pour un premier de série c’est lourd.

 

 

Tous ceux qui ont créé de nouveaux produits savent très bien les difficultés de faire l’estimation d’un coût pour un premier de série. En général, c’est sur la série que l’on rattrape les dépassements prévus si le résultat obtenu est bon. Dans le cas de cette importante réalisation le chiffrage de cette tête de série était tout à fait possible par extrapolation des réalisations précédentes, même si elles sont différentes de celle de l’EPR. Nous avons construit 58 centrales et 98 dans le monde par Areva, bien que je ne connaisse rien de ce projet sinon ce que nous entendons tous. Ce que je veux simplement signifier c’est que la réalisation de l’EPR bien qu’une première, n’était pas une création. Ayant créé des produits je sais par expérience qu’il y a très souvent des imprévus et que finalement le coût s’en ressent. En outre, il faut que l’objectif recherché soit pleinement obtenu, et qu’il permette une rentabilité telle, qu’elle puisse, non seulement de récupérer l’investissement, mais de plus, assurer une rentabilité sur la vente en série du produit. Une entreprise ne peut fonctionner que si elle gagne de l’argent. Dans le cas de l’RPR de Flamanville 3, réacteur à eau pressurisée, pour une puissance électrique délivrée de 1.650 MW, c’est bien plus une nécessité énergétique nationale que d’assurer une rentabilité dans l’exploitation des centrales électronucléaires.

 

Le problème de coût de la tête de série est donc moins crucial que pour un industriel, puisque c’est une décision politique à la suite d’un débat public, après de nombreuses manifestations sous le collectif international Stop EPR. C’est sur le prix de vente du kw.h de l’électricité produite que se fait la rentabilité de la centrale, et qui est directement moins palpable, mais non moins important, sur sa longévité énergétique. La durée de vie technique de l’EPR de Flamanville serait de 60 ans, et son défaut de pollution environnementale est un facteur important, outre que ses déchets sont réduits d’environ 10 % par rapport aux autres réacteurs.

 

Il aurait un meilleur rendement thermodynamique par suite de la pression de son circuit secondaire à 80 bars avec une source froide en bordure de rivière. Il peut utiliser de l’uranium 235 enrichi à 5 % ou du MOX, un mélange de dioxyde de uranium à 93 % et de dioxyde de plutonium à 7 %, (mélange à très radioactif longue durée de vie, ≈ 24.000 ans, voir le dossier sur les déchets nucléaires) produit à l’usine MELOX de Marcoule et qui peut être retraité deux fois, voir plus. Un meilleur rendement de combustion avec un niveau de sureté sans pareil.

 

Ce réacteur s’imposait de lui même pour les 60 années futures. Son coût initial de tête de série n’était donc pas rédhibitoire eu égard aux possibilités qu’il apportait, et l’on pouvait penser, même si son coût pouvait évoluer, qu’il n’atteindrait pas le niveau actuel annoncé. Or, les obligations de sureté postérieures à la catastrophe de Fukushima en mars 2011 qui ont été intégrées pèsent lourd. À cela, si l’on ajoute les problèmes de fissures du béton du radier de l’EPR avec le remplacement des consoles, énormes pièces métalliques entourant le bâtiment réacteur qu’il a fallu changer après la découverte de défauts, on comprend que son coût ne peut que s’élever. Mais de là, à envisager, que sur sa valeur initiale de 3,4 milliards d’euros, il fut successivement porté à 4 milliards en décembre 2008, puis à 5 milliards en juillet 2010 pour être porté à 8,5 milliards d’euros en décembre 2012, c’est plus de deux fois l’estimation initiale, même si l’on tient compte de l’actualisation du coût des charges de capital correspondants aux investissements passées et des coûts actualisés des matières premières et de la main d’œuvre. En deux années le coût s’est accru de 3,5 milliards, faut pas pousser, il y a de l’anormal dans cette estimation.

 

Il y a là une grave responsabilité du constructeur, qui ne s’explique pas. At-on voulu masquer les réalités ? Il n’est pas possible qu’il en soit autrement ou alors, le constructeur est d’une incompétence crasse ? Il y a maintenant une telle marge qui permet aux opposants de clamer qu’il faut tout arrêter. Cela serait encore une plus grande catastrophe, il faut donc payer. Ce sont donc les Français qui seront mis à contribution.

