La passion selon Saint Machin

Ce matin, je lisais dans un quotidien une information que je vais citer de mémoire, me méfiant des maniaques du droit d’auteur : depuis cinq ans, un mort collectionnait les amendes pour excès de vitesse.

Et je pensais à l’actuel pilote du char de l’Etat. Il est en poste depuis cinq ans et ce quinquennat a été marqué par un certain nombre d’excès. A noter, du reste, que les responsables de la répression routière ont conseillé à la veuve de l’intéressé, décédé en 2007 et ne conduisant plus depuis 1999, de payer car on y verrait plus clair ensuite. Bel exemple et qui donne à penser.

Malheureusement, s’il faut, en France, un permis pour conduire, pour chasser, pour pêcher, un diplôme pour dessiner les plans d’une maison, s’il faut passer des concours pour devenir archiviste-paléographe, professeur des écoles ou maître de musique, pour exercer les plus hautes fonctions, il suffit de le vouloir très fort, d’avoir beaucoup de sous pour financer sa campagne, et de compter sur la sottise des électeurs. Nihil novi sub sole, comme on disait au temps de Cicéron quand Catalina menaçait les institutions démocratiques (d’une démocratie qui, d’ailleurs, n’a jamais fonctionné, entre la royauté initiale, la république qui lui a succédé, et l’Empire qui s’est installé sur les débris des deux systèmes).

S’il n’y avait rien de nouveau sous le soleil au temps de Cicéron, il en va de même aujourd’hui. Je file, le plus lentement possible, vers la regrettable qualité d’octogénaire et je pense, en écoutant sur Internet une radio américaine qui diffuse des musiques que j’aime, sans discours superflu, que nous vivons une époque passionnante.

 


Mon goût pour le théâtre m’a souvent poussé, non à y aller, mais à écrire ou à envisager d’écrire des farces, des arlequinades, des canevas pour de la Comedia del Arte. Et là, nos pantins, je les regarde gigoter, promettre, mentir, affabuler, comme dirait Michel Onfray. Le spectacle est passionnant. Sauf que nous en ferons les frais au cours des cinq prochaines années. J’ai retrouvé tout à l’heure un bulletin de paye de Paris-Match datant de 1975. Il s’agissait de piges (Match connaissait la Loi Cressard et se gardait de payer mes travaux en salaires, fussent-ils variables, pour éviter d’avoir à m’embaucher comme salarié, avec toutes les contraintes que cela supposait). De fort grosses piges, d’ailleurs, qui me permettaient de rouler carrosse et d’aller comme l’autre m’abreuver au Fouquet’s, pas bien loin de la rue François 1er. Mais sans toutes les cochonneries sociales (sécu, retraite, etc…) qui grevaient les finances de mes pauvres employeurs, mes grosses piges n’auraient pas valu grand chose si, fourmi au lieu d’être cigale, j’avais préparé l’avenir et ma future retraite. Ce dont j’étais, et demeure, parfaitement incapable. Je préférais rouler derrière 12 cylindres dans une grosse automobile (non, je ne dirai pas la marque) payée cash plutôt que dans une R6 d’occasion achetée avec des bons de la Semeuse (hé, les jeunes, demandez à vos grands parents ce qu’étaient ces bons!)

J’étais bête, sans doute, mais j’avais l’excuse d’être un simple quadragénaire et, pour avoir un jour bien involontairement écrasé les fleurs de Mme Giscard, au château de l’Etoile à Authon (c’est dans le Vendômois), je n’ignorais pas le langage de charretier de certains grands de ce monde, alors que j’avais courtoisement sinon platement offert mes excuses pour l’incident, provoqué par un dérapage involontaire dans une visqueuse gadoue tourangelle.

Je repense donc à l’admirable spectacle que nous offrent pour encore un peu plus de deux mois nos divers guignols. Je fus parfois, jadis, voire naguère, tenté par le démon et me mettre à rêver d’une carrière de sénateur (on ne sert à rien, donc on n’est pas nuisible, on ne fait guère de présence, la paye est bonne, la retraite également). J’avoue que ma paresse naturelle n’y aurait vu que des avantages. L’ennui était que l’assemblée en question était remplie de notables que je n’avais aucune envie de rencontrer. Donc, j’ai ravalé mes ambitions. Je ne fus jamais conseiller municipal, ni maire, ni conseiller général, ni rien de ce qui mène au Palais du Luxembourg. Je ne regrette rien.

A présent, il faut assumer, entre autres milles cochonneries, l’insupportable, une hausse inutile de la TVA, quelques autres mauvais coups portés au Code du Travail et même aux règles internationales. Si j’étais au bistrot, ce qu’à Dieu ne plaise (j’ai pas de troquet dans mon lieu dit), j’appellerais le garçon pour lui demander, poliment, il faut ce qu’il faut, un seau pour dégobiller.

A bientôt, les amis.

FL