UE : coupes dans les budgets de la culture

Le Guardian, repris par divers journaux européens, dont Le Monde, a pris une intéressante initiative, peut-être fortement significative : recenser lieux culturels européens frappés par les restrictions budgétaires, qu’il s’agisse de projets ou de formations, troupes, lieux lourdement subventionnés ou d’établissements privés acculés à la faillite. La recension initiale est parlante : l’Allemagne et le Royaume-Uni se serrent davantage la ceinture que les pays encore davantage frappés par la crise économique.

C’est dommage, cette carte évolutive ne porte que sur les lieux culturels (musées, théâtres, galeries, orchestres, troupes ou conservatoires et projets saisonniers). Pour les divers domaines sportifs, rien. Évidemment, nous vivons « l’euphorie » des Jeux Olympiques et tous les quatre ans, c’est la même chose. Un pays se classe bien au palmarès des médailles ? C’est bien la preuve qu’il faut consacrer plus de fonds aux diverses disciplines pour améliorer les performances. C’est un fiasco ? C’est bien la preuve que les pouvoirs publics n’en font pas assez pour les sportifs de haut-niveau et leur possible relève.
Vérifiez dans la presse internationale, le scénario, de JO en JO, est toujours le même. Il n’y a guère que la voix discordante de l’Australie, en passe d’être reléguée par l’Italie à la septième place pour le nombre des médailles (la France espère encore une cinquième place) où les opinions sont partagées. Les fonds sont peut-être mal employés en Australie et des pays moins bien dotés font mieux avec beaucoup moins.

L’Allemagne cohérente

Pour les Allemands, dans leur majorité, résoudre une crise économique est simple : il suffit de se serrer la ceinture et d’exporter, exporter. Il faut croire que même les fameux festivals de musique techno et autres de Berlin n’exportent pas assez puisque les organisateurs, en dépit de l’affluence, songent à réduire la voilure.
Mais la carte que la rédaction du Guardian mettra progressivement à jour à très parlante. Pour la France, seul un orchestre, celui, municipal, de la Ville de Pau et du Pays de Béarn, s’il s’agit bien de lui, verrait son budget baisser, et encore sa pérennité ne semble pas menacée.

Au Portugal, trois théâtres (un fermé, deux fragilisés) figurent, en Espagne, il s’agit du Gran Teatre del Liceu de Barcelone dont l’orchestre doit licencier, un d’un seul autre théâtre à Madrid. En Italie, seul un théâtre ferme, une galerie et un orchestre étant en difficulté. En Grèce, il ne s’agit « que » d’une galerie d’art privée, qui a fermé en mars. En Irlande, rien à signaler.

Mais la comparaison avec l’Allemagne est éclatante. Et encore, la carte place un orchestre allemand en Autriche… On ne veut pas trop croire que The Guardian soit dépourvu de correspondants en Irlande et qu’il serait beaucoup, beaucoup plus représenté en Allemagne ou aux Pays-Bas.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire à première vue, le territoire de l’ancienne RDA, à l’est, n’est pas plus affecté que celui de l’ex-RFA, même si la riche Bavière semble peu touchée.

« Cultures » différentes

Loin de moi l’idée que les établissements ou projets culturels devraient être prioritairement voués à l’austérité, à une forte rigueur.

De fait, c’est souvent déjà le cas pour les moins prestigieux. En France, les cinéastes français tendent à bouder les tournages dans le pays s’ils n’obtiennent pas des subventions, mais leurs films, souvent produits ailleurs, s’exportent assez bien.

Par ailleurs, un indice ne vaut pas panorama, surtout s’il est encore si partiel.
Mais pour parcellaire qu’elle soit, cette approche donne une idée de ce que les dirigeants européens des pays souhaitant une relance et une moindre rigueur budgétaire peuvent éprouver de difficultés à se faire comprendre outre-Rhin.

Bien évidemment, la logique allemande pêche sur un « détail ». Pour exporter, il faut que des pays importent et voient leur balance commerciale se dégrader. L’Allemagne est d’autant plus drastique avec la Grèce que ses banques et industriels y ont réalisé aussi de super-profits et que, s’il n’y a plus rien à racler, d’autres marchés restent solides ou prometteurs.

La carte et les interfaces de saisies pour signaler des coupes budgétaires se trouve sur le site du Monde

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !