Espagne : pas une crise, une escroquerie

Faisant suite aux réformes du gouvernement socialiste en 2010, les nouvelles mesures décidé par le centre-droit et le gouvernement de Mariano Rajoy ont fait descendre des dizaines de milliers de personnes dans la rue ce dimanche. Elles et ils protestent bien sûr contre la réduction des indemnités et préavis de licenciement, mais surtout contre une austérité qui gonfle démesurément le chômage.

Cela varie énormément selon les provinces, les communautés autonomes, les villes : de un à dix parfois selon la police ou les syndicats. Le moindre écart a été relevé à Pampelune, au Pays Basque (3 000 manifestants selon la police, 12 000 selon la centrale UGT et le syndicat CC OO, d’un à quatre seulement). Mais personne ne peut soutenir que les manifestations, préludes peut-être à des grèves générales, aient été boudées par la population.

Le chômage réel va sans doute très vite concerner le quart de la population active espagnole (les chiffres officiels, pour les moins de 20 ans, frôlent déjà les 50 %, à 48,5 points selon les derniers relevés). Mais les salariés partiront aussi plus vite, avec des préavis écourtés (à 33 jours), et beaucoup moins lestés : 20 jours par année effectuées, avec plafonnement à 12 mois, contre 45 et et 42 mois précédemment. D’autres mesures visent à plus de flexibilité encore (aménagement de la durée du travail, négociation du salaire horaire, travail posté dérégulé, &c.).

Il y a aussi des restrictions dans les services publics. Mieux payés qu’en France, les enseignants sont aussi désormais récusables d’une année sur l’autre. L’employabilité cesse, pour la plupart, à environ 40 ans. La durée des périodes d’essai passe à un an pour les CDI.

Les Espagnols pensent en plus que leurs dirigeants sont frappés du syndrome d’Asperger (pas de sentiments ou d’émotion, une sorte d’autisme social). Tout passe dans le sauvetage des banques et le remboursement des dettes.

Aussi, l’impression que la crise est une « escroquerie » généralisée domine. À Pampelune, les slogans tels « spéculateurs, au poteau », « si cela ne change pas : guerre, guerre, guerre »,  « jeunes, d’accord, marionnettes, non », « Rajoy, recherché pour mensonge », donnaient le ton. À Barcelone, c’était : « banquiers, voleurs, remboursez ! ». À Madrid, « PSOE ou PP, même merde », renvoyait dos à dos les deux principales formations (socialistes et Parti populaire).

Dans les entreprises publiques, les salaires des directeurs seront plafonnés à un niveau confortable et bien sûr améliorables par des primes, mais les baisses de rémunération à la base pourront atteindre jusqu’à 35 % (en général, 25 ou 30 %).

Des manifestations locales se concentraient sur les coupes dans la fonction publique ou des fermetures de dispensaires. La réforme de la condition salariale est vue comme un moyen de licencier les parents pour embaucher leurs enfants… en les rétribuant moitié moins.

Pour Alberto Garzon (Izquierda Unida), la réforme est inspirée par le modèle anglo-saxon afin de donner « de nouvelles occasions de faire des affaires au capital privé que sont les grands groupes, les grandes banques, les grosses fortunes, » rapporte Euronews.

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Espagne : pas une crise, une escroquerie »

  1. S’il faut du temps, à une nouvelle idéologie, pour se mettre en place, il en faut plus encore pour la voir changer. Ainsi, bien qu’un John Maynard Keynes écrivit son livre phare en 1936, il faudra attendre l’après seconde guerre mondiale pour voir ses théories économiques appliquées par les gouvernements, théories selon lesquelles l’Etat a un rôle important à jouer dans la production et l’allocation des ressources d’une part, et la gestion des crises d’autre part.

    Or, avec l’inflation des années 1980, une autre idéologie va se substituer à l’ancienne, fondée sur le tout marché et sur le démentèlement des Etats (suite aux théories de Mises et Hayek, et plus, tard, celles d’un Milton Friedman maître de cette Ecole de Chicago dont les élèves, une fois devenus hauts fonctionnaires du FMI, vont se charger d’appliquer « les potions magiques » destinées à sauver les Etats surendettés et à rétablir leur économie.

    ET comme cette idéologie-là se mit en place durant les années 90, elle a encore de beaux jours devant elle, et ce pour le plus grand désappointement ou le plus grand désarroi de ces peuples que l’on tond comme des moutons avant de les emmener à l’abattoire, comme si eux seuls étaient responsables de la crise actuelle; comme si, en d’autres termes, la spéculation financière et le krach boursier qui en résulta, en 2008 – auquel il faut ajouter l’aveuglement d’un gouvernement américain qui fut totalement à côté de la plaque en ne sauvant pas une banque aussi importante que Lehman Brothers – permit à la récession mondiale de s’installer durablement.

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