la loi est mauvaise, c’est la loi qu’il faut changer.

    On ne peut se défendre avec la loi lorsqu’on est d’accord avec elle et la contourner ou refuser qu’elle soit appliquée lorsqu’elle est mauvaise.

    Je pense qu’il faudrait que nos politiques de tous bords fassent des efforts d’honnêteté ( dans les deux sens, morale et réalisme)

    La précarité de ces populations hors la loi en fait des victimes faciles.

    Si on a besoin de main d’oeuvre, faisons venir de la main d’oeuvre légalement mais un pays ne peut se permettre de se faire imposer.

    Mais ce n’est que mon avis.

    Par contre éclairez moi sur vos allégations de frontiste. Je ne supporterai pas d’être traité de frontiste ou de communistes. (Deux des trois régimes qui ont causé le plus de malheurs sur notre terre)

  3. newreporter tu regardes trop bas, tu est trop matérialiste, il faut relever le regard !!!

  4. newreporter tu regardes trop bas, tu est trop matérialiste, il faut relever le regard !!!

  5. @ new reporter
    Je ne parlais pas de vous en mentionnant les frontistes.
    D’accord qu’il faille changer la loi ! Mais en attendant 2012, s’opposer par tous les moyens à son application inhumaine.

    PS : Vautier, vous bégayez 😀

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