Quand vous lisez « union fiscale », à quoi pensez-vous ? À l’harmonisation fiscale entre divers pays, avec des taux identiques d’imposition ? Pas du tout, il s’agit uniquement de revenir à une application plus stricte d’un des points clefs du traité de Maastricht, soit l’interdiction de voter des budgets déficitaires et de trop recourir aux emprunts.

Quand vous entendez « union fiscale », traduisez : contrôle budgétaire. Point.
Il a fallu environ quinze ans aux États-Unis pour l’établir entre ses États fédérés, et vous comprenez mieux pourquoi Angela Merkel compare les mesures préconisées à un marathon : « Les coureurs d’un marathon disent (…) que l’on peut tenir jusqu’au bout si l’on est conscient de l’ampleur de la tâche dès le départ. ».

Certes, cela implique aussi une lutte plus vigoureuse contre la fraude fiscale, mais ce n’est aucunement l’essentiel.

Un pays peut fort bien décider qu’il exonérera les plus riches d’un taux d’imposition important et dans le même temps ne plus rien faire pour des zones sinistrées par des inondations ou des feux de forêts…

Du moment que le budget global est en équilibre, tout va très bien pour les pays voisins.

Quand vous lisez que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel veulent des sanctions automatiques pour les pays qui ne respecteraient pas les « règles fiscales », comprenez, qui voteraient des budgets ne correspondant pas aux nouvelles règles comptables.

Vous pouvez supprimer tout impôt sur le revenu et relever à 25 % et au-delà la TVA (la Roumanie a surtout retenu, dans les suggestions du FMI, la hausse de la TVA à ce taux), tout va très bien… Certes, cela pose le problème de la fraude à la TVA (qui conduit à faire se balader, fictivement ou non, des biens entre divers pays).

Union fiscale = consolidation budgétaire. Soit la réduction des déficits nationaux. Comment ? À ma guise, à ma guise… La perte de la souveraineté fiscale n’implique que cela. La « probité fiscale » n’est pas du tout l’équité fiscale. Il ne s’agit que de subordonner les décisions des parlements, en matière budgétaire, à des contrôles supranationaux, qui pourraient décider des sanctions.

On disait, après la Grande Guerre, « l’Allemagne paiera ». Là, on peut dire, « les pauvres doivent morfler », c’est du tout bon. Bref, l’Europe de demain, ce sera celle d’hier, sans camouflages budgétaires, ou alors, pas trop forts, « raisonnables ».

Nul besoin d’harmoniser les frais notariaux, les honoraires médicaux, les montants des contraventions, &c. Il est prescrit de taper aux portefeuilles, mais on ne vous dit pas lesquels.

Bref, le président « protecteur » protégera qui lui plaira… Comprend qui veut, ou qui peut…

Sondage express

L’union fiscale expliquée aux nuls par Sarkozy, c’est la claque assurée, les applaudissements nourris. Mais quand j’ai procédé à un sondage express, non pas auprès de ma manucure (je m’en charge moi-même), mais auprès d’une double bac++ (+4 en droit, +5 avec un MBA), et d’une bac+3 (en com’), j’ai éprouvé quelques surprises. Elles avaient compris qu’on allait harmoniser les fiscalités européennes (allez dire cela à Cameron et à la City), lutter contre les paradis fiscaux (allez dire cela aux banksters des îles anglo-normandes ou de Man), &c.
Elles n’avaient pas compris que ce pouvait être la retraite à 40 ans pour les banksters (un métier très stressant), le retour à la vie civile obligée pour les militaires du rang (usés, à dégager), et la petite pension des vieux à 75 ans pour tous les autres (avec obligation de cotiser aussi auprès de Dexia et les autres).

Elles n’avaient pas vraiment compris que quand Sarkozy liait union fiscale aux 35 heures, c’était cela qu’il voulait dire : plus de Smic, ou alors beaucoup plus bas, travail du dimanche (pour se gaver d’importations chinoises), moins d’hôpitaux et d’écoles publiques, &c.
Mais toujours de juteux contrats public-privés, pour relancer la croissance, gaver les mêmes, faire payer les mêmes. Et toujours davantage de cadeaux fiscaux aux plus riches, car sinon, c’est bien connu, ils vont filer dans les selvas colombiennes, chez Thierry Gaubert… qui minorait ses impôts et tapait dans le 1 % logement des Hauts-de-Seine destiné aux HLM.

Bon, faudra trouver des solutions, genre la gamelle populaire mutualisée, sortir de la consommation, faire la part du superflu (légumes frais et fruits, sauf de son jardin ou balcon) et de l’indispensable (le sac de riz importé de 5 kilos).
Tiens, rien à voir. C’est au centre d’une ville moyenne anglaise que McDonald’s vient de fermer son resto rapide : plus assez de clients pour en assurer la rentabilité. Mais Selfridges et Harrods se portent assez bien. Les restaurants Veuve Cliquot, Florian, et le chocolatier Ladurée, trois parmi les six d’Harrods, ne désemplissent pas avec les achats de Noël. C’est combien, la paire de gants, chez  Harrods ? 30 livres, le modèle de base, tricot cashmere (sinon, ben, en laine toute simple, il n’y a pas). La paire la plus chère (avec deux touffes de renard aux poignets), c’est 300 livres.

Et vous croyez que Sarkozy ou Merkel allaient nous changer tout cela ?
Allez, encore une dose d’union fiscale. Champagne ! (à 120 euros le col minimum, eh, on ne sent pas le pâté, les rillettes, le graillon). Un toast à l’union fiscale ! Cheers!