Selon Der Spiegel, Mario Draghi, l’Italien présidant la BCE, et Mario Monti, président du conseil italien, auraient fait valoir à Angela Merkel que les fonds mis à disposition du MES (Mécanisme européen de stabilité) devraient être portés à mille milliards d’euros, soit le double de ce qui avait été envisagé. Cela passerait par l’affectation du solde non utilisé du FESF (Fonds européen de stabilité financière), mais aussi par des apports proportionnels des pays de la zone euro. Nicolas Sarkozy approuverait ce dispositif. Der Spiegel titrait déjà, la semaine dernière, « Deux contre "la Merkel" » (Sarkozy, Monti…). Ils seraient sans doute plus nombreux à présent.

La comédie musicale EuroCrash, du correspondant berlinois de The Economist, David Shirreff, accueillera le public berlinois du 24 au 26 prochains, et celui de Francfort, du 27 au 29, à… la Frankfurt House of Finance. Cela ne s’invente pas. Si le public allemand accueille mal ce spectacle, son créateur se demande s’il pourrait le monter à Athènes : « fausse bonne idée », estime-t-il.

Pourtant, Shirreff serait plutôt pour que l’Allemagne consente à des efforts supplémentaires pour soutenir l’euro et l’économie européenne. C’est bien là toute la question. Car ce n’est sans doute pas l’Italie ou l’Espagne, encore moins le Portugal ou la Grèce, ou l’Irlande, qui pourraient abonder le MSE.

Fuite en avant et scepticisme

« 500 Milliarden sind gut – eine Billion wäre besser. ». Ainsi débute l’article du Spiegel. Cela peut évoquer, pour beaucoup d’Allemands, une fuite en avant. Tandis que pour Monti, il s’agit de donner des assurances aux Italiens, et contrer la Ligue du Nord, qui appelle déjà à sa démission, tandis que diverses corporations manifestent leur mécontentement (taxis, pharmaciens…). Umberto Bossi, Roberto Maroni et Roberto Calderoli ont mené une manifestation à Milan dont les slogans mettaient fortement en cause Mario Monti, mais aussi « Roma » (Basta Roma, Roma fanculo…). Monti n’est pas plus apprécié en Sicile où les agriculteurs bloquent les routes et font valoir que les produits israéliens et espagnols concurrencent trop les leurs sur les marchés européens. Le « mouvement des fourches » sicilien veut maintenir la pression sur le gouvernement au moins jusqu’à une réunion prévue mercredi prochain. Toutefois, les barrages routiers ont été levés ce dimanche.
Monti s’est prononcé contre une libéralisation accélérée dans tous les secteurs (et notamment le ferroviaire). Il tente de donner des gages aux uns ou aux autres mais il pourrait rapidement se mettre à dos l’église catholique : il ne s’est pas prononcé, mais divers de ses soutiens plaident pour une imposition plus forte des entreprises comme les cliniques ou les couvents hébergeant des touristes. Cela pourrait rapporter entre 128 millions d’USD et… 2,8 milliards d’USD, selon diverses estimations.

Merkel reste circonspecte, d’autant que le FMI sollicite aussi fortement l’Allemagne pour qu’elle augmente sa contribution. L’Allemagne n’a promis pour le moment que 22 Mds € pour le MES. Toutefois, elle prévoyait de verser cette somme en cinq fois et à présent envisagerait de la verser en totalité. L’appel de Monti survient à la veille d’une réunion portant sur le MES, dont la mise en place est prévue pour vers juin ou juillet. Pour le gouvernement allemand, le FESF dispose déjà de la capacité nécessaire pour faire face à ses obligations, de même, a estimé vendredi son porte-parole, Steffen Seibert, à l’avenir, le MES.

Monti a aussi remis sur le tapis la possibilité, pour la BCE, d’émettre des eurobonds. « Ma non subito, » a-t-il déclaré ce jour lors de l’émission In 1/2 ora. Pas avant le printemps 2013 en tout cas, a-t-il pronostiqué.

Certains Italiens en sont à se demander si l’axe Merkozy ne serait pas en voie de glisser vers deux axes antagonistes : Merkel-Cameron et Monti-Sarkozy. Au Portugal, Monti et Draghi sont désormais surnommés les « Super-Marios », du nom d’un jeu d’arcade. Merkel rejoindrait le camp des eurosceptiques, imperceptiblement. Il faut dire que l’opinion allemande reflète une tendance similaire : près d’un tiers des Allemands considèrent que l’euro ne survivra pas à la crise, et plus de 50 monnaies régionales, parfaitement légales et acceptées par les commerçants des régions concernées, ont déjà été lancées, avec un certain succès. Certaines sont déjà liées, comme en Bavière, à des cartes de débit libellant des sommes dans la monnaie locale, le chiemgauer. Ele est en circulation depuis huit ans, mais son volume est en augmentation constante.

Grand écart

Pour le moment, les deux réserves des fonds, dont la capacité d’intervention pourrait être revue à la hausse, sont, pour le FESF, de 250 milliards d’euros, et pour le futur MES, qui devrait prendre le relais du premier en juillet, de 440 milliards envisagés. On est loin des mille milliards…

Mais ce chiffre même suffirait-il ? L’un des plus gros patrons allemands suggère que la Grèce nécessite à elle-seule près de 500 milliards. Par ailleurs, le ministre espagnol des Finances, Cristobal Montoro, estime que l’objectif de réduction du déficit budgétaire fixé à Bruxelles pour son pays est irréaliste.  « Il est évident que lorsque fut fixé l’objectif de réduire le déficit de 6,0% à 4,4%, cela était fondé sur un scénario de croissance économique et non de récession, situation dans laquelle nous nous trouvons… ». Conséquence : moins de revenus fiscaux. Cette perspective ne guette pas que l’Espagne… Dans six mois, que suggérera-t-on ? 1 500 milliards d’euros ?

Selon le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo, l’Allemagne fléchirait sur la question des eurobonds : «  Alemania lo acabará haciendo. Siempre actúa cuando ve que hay un estado de necesidad, » a-t-il déclaré à El Pais. Nécessité fera loi, même en Allemagne. Peut-être, mais le fera-t-elle à temps ?