 

Document Le Monde.fr

 

Le mythe d’une électricité domestique pas chère s’estompe. On en vient à trouver que l’éolien reviendrait moins cher et la compétitivité de l’EPR à l’export serait caduque ? Un dossier d’avril 2012 reprenant le rapport de la Cour des comptes sur la filière EPR donne un coût du MW.H de 70 à 90 € pour un coût de 6 milliards d’euros. Or, l’évaluation du coût du MW.H du parc nucléaire actuel est estimée à 69 € par MW.H avec la gestion des déchets, place l’EPR très au dessus. De plus, cette évaluation ne tient pas compte de l’annonce du 05 décembre du surcoût à 8,5 milliards d’euros.

 

En juillet 2011, une autre source Coûts de nouveaux réacteurs trop chers, trop donne une évaluation à 81 € /MW.h auxquels il faut ajouter les coûts du transport de la distribution pour obtenir le coût sur la facture EDF.

 

Le tableau ci dessous tiré, du dossier d’avril 2012, donne des éléments de comparaison entre les diverses filières EPR, Éolien offshore, Éolien terrestre, la filière CCG (Combiné gaz avec turbine à combustion et d’une turbine à vapeur disposant chacune d’un alternateur qui devait être mis en service en 2011 par l’EDF à Blénod-lès-Pont-à-Mousson pour une unité de 430 MW), et la filière photovoltaïque PV.

 

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En première observation, il apparaît nettement que les coûts de production des filières qui sont amenées à remplacer les moyens de production électriques actuels dans les années qui viennent seront en nette augmentation par rapport aux coûts de production aujourd’hui pris en compte par la CRE, Commission de Régulation de l’Énergie, 42 € /MW.H puisqu’ils se situent pour la plupart entre 65 et 90 € /MW.H. En outre, le graphique montre que c’est la filière CCG offre les meilleures performances même pour un fonctionnement de 7.000 heures 63,3 €/MW.H à 76,6 à 79,6/MW.H pour l’EPR. De plus, il faudrait une augmentation de 35 % du prix de gaz ou une taxe carbone de 60 €/tonne de CO2 en 2020 pour que l’EPR de Flamanville devienne compétitif avec la filière CCG. Quand aux autre filières, Éolien offshore et Photovoltaïque, elles sont hors course, beaucoup trop chères au MW.H.

 

Le rapport indique que la plupart des experts envisagent une réduction des coûts d’investissement de l’éolien terrestre d’au moins de 10 %, aux alentours de 1.000 €/kw ce qui pourrait conduire à des coûts de 70 à 75/MW.H. Il semble donc que l’EPR de Flamanville n’atteigne pas l’objectif escompté sur le coût de son électricité, sinon qu’il aura permit le démarrage d’une série.

 

Mais, il reste délicat d’estimer le coût en kw.h des autres EPR qui lui succéderont. Outre les problèmes de fissuration du radier et des défauts constatés sur ces énormes consoles métalliques, l’incidence de Fukushima pèse lourd en terme de coût mais mais surement pas en terme de sécurité.

 

Il faut comprendre que notre parc nucléaire est vieillissant, et que l’éolien terrestre ne peut tout remplacer, nous avons donc besoin d’énergie électronucléaire. Les prochaines années vont être lourdes en investissements et en démantèlements des vielles centrales. Si l’on veut être indépendant on ne peut que financer d’autres EPR conjointement avec des énergies propres.

 

François Hollande, bien qu’il ait pris l’engagement de la fermeture de la centrale de Fessenheim et du désengagement de 50 % de nucléaire pour 2025, ne veut pas abandonner Flamanville au nom des investissements déjà entrepris, on ne peut que lui donner raison, mais de plus les EPR sont nécessaires pour notre indépendance.

 

La reconversion énergétique sera semée d’embuches politiques, d’incompréhensions, de stupidités, mais elle doit se faire car elle est générante d’emplois, dès lors qu’elle utilise le vent, le soleil et l’eau. Mais, elle ne peut être seule, il faut aussi des centrales électronucléaires pour les fortes puissances.