Crime aux hormones

Colloque ICARE du 4 février 2011, école militaire Paris.

Colonel François Daoust

Greffer le terme «criminelle» sur celui de «femme» a longtemps produit une chimère. Ainsi que l’a très brillamment exposé l’excellent colonel Daoust, directeur de l’Institut de Recherches Criminelles de la Gendarmerie Nationale, les courants de pensée du 17ème siècle enfermaient la femme dans un corps soumis à la tyrannie des hormones et confiné au seul destin de la procréation. Ces considérations élevées au rang de norme garantissaient le statut moral et social de le gente féminine, si bien que celles qui s’en échappaient étaient directement étiquetées du label « folle ». De l’étiquetage au cachet il n’y avait qu’un pas, franchi avec les plaisirs dont sont pourtant friands les messieurs de l’époque : la prostitution, considérée comme la forme du crime chez la femme (les messieurs étant alors absents dudit crime).
Le décor est ainsi planté et explique la façon dont seront traitées les quelques femmes criminelles par les enquêteurs et les tribunaux de l‘époque : quel que soit le crime, il est lié à leur état de femme, leurs hormones et leurs hystéries. Des stéréotypes qui continuent de courir, concluant que la femme est moins criminelle, et toujours de la même manière, particulièrement dans une société où la place est déterminée par la force physique. D’ailleurs, avant la fin du 19ème siècle, la place de la femme n’existe pour ainsi dire pas.

Et pourtant, la femme criminelle appartient au paysage judiciaire, bien que les spécialistes eux-mêmes aient encore des difficultés à les prendre en compte, en particulier en raison de l‘inexistance d‘outils adaptés. La criminalité féminine s’inscrit dans la mutation sociétale du 21ème siècle. Le couperet tombe : la femme est un homme criminel comme les autres, avec cependant une spécificité superbement développée par Jean-Pierre Bouchard, docteur en psychologie et en droit, titulaire de plusieurs spécialités, l’infanticide néonatal pratiquée par les accouchées, dont la science explore les mécanismes.

Madame Elisabeth Badinter a également apporté une contribution riche en débats potentiels. Selon cette éminente femme de lettres et philosophe qui a été maître de conférence à l’école polytechnique, le constat du rapprochement des sexes est incontournable. Humour à part, même si les stéréotypes sont plus forts que jamais, les différences de comportement hommes-femmes tendent à s’estomper, dans la vie sociale comme dans le couple. Car dans une société qui valorise la force et la violence, les jeunes filles et les femmes peuvent aussi devenir violentes. Dans le cadre des violences conjugales, madame Badinter a relevé les responsabilités de nombreuses femmes, point sur lequel n’ont pas manqué de se gausser des éléments du public désireux de se faire entendre sur ce point.
Pourtant madame Badinter a rappelé alors que si les femmes peuvent converger vers les formes de violence, on constate aussi à l’inverse, dans ce mouvement de « ressemblance » que de nombreux «hommes se comportent comme des femmelettes, laissant violer sous leurs yeux et sans réagir une femme dans un wagon de métro occupé par une trentaine d’hommes (passagers) qui se comportent comme des femmelettes apeurées. »

Ce colloque, dont je tiens à souligner l’excellence de l’organisation et la qualité des intervenant et des enseignements, était dispensé à l’école militaire de Paris, à l’initiative de l’association I.C.A.R.E, groupe pluridisciplinaire de professionnels en matière criminelle, présidée par maître Caty Richard, avocate spécialiste en Droit Pénal. Environ cent cinquante personnes magistrats, avocats, commandants de brigades, policiers, assistaient à cette formation qualifiante pour le cursus des avocats. Une importante documentation et des outils de travail ont été remis à chacun.

Intervenants : Elisabeth Badinter, femme de lettres et philosophe, colonel François Daoust, directeur de l’Institut de Recherches Criminelles de la Gendarmerie Nationale, Marie-Laure Astier, psychiatre, Jean-Paul Copetti, commandant fonctionnel de la brigade criminelle de Paris, Gilles Latapie, magistrat et président de la Cour d’Assises de Charleville-Mézières (procès Fourniret), Jean-Pierre Bouchard, Docteur en psychologie, Docteur en droit, Dominique Verdeilhan, journaliste, chroniqueur judiciaire à France Télévision, Docteur Michel Durigon, professeur de médecine légale, Thérèse Bouche, psychologue clinicienne, victimologie intervenante au centre des Buttes-Chaumont.

Je ne peux que vivement recommander ce colloque de 7h30 de formation et les suivants à tous les professionnels.

Association ICARE, 1 rue Thiers, 95300 Cergy-Pontoise 01 34 25 00 00
icare.crimino @ laposte.net

Texte et photos Isabelle Voidey
Journaliste spécialisée Défense, sécurité intérieure, menace criminelle, faits de société.