LA FORCE DE L’ARGUMENT D’EMOTION
Souvenez-vous du charnier de Timisoara, dans la Roumanie de Ceausescu.
Souvenez-vous des couveuses du Koweït, dans la guerre contre l’Irak.
Souvenez-vous des armes de destructions massives de Saddam Hussein.
Souvenez-vous de tous ces prétextes, qui ont servi à justifier les guerres.
Souvenez-vous de toutes ces manipulations qui ont sensibilisé le public et lui ont fait commettre l’irréparable.
Souvenez-vous de ce que l’émotion sait créer d’intense et de passionnel, et de la manière dont les dirigeants savent la susciter, l’amplifier, et l’exploiter.
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Au matin du 1er aout, un fait décisif a eu lieu, dans le Sud de Rafah, en plein cessez-le-feu, fixé pourtant la veille pour une durée de soixante-douze heures.
C’est dans un contexte très flou, et sur une version très controversée de TSAHAL, que la disparition d’un soldat israélien à fait sonner le glas d’un cessez-le-feu auquel personne ne croyait vraiment.
Il est question d’un acte grave, considéré comme inexcusable aux yeux des israéliens, mais qui fait trembler tous les palestiniens de GAZA.
Ils tremblent, parce qu’ils savent que dans l’hypothèse où cet enlèvement serait avéré, la riposte que définirait le gouvernement israélien leur serait immanquablement fatale.
C’est ce qu’a également confirmé dans sa conversation avec le secrétaire d’Etat américain, le premier ministre israélien Netanyahou : « Cet enlèvement change la donne. Le Hamas a commis l’irréparable. Il va le payer très cher ».
Et pour cause, les représailles ont immédiatement repris : des bombardements toutes les dix minutes, une population totalement assiégée, calfeutrée dans ses abris, qui ne peut pas même fuir, la route principale a été bombardée.
Et un bilan effroyable, pour cette seule journée du 1er aout : plus de 100 morts, et plus de 360 blessés.
Et, ce ne serait que le début.
Que le début.
Pour une Gaza confrontée à un Israël qui exclut toute paix possible, et une armée qui vient de se donner pour troisième mission, la libération de son soldat, par tous les moyens.
Depuis cette disparition, il n’y a plus en Israël, que des appels à la vengeance.
C’est une population qui a sombré dans un cataclysme émotionnel, qu’aucun argument ne saurait résonner, à l’image d’un gouvernement décidé ainsi qu’il l’a déclaré, à se débarrasser d’un Hamas qu’il qualifie plus que jamais, d’organisation terroriste.
Une situation d’hystérie collective amplifiée par la médiatisation des propos du père du soldat disparu, qui déclarait soutenir le combat de l’armée à GAZA, une armée qui remuerait ciel et terre pour retrouver son fils.
Et les absents, ces « mous » de la scène internationale qui subitement se réveillent, au travers des déclarations du secrétaire général de l’ONU qui pris d’une crise de fermeté, exige la libération immédiate du soldat, et du président américain Obama, qui lui, en grand humaniste pourtant insensible à 10 000 victimes palestiniennes, intime l’ordre d’une libération sans condition, à un HAMAS qu’il fustige.
Mais de quelle capture est-il question exactement ?
Seule la version de TSAHAL a été prise en compte.
Le démenti formel du HAMAS n’intéresse personne.
Et pourtant.
Le HAMAS aurait eu tout intérêt à se glorifier de cet enlèvement.
Mais il aurait également eu toutes les raisons de craindre le pire pour GAZA.
Alors pourquoi l’aurait-il capturé.
D’ailleurs, les incohérences, les zones d’ombres et les illogismes de la version de l’armée israélienne, ont donné lieu à un cafouillage médiatique, rendant leur discours incompréhensible.
Certains parlent d’enlèvement, de capture. D’autres de disparition.
La différence est flagrante et significative.
Et le vocabulaire primordial.
Certains médias déclarent que le soldat « a été » enlevé, d’autre que le soldat « aurait été » enlevé.
Et TSAHAL d’amplifier la confusion, en donnant une version assez floue, selon laquelle après l’explosion d’un kamikaze au sortir du tunnel, leur soldat a été trainé dans le tunnel, mais qu’en même temps il aurait disparu au moment de l’explosion, pour finir par dire que le soldat été manquant à l’appel à la fin des heurts.
La disparition du sous-lieutenant Hadar Goldin reste donc une possibilité, probable ou prétendue, mais en aucun cas avérée, l’hypothèse donc de l’enlèvement, reste une totale incertitude.
Mais ce qui interpelle, ce qui intrigue essentiellement, c’est la réaction d’un gouvernement israélien qui n’a à aucun moment proposé des pourparlers avec les prétendus ravisseurs, et dont le seul objectif annoncé est la destruction et l’intensification des bombardements.
Déclaration tout autant belliqueuse et absente de toute demande de négociation pour la libération du jeune sous-lieutenant, par le père lui-même, dont la teneur essentiel du discours était le soutien, donc la justification, des bombardements sur GAZA.
