Affaires Cahuzac & Co : ni remaniement, ni retour au peuple

Je l’assume totalement : l’affaire Cahuzac, ou d’autres, visant des personnalités du Parti socialiste, ne vaut pas de remanier le gouvernement, encore moins de dissoudre l’Assemblée nationale. Selon ce principe : les candidatures, c’est nous qui les remboursons, les remerciés ou non-réélus, c’est nous qui les indemnisons, les nouveaux élus ou ministres, c’est nous qui les rétribuons. En outre, je ne voterai plus pour Jean-Luc Mélenchon que s’il diffuse, comme Charles de Courson, centriste ayant pourtant appuyé les candidatures de Nicolas Sarkozy, une déclaration d’intérêts très détaillée.

Fantastique affaire Cahuzac. Il ne resterait que 600 000 euros sur le compte de l’ex-ministre du Budget, fonds qu’il va rapatrier de Singapour, et le procureur genevois Yves Bertossa estime que la somme est plausible.

Mais quels étaient les usages dans les banques suisses, lorsque Philippe Péninque, avocat fiscaliste d’extrême-droite, ami de Marine Le Pen, chargé de l’audit financier du Front national récemment, a ouvert le compte Cahuzac en 1992 ? Se satisfaisait-on d’un compte crédité de seulement quelques dizaines de milliers de francs de l’époque ? Ces dernières années, pour être pris au sérieux, il fallait compter dans les cinq millions d’euros pour ouvrir un tel compte à l’UBS.

La RTS affirme à présent que, alors que Jérôme Cahuzac voulait transférer ses fonds à Singapour, dans un compte omnibus de la filiale de la banque suisse Julius Baer, il aurait tenté de les abonder de 15 millions d’euros. Prudente, la banque lui a demandé une déclaration sur l’honneur comme quoi ses fonds préexistants avaient été déclarés au fisc français et dans le même temps s’abstenait de lui demander la même chose pour les 15 millions d’euros qu’elle a décliné de mettre au vert pour son client. C’est assez farce, non ? On veut bien d’un certificat sur l’honneur pour des « broutilles », mais on subodore que, pour 15 millions d’euros, mieux vaudrait des garanties plus sérieuses.

« Si elle se confirme, la somme de 15 millions indique que des sommes plus importantes auraient été déposées ou transférées par Genève dans les années précédentes. Le montant de 15 millions correspond au chiffre déjà donné par Edwy Plenel, le co-fondateur de Mediapart, selon des sources du site d’information qui avait révélé l’affaire », consigne la RTS.

Mistral Cahuzac gagnant pour le FN  ?

On ne sait ce que déclarera Jean-François Copé quand sera révélé le nom du haut-fonctionnaire des Douanes ayant, selon Michel Gonelle, été informé du compte Cahuzac dès 2008. On peut le croire sur parole, cette information n’est jamais remontée jusqu’à Éric Woerth. D’ici à ce que reproche à ce dernier davantage d’avoir menti que d’avoir bradé l’hippodrome de Compiègne, combien d’eau passera-t-il sous les ponts ? Sidération, stupeur et tremblements à l’UMP ? Juppé ou Fillon, disposant de davantage d’expérience, ont choisi de se taire ou de parler pour ne rien dire.
Quant à MAM, elle règle ses affaires de famille avec le gouvernement tunisien…

Mais le plus drôle, c’est d’entendre Jean-Marie Le Pen (en ligne ce jour sur le site du Front national).

Jean-Marie Le Pen reproche davantage à Jérôme Cahuzac ses mensonges que « son propre dépôt en Suisse ». Si le ministre démissionnaire a eu ce comportement, c’est qu’il pensait « qu’on avait fait ce qu’il fallait pour que l’affaire ne sorte jamais ». Ce seraient les Suisses qui, trop heureux de l’aubaine, auraient balancé à la France l’essentiel, sur le mode du holier than thou, vous faites franchement rigoler. Cela, c’est l’opinion du père.
Celui de la fille, Marine Le Pen, est franchement hilarant. Elle a estimé, pour Public Sénat, que « son ami » avocat fiscaliste (la faisait-il jouer au golf avec les Cahuzac ?), n’avait « aucune responsabilité au Front national » (même pas celle de shadow accountant ?) et que toute cette histoire découlait de la malveillance du Monde à son endroit.

