Fier symbole de l’industrialisation et de la modernité triomphante, la voiture a perdu de son lustre d’antan. Remise en cause pour des problématiques de mobilité, de coût et d’environnement, la voiture traverse une période difficile et devra évoluer si elle veut résister à ce nouveau siècle et aux changements de comportements des automobilistes. Plus verte et collaborative avec la montée en puissance de sociétés comme Blablacar et Uber, la voiture se vit différemment et doit donc changer.
De la Ford T au Hummer
Un véhicule c’est la modernité, un signe de réussite sociale, la liberté, le plaisir. Nombre de ces perceptions nées avec l’illustre Ford T qui s’est vendue plus de 16 millions d’exemplaires entre 1908 et 1927. La voiture est ainsi entrée dans le quotidien et a changé le rapport à la mobilité.
Aujourd’hui Detroit est une ville abandonnée. L’industrie automobile n’est pas dans un état aussi pitoyable, mais il s’en est fallu de peu que la crise de 2007 ne mette un point final à l’aventure des Américains Ford, Chrysler et General Motors. Les 4X4 et Hummer tant courtisés par des Américains qui ne jurent que par la voiture continuent finalement de sortir des chaînes de production. La face est à peu près sauve pour l’industrie US, mais rien n’est gagné d’avance. Les habitudes évoluent, les contraintes économiques sont plus grandes et les pouvoirs publics s’invitent pour donner les bons et les mauvais points en fonction des aléas et du climat ambiant.
Loin de la conception américaine où la voiture est reine (les villes ont été pensées pour elle), la France fait régulièrement sentir sa réticence à laisser une place toujours plus croissante à ce moyen de locomotion. Les transports publics fonctionnent bien (surtout si on les compare au niveau international), les villes ont été aménagées pour une mobilité antérieure au véhicule à moteur, et la voiture est en passe de redevenir un luxe. Sauf cas de force majeure, les Français sont tentés de délaisser leur véhicule ou de l’utiliser d’une manière « collaborative ».
Uber, Blablacar… l’économie du partage change la donne
« L’économie du partage » a le vent en poupe. Pour ne pas investir dans un objet trop cher, encombrant et qui ne servira qu’à l’occasion, les Français se mettent depuis plusieurs années à la consommation collaborative. Moyennant finances, il est possible de se loger dans les plus beaux coins de France, d’y aller en covoiturage via un site comme Blablacar et même de diner chez un hôte qui se plie en quatre pour vous faire découvrir des saveurs du terroir. La liste est aujourd’hui presque infinie, mais l’économie collaborative est vécue comme une menace par les professionnels. Les plus bruyants sont sans conteste les taxis et VTC (véhicules de transport avec chauffeur) qui aujourd’hui attaquent en justice la société Uber qui a mis sur le marché une application – UberPOP – permettant aux particuliers de transporter des passagers.
Prendre en charge un particulier pour une « course » urbaine et amortir le budget voiture est une solution qui plait déjà à de très nombreux utilisateurs. Sauf que cette nouvelle manière de penser la voiture déplaît fortement aux taxis et aux VTC qui s’écharpent pourtant à coups de batailles judiciaires depuis des années. Uber attend une décision de justice ce 12 décembre afin de valider ou non la légalité de cette application qui est déjà un succès commercial (et donc populaire).
La France chasse (peu à peu) la voiture
L’économie de partage est en marche et accélère son mouvement, quelles que soient les pressions exercées par les anciens détenteurs du monopole du transport de passagers. L’application UberPOP compte plus de 160 000 utilisateurs après moins d’un an de mise sur le marché, et Blablacar peut se réjouir de ses 10 millions de membres. Tout déterminisme à part, le sens de l’histoire plaide pour Uber et toutes les autres entreprises qui parient sur le partage des ressources. Aidées en cela par des pouvoirs publics partis en guerre contre la pollution et tous les désagréments liés à l’utilisation outrancière de la voiture en milieu urbain.
Deux logiques – parfois difficilement conciliables – sont aujourd’hui à l’œuvre. Il y a l’interdiction pure et simple des véhicules motorisés dans certains quartiers avec ce que cela entraîne en termes de difficultés logistiques (approvisionnement des magasins, mobilité des personnes âgées ou handicapées, lieu de stationnement de tous les véhicules interdits d’entrer dans le périmètre, etc.). La liste des contraintes est longue, mais l’idée de redonner au piéton une place centrale de la vie en ville fait de plus en plus d’adeptes. La municipalité parisienne est une des plus en pointe dans ce domaine bien qu’elle concentre beaucoup d’efforts sur la nature des véhicules en droit de circuler.
Privilégier les véhicules propres pour ne plus faire des grandes villes, des zones irrespirables pour leurs habitants. Telle est la seconde approche des pouvoirs publics. Le débat déjà trop démagogique à certains égards sur l’interdiction à l’horizon 2020 des véhicules diesel à Paris a au moins le mérite de susciter des questionnements chez nos concitoyens. La préservation de l’environnement et de la santé publique sont des ressorts au moins tout aussi importants que les économies réalisées grâce au système de partage.
Evidemment, l’aspect financier n’est jamais absent et les industriels comptent sur le développement des véhicules propres pour prendre la main sur un secteur porteur. Ainsi, le groupe Bolloré s’est fait connaître avec Autolib’ et vient de présenter sa version utilitaire Utilib’. Electrique, comme son ainée, Utilib’ devra s’appuyer sur un réseau de bornes compliqué à mettre en place pour assurer un service optimal. L’électrique a malgré tout une longueur d’avance sur un hydrogène prometteur, mais encore plus difficile à industrialiser à l’heure actuelle.
Mais comme depuis un siècle, la réponse viendra peut-être des Etats-Unis dont la capacité d’innovation, grâce à des entreprises comme Google permet, d’envisager des voitures connectées et non polluantes. Le futur presse le pas, et il serait bon que la France pilote le bon véhicule.
Il est temps que le règne sans partage des taxis s’achève, à l’État de prendre ses responsabilités dans l’effacement de ce monopole usurier à coup de dizaines millions d’€uros depuis presque 70 ans sur le dos des clients