Pour bien saisir tout l’humour de la Conare de l’UMP (sa commission des recours), il faudrait pouvoir lire le Canard enchaîné qui sera diffusé demain soir à la presse et aux médias. Mais la lecture du numéro en cours éclaire beaucoup sur le résultat : près d’un millier de voix (acquises) d’avance pour Jean-François Copé.
Tout d’abord, la décision de la Conare (commission des recours de l’UMP) :
DÉCIDE :
Article 1er : il y a lieu de réintégrer dans le résultat proclamé le lundi 19 novembre 2012 les résultats correspondants aux fédérations de Mayotte et de Wallis-et-Futuna ;
Article 2 : les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées en Nouvelle Calédonie sont annulés ;
Article 3 : les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées dans le bureau nº16 de Paris sont rectifiés et il est soustrait 26 voix du nombre de voix obtenues par Monsieur François Fiillon ;
Article 4 : les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées dans le bureau nº1 des Alpes-Maritimes sont annulés ;
Article 5 : les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées dans le bureau nº3 (liste nº2) des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 6 : les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées dans le bureau nº3 de Cannes-Mandelieu sont rectifiés et il est soustrait 6 voix du nombre de voix obtenues par Monsieur François Fillon ;
Article 7 : le reste des recours est sans objet.
Article 8 : Sur la base des résultats proclamés par la COCOÉ et approuvés par les deux candidats, le résultat de l’élection de l’équipe dirigeante, compte tenu des articles susvisés, est le suivant :
– Monsieur Jean-François Copé : 86 911 voix
– Monsieur François Fillon : 85 959 voix
Article 9 : la présente décision sera notifiée à Monsieur Jean-François Copé et à Monsieur François Fillon.
Délibéré par la Commission nationale des recours dans sa séance du 26 novembre 2012 où siégaient : MM. (sic) Yanick Paternotte (Président), Monique Robineau, Monique Para, Josiane Philippon, Fabienne Labrette-Ménager, Paul Midy, Sébastien Lecornu.
Lecornu n’est pas celui qu’on pense, et LeConnu l’était d’avance !
Bon, ce n’est pas tout à fait du copié-collé, puisque j’ai rectifié certaines coquilles, mais pas celle du MM. (messieurs) : Monique Robineau et Para, Josianne Philippon et Fabienne Labrette-Ménager seraient donc des transexuelles dans le « parti aux deux papas ».
Ces Messieurs du Canard et de l’UMP
J’avais, dès le soir dominical du premier résultat pro-Copé, signalé une bizarre information en provenance de La Réunion. Dès le soir de l’élection, le secrétaire fédéral local admettait qu’une quinzaine de plis contenant des bulletins de vote par correspondance n’avait pas été acheminée. Il pointait du doigt La Poste.
Mais dans Le Canard de cette semaine, ces Messieurs du Volatile relevaient que « 361 enveloppes contenant autant de bulletins (…) sont restées en carafe à la poste. Prétexte : elles n’avaient pas été affranchies au bon tarif et l’UMP a refusé de payer une surtaxe. ».
Tiens-tiens, connaissait-on à l’avance les préférences des destinataires. Parce que tous les plis n’ont pas été affranchis insuffisamment.
Ce sont surtout les procurations qui ont fait défaut à Fillon (voir « Pour la Conare, un enfoiré plus égal qu’un autre », notre précédent article, pour les détails). Trois fois davantage pour Copé que pour Fillon.
Toujours selon Le Canard, dans un bureau aux résultats perdus d’avance, à Nice, les fillonistes ont accusé les copéistes d’avoir voté contre leur candidat en tentant de « bourrer les urnes » à pleines poignées. « Histoire de créer de toutes pièces un prétexte pour réclamer l’annulation des résultats (…) très largement acquis à l’ex-Premier ministre. ». Du propre, vraiment.
Pour être sûr que Cocoé et Conare allaient se prononcer pour Copé, ce dernier avait fait virer un neutre, David Biroste, le directeur des affaires juridiques de l’UMP. Ce dernier s’opposait à ce que la motion La Droite forte fasse trop usage (comme d’autres) du nom de Nicolas Sarkozy. Les rédacteurs d’autres motions avaient plié, pas ceux de la Droite forte, sachant que Biroste allait être viré. Ce au profit d’un proche de Copé, Éric Cesari, nommé tant à la tête de la Cocoé que de la Conare (ou CNR) avec Fabienne Liadzé (et Fabienne Labrette-Menager, députée de la Sarthe).