Et c’est là que le summum de l’illogisme est atteint, par un père et un gouvernement, tous deux désireux de retrouver le jeune homme en vie : demander l’intensification de représailles, adopter le choix d’un déluge de bombes, sans avoir peur, que les bombes en question, ne tuent Hadar.
Si ce n’était un regrettable manque de cohérence et d’esprit, cette structure de pensée ressemblerait fort à de l’indifférence.
Mais un but semble cependant avoir été atteint : susciter parmi la population, un désir de destruction dans la rage de la vengeance, pour qu’aucune intention de paix n’effleure plus l’esprit des israéliens.
C’est peut-être la raison pour laquelle, le parallèle ne cesse d’être fait avec l’enlèvement d’un israélien en 2006, et qui avait été à l’origine d’opérations militaires israéliennes à GAZA, terribles, et qui allaient durer cinq mois.
Est-ce une façon de préparer l’opinion et le monde, une manière tout en douceur comme le cri de justice d’une victime effarée, à un génocide sans précédent.
Un malheur qui s’abat de nouveau sur les gazaouis, un malheur dont le monde entier les rend responsable.
Et pourtant, ce cessez-le-feu, était absolument vital pour les palestiniens.
Des palestiniens qui avaient besoin de toute urgence de s’approvisionner en vivre, en vêtements.
Des palestiniens qui avaient besoins de médicaments manquant cruellement dans des hôpitaux qui ne peuvent plus sauver personne.
Des palestiniens qui voulaient enterrer leurs morts.
Et, des palestiniens, qui avaient tant besoin d’eau, d’une eau potable qu’ils ne savent plus où trouver.
Cette nouvelle offensive les condamne à consommer de l’eau impropre, dont les conséquences sanitaires sont dangereuses dû aux risques de contamination.
Une eau dont la consommation risque de les décimer, et qui alarme les missions humanitaires sur place.
Une catastrophe humanitaire « détournée».
Comme un génocide sans armes, comme une extermination sans coupables.
Comme la malaria du III Reich, qui avait décimé une partie de l’Italie.
Personne ne peut savoir ce qui s’est réellement passé ce matin du 1er aout.
Un évènement qui aura mis fin à une accalmie dont les palestiniens étaient en quête, et qui vraisemblablement, va signer leur arrêt de mort.
Et toute cette tragédie pour un enlèvement très providentiel d’un soldat israélien, un enlèvement qui aura permis au gouvernement israélien de retourner définitivement la totalité de l’opinion israélienne contre les palestiniens, et qui aura, aux yeux du monde, déjà justifié, une extermination « obligée » du peuple palestinien de GAZA.
C’est dans ce cadre, que se pose la question de l’utilisation des techniques de propagande en temps de guerre, de manipulation de l’opinion, en d’autre terme, de la justification d’une oppression par un argument d’émotion.
Ainsi que l’avait déclaré Quintilien, rhéteur et pédagogue latin : « Les preuves font penser aux juges que votre cause est bonne ; les passions font qu’ils souhaitent qu’elles soient telles, et dès qu’ils le souhaitent, ils ne sont pas éloignés de le croire. Sitôt qu’ils commencent à entrer dans nos passions, à être portés de haine ou d’amitié, d’indignation ou de crainte, ils font de votre affaire la leur propre. Ils n’examinent plus, ils sont emportés et entrainés comme par un courant rapide dont ils suivent l’impulsion. »
Et Cicéron, philosophe romain, d’ajouter : « Les hommes dans leur jugement cèdent plus souvent à l’influence de la haine ou de l’amour, du désir ou de la colère, de la douleur ou de la joie, de l’espérance ou de la crainte, de l’erreur ou de la passion plus qu’à celle de la vérité, de la justice, du raisonnement et des lois. »
***
GAZA se souviendra longtemps, de ses morts, de ses blessés, de sa peur et de sa souffrance, de l’épreuve immonde que l’occupant vient de lui infliger, et de l’effroyable tragédie qu’un monde définitivement complice, vient d’accepter.
Des stigmates qu’aucune excuse, ne pourra jamais apaiser.
Des traces, qu’aucun tribunal qui un jour prochain, jugera ISRAEL, n’effacera jamais.
Et si la résistance palestinienne ne peut répondre à cette accusation, autrement qu’en la démentant tout simplement, c’est parce que, ainsi que l’avait déclaré Marie-Antoinette à son procès : « C’est que la nature se refuse à une pareille inculpation faite à une mère. J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici ».
Ainsi le HAMAS, n’aurait pu livrer son peuple meurtri, à un ennemi acharné.
J’en appelle à toutes celles et ceux qui aiment et défendent leur peuple.
RAPPEL DU BILAN AU 26EME JOURS :
plus de 1500 morts et près de 8400 blessés.
DESSIN :
Dessin d’un enfant de GAZA – 2011
[b]Takita ou Takiya ?[/b]
Ca signifie quoi Takiya ?