Le délibéré du procès de Thierry Gaubert, l’ami fidèle de Sarkozy, a été reporté… au printemps. Ainsi que l’indique Mediapart, « heureux qui comme Gaubert comparaît à Nanterre ! ». Selon le parquet, Thierry Gaubert, l’homme lige de Sarkozy et Takieddine, le tenancier des Nibar et Nichon en Colombie, n’est coupable que d’un léger abus de bien social dans l’affaire du 1 % logement des Hauts-de-Seine. Peine requise : 50 000 euros, un an assorti de sursis…
Il est franchement nul, le juge d’instruction Richard Pallain, de Nanterre. C’est à croire qu’il aura obtenu une capacité en droit dans la même pochette surprise que Nicolas Sarkozy, à Nanterre déjà.
Voilà un magistrat qui renvoie Thierry Gaubert en correctionnelle en s’appuyant sur 23 infractions ou chefs d’inculpation. Pas du tout, requiert la substitut du procureur Courroye, Deborah Coricon. Cette affaire relève sans doute, selon elle, d’un simple tribunal de commerce.
Mais pour ne pas totalement désavouer son collègue de l’instruction, elle retient un léger abus de biens sociaux.
Il faut croire que Thierry Gaubert, en puisant dans la caisse du CIL, gérant le 1 % logement dans les Hauts-de-Seine, n’aurait chapardé que quelques cigares. Tout le reste s’est produit à l’insu de son plein gré.
« Adieu, prise illégale d’intérêts, escroqueries, faux et usages, exercice illégal de la profession de banquier, » commente Michel Déléan, pour Mediapart. Dans le fracas des vagues de la candidature de Nicolas Sarkozy, ce procès s’est déroulé comme sur une mer d’huile… et d’onction.
Deborah Coricon (retenez ce nom, elle ira loin, cette petite…) a chargé Philippe Smadja, associé de Gaubert, et quand même signalé quelques faits heureusement prescrits, sans trop s’y attarder.
D’habitude, les peines sont proportionnées aux faits, et les amendes plus ou moins, selon qu’il s’agisse d’infraction, de délit ou de crime, aux revenus des prévenus (des « examinés »). Là, le gros méchant, avec 10 millions d’euros de revenus, ne pèserait que 100 000 euros d’amende et deux ans de prison. Pour Gaubert, dont la substitut ne peut ignorer l’existence d’une fabuleuse propriété en Colombie, et de quelques avoirs placés dans des îles complaisantes, 50 000 euros suffiront, et elle lui épargnera le passage effectif par la case prison.
Cela m’évoque le TGI d’Angers, circa 1967, expédiant les affaires de conduite en état d’ivresse. Un magistrat rubicond, à l’embonpoint prononcé, la trogne couperosée, tance sévèrement un ouvrier maghrébin. « Vous n’êtes pas venu en France pour vous souler et mettre la vie des Français en danger, » tonne-t-il. Il doit ne pas aimer les maigres, les pères de famille feignant l’humilité devant la justice. Tout y passe, retrait de permis, amende au plus haut, mais sursis quand même… jusqu’à, évidemment, l’inéluctable prochaine comparution, histoire d’évoquer les rigueurs de la loi.
Suit une caricature de Beauf à la Cabu. Veste à carreaux cintrée, petite bedaine, joues rebondies, gel pour garder la blondeur artificielle ondulée. Notre Raminagrobis se penche comme pour congratuler le contrevenant véniel. « Ah, mais je sais bien qu’il est bon, le p’tit vin d’Anjou… Et dans votre métier, comme je vois que vous êtes VRP… m’enfin, faut quand même pas trop en abuser ! ». Ne pouvant infliger un simple avertissement, le juge prononce une légère amende. Grands sourires échangés. N’y revenez plus, allez… Au suivant !
Parties civiles bafouées ?
Les perdants, c’est bien sûr d’abord la société Procilia, qui a repris les affaire du CIL Habitation, et l’ex-administrateur licencié par le CIL qui s’était senti des scrupules et avait donné l’alerte.
Procilia réclame 3,14 millions d’euros en préjudice matériel, 250 000 en préjudice moral. Ce qui ne vaudrait au pénal que des amendes de 50 000 ou 100 000 €. Jean-Claude Duret, lui, avait saisi la justice. Mal lui en a pris : menacé, licencié, puis mis à la retraite d’office par son prochain employeur, Thalès, à la suite d’interventions, selon lui, des relations haut-placées de Gaubert.