Bref, une commission des votes acquise majoritairement à Copé, une commission des recours idem. On comprend beaucoup mieux.
Du coup, Jérôme Chartier (pro-Fillon) dénonce une nouvelle « mascarade ». De 98 voix d’avance (26 pour Fillon selon Fillon), on passe à 952 voix. Fillon réclame de nouveau « la vérité » et réunit ses troupes demain matin.
Copé la joue convivial et déclare que l’UMP a besoin de Fillon. Lequel a besoin de l’UMP mais pas de Copé. Il dénonce donc un nouveau « coup de force ». Et propose un retour aux urnes, assuré, pense-t-il, cette fois de l’emporter. Rien n’est moins sûr.
Chez l’ensemble de l’électorat, Copé est le grand perdant. Même spolié de sa victoire, chez les militants de l’UMP, Fillon cède du terrain, selon les instituts de sondage. Il aurait dû encaisser.
Les trois (voire quatre, avec Hénin-Beaumont) législatives partielles (dues à des invalidations), les municipales et les européennes vont peut-être remettre les choses en place, pas forcément en équilibre.
Olivier Mazerolle a préféré se retirer du plateau de BFMTV plutôt que d’avoir à commenter cette foire d’empoigne.
L’UMP ne peut pas faire comme si de rien n’était, et porter un David Douillet à sa présidence, ou on ne sait trop qui. Quoi que décident les 130 parlementaires proches de Fillon, qu’ils se couchent ou non, la guerre est durable. Pour une bonne partie de la base de l’UMP, ce sont des margoulins qui s’accrochent à leurs postes. Mais ils conservent des fidèles.
Philippe Bas (UMP, Manche) a beau dire que tout se passe bien dans sa fédération où l’on continuerait « à travailler dans l’unité ». À travailler à quoi ? À dire que l’élection de François Hollande est illégitime, qu’il ne faut pas dresser le bilan du sarkozysme (ligne Copé), ou à refonder une ligne politique susceptible de concilier l’électorat de la droite traditionnelle (ligne Fillon) ?
Philippe Bas déclare à La Manche Libre que « L’UMP a été créé par Chirac pour éviter la guerre des chefs et pour incarner un rassemblement de la droite avec le centre après la victoire contre Jean-Marie Le Pen. Sous Sarkozy, cette ligne politique a été infléchie et maintenant un débat de fond oppose deux hommes soutenus à une quasi égalité par les militants ». Sarkozy a pris l’UMP à la hussarde, contre Chirac, et il laisse des ruines derrière lui. Le rassemblement avec le centre est à présent une chimère.
Patrick Balkany, qui gonfle, pour BFMTV, le nombre des adhérents de l’UMP à 310 000, réclame un chef « pour combattre la gauche ». Quelle gauche ? Le Front de gauche ?
Karoutchi (pro-Copé) veut encore croire à l’apaisement. Lui aussi veut « s’occuper de la gauche ». Pour soutenir Mittal ? Soit le patron ? C’est cela le « désir profond d’unité à la base » que Philippe Gosselin (Manche, pro-Copé) veut voir persister ?
Comme The Independant le rapporte, l’UMP s’accélère vers sa « self-destruction ». Elle n’a que le bilan (fiscalité) à défendre, et n’a que le mariage pour tous et le vote des étrangers pour la rassembler. NKM en profite pour revenir sur le devant de la scène, au prétexte de l’éthique et de la légitimité. Au nom de quoi ? Quelle unité à la base, pour quoi ? Pour ramener Sarkozy à l’Élysée, quoi qu’il puisse faire ou ne pas faire ? Olivier Picard (Le Plus), le considère coupable « d’avoir décérébré l’UMP ». « Son but atteint, le président Sarkozy s’est désintéressé du parti qui l’avait porté au pouvoir. Il l’a traité avec une totale désinvolture. (…) garnison parlementaire au service d’un chef ». Il a divisé pour régner, donné des gages aux uns, aux autres, et récemment favorisé son adversaire, Copé, en sous-main, histoire de fragiliser Fillon et préparer son retour ultérieur.
« Si l’affaire tourne mal, qu’on ne compte pas sur lui pour culpabiliser, comme ces pères de famille tyranniques qui n’assument jamais les dégâts qu’ils ont infligés à leurs propres enfants, » conclut Olivier Picard. Tant que la droite qui ne se rallie pas au Front national n’est pas capable d’analyser lucidement le bilan, avec Fillon ou Copé, une ou un autre, elle est condamnée. Faut-il si fort la regretter ?