L’information sur Péninque, lancée par la RTS et absolument pas par le journal Le Monde, comme veut le croire Marine Le Pen, est-elle davantage à mettre en doute que les dires de Pierrette Le Pen affirmant que la famille Le Pen avait détenu (voire détenait encore ?) des fonds non déclarés à l’étranger ? Non, elle est confirmée par l’intéressée. Pour le reste, eh bien, on attend que la grande presse, celle « du système » pose et repose la question à Marine et Jean-Marie Le Pen.

Le Front national plaide pour une dissolution de l’Assemblée nationale : pas l’UMP, dont les caisses sont vides. L’UMP est « aussi couverte de scandales », selon les Le Pen. Pas du tout le Front national, et la « pudeur » ne le pousse pas « à la discrétion ». Faut-il être honnête pour être franc-maçon et socialiste ? Dans ce cas, les loges seraient dévastées, a estimé Jean-Marie Le Pen.
Combien d’amies et de copains des Le Pen père, fille et nièce dans les loges, n’ayant aucune responsabilité au Front national ?
Gilbert Collard, avocat, député FN, ne fut-il point initié par la Grande loge nationale de France ? Ce qui est amusant, c’est qu’il fut proche de Pierrette Le Pen. Serait-ce lui qui lui aurait suggéré alors d’évoquer les comptes en Suisse de Jean-Marie ?

« Quand la vache à lait est menacée, on a intérêt à la défendre ». S’agirait-il vraiment du peuple, dont se réclame Marine Le Pen, ou du « système » ?

Gilbert Collard se serait contenté d’excuses du Premier ministre, mais il conseillait à Marine Le Pen qu’il était urgent d’attendre, soit que le gouvernement fasse preuve « d’un peu de bons sens ». Sages paroles.

Gilbert Collard sait fort bien que le FN sera chiche en fonds pour sa campagne électorale personnelle et que mieux vaut tenir que d’attendre de se faire rembourser si l’on a atteint 5 % des voix.

Dissolution, pour quoi faire ?

Qui veut croire que davantage de députés du Front national, voire du Front de Gauche, modifiera profondément la donne ?

Jean-Luc Mélenchon s’amuse de voir Marine Le Pen « prise dans la chaîne du mensonge qui unit les belles personnes ». Militant socialiste depuis 1977, Mélenchon quitte le PS au congrès de Reims de novembre 2008. Il prend sa carte la même année que Jérôme Cahuzac, qui participe à la campagne de Lionel Jospin dont Mélenchon fut ministre, et est élu député en 1997. Mélenchon est sénateur, et dont acte, ce ne sont pas les mêmes buvettes, le même coiffeur, le même restaurant.

Cela étant, quand on voit que les Alsaciens se sont déclarés défavorables à la fusion de leurs deux départements en une seule assemblée régionale, on se demande si Françaises et Français n’ont pas la caste politique qu’ils méritent. Marine Le Pen s’est réjouie : « contre les élites, le peuple affirme son attachement à la France » (et aux petits avantages que représentent tant d’élus).

S’il n’y avait plus d’affairistes dans les obédiences maçonniques, les loges seraient désertes ? Pas sûr, mais beaucoup moins fréquentées. En fait, tout se passe dans les ateliers, les tenues, c’est surtout pour les naïfs et les idéalistes. Idem des assemblées (municipales, cantonales, régionales, nationales).

Mediapart remémore que le nom de Dominique Reyl, demi-frère d’Hervé Dreyfus, fut cité dès le 10 décembre. Ancien d’HEC, promotion 1963, Dominique Reyl a traité les fonds de Cahuzac et de Paul Dubrule (groupe Accor) ainsi que ceux de Jacques Séguéla. François Reyl a repris la main et sa banque gère plus de sept milliards de francs suisses. Mais dispose aussi de sociétés aux Seychelles (sans parler des filiales luxembourgeoise ou asiatiques). Quant à Hervé Dreyfus, c’est toujours un proche de Cécilia Ciganer, ex-madame Sarkozy. C’est l’un des gérants de clientèle de Raymond James Asset Management Intl (RJAMI) et le dirigeant d’une holding personnelle.

