"L’euro remonte face au dollar, le marché attend l’opération de la BCE", titrait le Journal le Point dans son édition du 28 février.
Cette opération c’est l’offre faite par la BCE, aux banques intéressées, d’emprunter de l’argent, sur trois ans (dans le cadre d’un prêt appelé LTRO), à un taux d’intérêt de 1%.
Pareille opération de la BCE est la deuxième du genre, la première, qui connut un grand succès, ayant été réalisée au mois de décembre.
Ce type d’opération est important car il permet aux banques de se procurer des liquidités à bon marché.
La question est de savoir où ira cet argent?
Si l’on se fie au premier prêt de la BCE, une grande partie de l’argent fut déposée par les banques à la BCE à un taux 0,25%.
Or n’importe qui peut voir que les banques, en procédant de cette façon, perdent 0.75%, en intérêt net, sur chaque euro, et que cet argent-là sera forcément investi un jour d’une autre façon. Comment ? That is the question.
Pour l’heure il faut remercier Mario Draghi, avec sa politique monétaire, puisque celle-ci tend à se rapprocher de celle impulsée aux Etats-Unis, par Ben Bernanke une fois celui-ci nommé à la tête de la FED.
Cette politique-là, monétaire, fait partie d’une politique mixte qui consiste, pour les Etats, à jouer sur le volet monétaire d’une part et sur le volet budgétaire de l’autre (un volet appelé politique fiscale par les Américains) afin de permettre à l’économie de sortir de la crise.
Le volet budgétaire est important car une baisse des taux d’intéret sur la monnaie nouvellement empruntée auprès de la banque nationale, au lieu d’alimenter les canaux de l’économie réelle (et donc la production et l’emploi – grâce notamment au crédit à l’investissement et à la consommation) peut être inefficiente pour une raison que les économistes appellent "trappe à la liquidité" (expression qui fut employée pour la première fois par John Meynard Keynes) et qui signifie que la baisse des taux d’intéret pratiquée par la banque centrale n’aura pratiquement aucun effet sur l’économie réelle, si les banques n’investissent pas cet argent dans ce secteur, chose qui s’explique par le fait que tout à tour les banques, les entreprises et les ménages sont dans la nécessité de rembourser les dettes contractées antérieurement, puisqu’en période de crise chacun préfère la liquidité à des placements.
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Je renvoie le lecteur, sur ce tout ce qui vient dêtre dit, à une interview d’Andréas Höfert, chef économiste à l’UBS, et qui s’exprime aussi bien à propos des prêts LTRO, qu’à propos de la trappe à la liquidité, interview que l’on peut lire sous le site http://leblogalupus.com/2012/02/22/ltro-efficace-mais-pas-magique-par-andreas-hofert/
J’ajoute que quand ce spécialiste parle de la déconvenue des Japonais, durant la crise qui fut la leur, avant les années 2000, à cause, précisément, de la trappe à liquidité, il faut préciser ceci : le Japon connut, durant les années 90, une crise très importante en raison d’un effondrement du marché boursier (puisqu’à l’époque le Nikkei, indice de la bourse japonaise, qui se situe aujourd’hui aux alentours des 10’000 points était monté à l’époque jusqu’à plus de 34’000 points).
Le krach boursier résulta du dégonflement d’une bulle immobilière qui avait été alimentée jusqu’alors par les banques japonaises, de connivence avec la mafia et avec les partis politiques japonais. Or le marasme dudit secteur fit que les prêts bancaires cessèrent non seulement entre les banques, mais avec les autres agents de l’économie, chacun courant après l’argent liquide destiné aux remboursements des emprunts.
S’ajoute à cela le fait que le Japon, malgré toute une série de plans de relance soutenus par l’Etat (grâce notament aux travaux publics), ne pouvait pas trop en faire en raison de la part prépondérante qu’occupe son commerce extérieur dans le PIB japonais.
Or, à l’époque de la crise japonaise, tous les pays du monde pratiquaient une politique néolibérale fondée sur un contrôle strict du déficit budgétaire ainsi que sur une gestion de type néolibéral au sein des entreprises.
Bref, le Japon, qui aurait dû, pour sortir de la crise, compter sur une politique keynésienne des différents pays, s’est trouvé, au contraire, confronté à des politiques néolibérales de leur part.
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Pour en revenir à la parité dollar contre euro, qui fait l’objet du titre de cet article, depuis que Ben Bernanke a réduit les taux d’intérêt de la FED quasiment à zéro, l’euro a regagné du terrain. Or ce terrain gagné peut être reperdu si Mario Draghi pratique, pour le compte de la BCE et de l’Euro, la même politique de baisse des taux d’intérêt que le président de la FED.
Addendum :
Aux dernieres nouvelles, "la BCE a prêté 530 milliards d’euros à 800 banques", titre le journal Le Monde dans son édition numérique du 29 février 2012.
Deux infos sont à mettre en exergue, dans cet article : d’abord que l’euro a effacé ses gains face au dollar en redescendant à 1.3440; ensuite les réticences du président de la Bundesbank, Jens Weidman pour ce genre d’opérations, lui qui craint que les LTRO, qui s’apparente à de la création monétaire, ne crée de l’inflation à l’intérieur de la zone euro.