Rappelons à quel point il fut proche de Sarkozy dans les Hauts-de-Seine, à Neuilly, dans les ministères, et avec quelle célérité Brice Hortefeux se penchait sur ses autres affaires judiciaires (dans les affaires Takieddine). Pour Deborah Coricon, sa partie civile serait irrecevable.
Pour son avocat, Me William Bourdon, « la logique d’impunité de l’époque trouve son écho dans celle du déni à la barre. ».
Voici quelques mois, Thierry Gaubert émargeait aux Caisses d’épargne pour 15 000 euros du mois. Le jugement sera mis en délibéré, « probablement jusqu’au printemps, » (voire au début de l’été), prévoit Deléan.
Personne ne semble s’être trop inquiété, côté magistrature, de la destination des sommes détournées. Le report, qui peut s’expliquer – il avait été fait très, très lente diligence (une vingtaine d’années, le temps d’ouvrir la voie de la prescription ?) –, avantagera-t-il ou nuira-t-il à Gaubert ?
Tout pourrait dépendre des élections et de la « promotion » du procureur Courroye et de quelques magistrats.
Dans son ouvrage, 35 ans dans la magistrature (Albin Michel), Gilbert Thiel, évoque la caporalisation de la justice, « l’hypocrisie sociale et l’individualisme forcené » de ses représentants (et représentantes, conviendrait-il, dans ce cadre, de le souligner ?). Tiens, dans l’affaire des fadettes, Philippe Courroye vient de recevoir le soutien du Parquet général de Paris. Tiens, le président allemand démissionne après la révélation d’un simple prête immobilier à taux préférentiel consenti à son bénéfice par une relation d’affaires.
Une dérive accentuée
Cela étant, l’ancien procureur d’Ajaccio, José Thorel, se voit infliger une amende avec sursis, mais quand même 4 000 euros de dommages et intérêts à régler à un certain Alain Orsini, qu’il avait qualifié de « vrai mafieux » dans un entretien avec… Mediapart. Yannick Jadot (EELV) a été relaxé pour avoir déclaré qu’Ali Bongo était un dictateur. Mais un toxicomane qui avait emprunté sans violence la carte bancaire d’un ami pour retirer 580 euros a écopé de trois mois sans sursis…
Soit un mois pour 194 euros. Pour 3,14 millions, à Nanterre, c’est douze mois avec sursis. Faites le décompte. On peut aussi considérer que Jean-Claude Duret a été, lui, dans l’affaire Gaubert, victime de violences, au moins psychologiques.
Le panorama judiciaire est fort divers, et tous les juges ne rampent pas, tous les procureurs n’exagèrent pas (ou ne minorent pas) exagérément les faits.
La justice de naguère n’était pas forcément beaucoup plus impartiale et reluisante que l’actuelle, mais on peut considérer que, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, quelques affaires tonitruantes se soldant par des réquisitoires laxistes, assorties de multiples dérisoires, toutes petites, sévèrement réprimées, ont jeté un certain discrédit sur les magistrats dans leur ensemble. Ce qui est fort injuste pour les intègres.
Le dossier des évadés fiscaux en Suisse, traité par le procureur de Nice, Éric de Montgolfier, a été aussi quelque peu « arrangé » par Bercy. Éric de Montgolfier s’étonne de sa subite promotion à Bourges. Jean-Claude Marin expédiera Yves Charlepenel dans une chambre civile et commerciale de la Cour de cassation, laissant à un autre avocat général le soin de traiter des affaires Lagarde-Tapie et du dossier d’Éric Woerth (il songerait à Jean-Marie Beney, ancien du cabinet de Rachida Dati). « Qu’on ne vienne pas me dire qu’il y a un problème d’indépendance de la justice, » avait déclaré l’encore président à Dijon. Pourquoi donc perdre son temps à le lui dire ?
La cause semble, une nouvelle fois, entendue.
Alors que l’on soit pour l’un, pour l’une, ou un troisième, passé un certain stade, peu importe…
P.-S. – pour celles et ceux qui veulent se distraire à parodier l’affiche de l’UMP et du candidat Sarkozy, « La France forte », le matériel ne manque pas, et le concours se poursuit…
[b]Thierry Gaubert ? si je disais ce que je sais ! je ne le recommanderais pas à qui que ce soit. Jef vous avez eu raison de « sortir » cet article et encore je sens que vous vous êtes retenu.[/b]
Oh, ben, dites donc, Zelectron.
Ce qui était « amusant », c’était d’entendre, au tribunal, Gaubert faire pleurer dans les chaumières. Et dire que son honneur bafoué était rétabli par ces réquisitions lénifiantes.
Viz « Drôle de convocation » Pallain