Il y a les Dreyfus, les Reyl, mais aussi les banques ayant pignons sur carrefours et multiples agences. C’est auprès d’elles que Front de Gauche et Front national vont solliciter des prêts pour leur campagnes électorales, et pratiquement toutes ont de multiples filiales dans des paradis fiscaux. Un prêt ne vaut-il pas, une fois élu, quelques petites complaisances, une certaine discrétion ?

Voici l’Ordre des médecins qui découvre l’existence de Cahuzac Conseil. Pourvu que Cahuzac ne balance pas trop de confrères, si on le pique au vif. Aucun autre médecin ne connaissait Cahuzac Conseil ? Bientôt, Paris deviendra un désert médical davantage que la Creuse ou le Cantal, à ce train.

Un ancien membre du cabinet de Xavier Bertrand, interrogé anonymement par Libération, confie que l’histoire du compte suisse « circulait dans le ministère ». Dans ce seul ministère ? Xavier Bertrand n’aurait rien entendu, pas davantage que Marine Le Pen avant ces derniers jours… On y croit très fort. Xavier Bertrand estime à présent que « les jours du gouvernement sont comptés ». Pas ceux du conseil national de l’UMP ? En tout cas, Xavier Bertrand réclame une commission d’enquête parlementaire : elle se fera un plaisir de l’entendre.

Laissons plutôt l’actuel gouvernement s’engager sur « la fin du cumul des mandats, la transparence totale sur les patrimoines, la traque des conflits d’intérêts, la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux », comme le déclare Jean-Marc Ayrault dans La République du Centre-Ouest. En fait, appliquer les lois existantes serait déjà bienvenu.

Voici donc que Laurent Fabius dément, à Libération, détenir un compte à l’étranger.

S’il s’agissait de la Suisse, comme l’affirme Antoine Peillon dans Le Matin, « les tickets d’entrée pour un client privé ne se situent jamais au-dessous de 10 millions de francs suisses ». Et qui pourrait croire qu’un simple  ancien Premier ministre français ait pu accumuler autant d’argent, hein ? Franchement ? Un chirurgien capilliculteur, on comprend.

Au fait, saviez-vous qu’Isabelle Copé-Bessis, sœur de Jean-François Copé, est l’avocate de Patricia Cahuzac (cousine de Dorothée Emié, avocat associé de Philippe Péninque). Jean-François Copé découvre toute l’affaire depuis les aveux de Cahuzac. Philippe Péninque n’avait rien dit à Marine Le Pen, Isabelle Copé-Bessis n’avait rien dit à son frère, si ce n’est que ces tout derniers jours.

Antoine Peillon, au parfum de la liste des 130 Français listés par Offshore Leaks, pense pouvoir avancer qu’une dizaine de députés et sénateurs de l’ancienne législature auraient fait des transferts de fonds vers Singapour ou les Seychelles. De tous bords ?

Certains ont été réélus. Eh bien, là, d’accord, qu’il soit procédé à de nouvelles élections dans leurs circonscriptions. Mais pas avant que leur inéligibilité à vie ait été décrétée. « Nous » serions bien capables de les réélire, tels des Schuller ou Balkany, ravis d’avoir financé leur campagne électorale. Pitié, que l’actuel gouvernement, les actuelles chambres, nous préservent de nous-mêmes !

 

 

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

4 réflexions sur « Affaires Cahuzac & Co : ni remaniement, ni retour au peuple »

  1. [b]Il faut embastiller Cahu et passer à autre chose ! notre temps de cerveau disponible est saturé ![/b] 🙂

  2. « arrestons de crié à l’ofrai nous sommes tous coupables de turpitudes;le mensonges est le sport national dans ce monde D’ARGENT » mr cahuzac est l’enfant-roi… qui na jamais fini de ce mentir,et,de grandir?

  3. « Je l’assume totalement : l’affaire Cahuzac, ou d’autres, visant des personnalités du Parti socialiste, ne vaut pas de remanier le gouvernement, encore moins de dissoudre l’Assemblée nationale. »

    Il peut être intéressant de souligner que vous êtes sur ce point en désaccord avec M.CAHUZAC:

    [url]http://www.youtube.com/watch?v=dyhlK4yUg0s[/url]

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