Avant de me plonger dans l’essai d’Étienne Liebig sur les Rroms, puis de le chroniquer, il me semble quand même opportun de faire état de l’article de Rebecca Camber, du Daily Mail, sur la famille Rostas, et ses manoirs et domaines immobiliers en Roumanie. Opérant principalement au Royaume-Uni, les Rostas sévissaient aussi en France, et investissaient dans de splendides demeures, peut-être aussi dans des établissements de jeux ou de nuit, en Transsylvanie…
Je ne doute pas que l’essai, publié chez Michalon, de l’ami Étienne Liebig, De l’utilité politique des Roms – une peur populaire transformée en racisme d’État, soit fort pertinent.
Je ne sais trop comment il emploie le terme de Rrom dans son livre, et je crains qu’il assimile tous les Rroms aux manouches, aux vanniers, ou Tsiganes de France.
Juste une phrase, en préambule, tirée de son ouvrage : « Les Tsiganes (…) sont la proie facile et le bouc émissaire idéal (…) d’autant plus qu’il n’existe pas de communauté tsigane mais simplement un imaginaire collectif. ».
Dont acte, et j’en témoigne aussi, après avoir fréquenté surtout le Banat, Timisoara, et le nord de la Transylvanie.
J’ai déjà publié sur Come4News certaines de mes photos des « palais Rroms ».
Celle-ci (ci-contre) est libre de droits.
Et n’est pas de moi…
J’ai décrit leurs frontons ornés de noms de proches, leurs canalisations en bronze, mais aussi leur état d’inoccupation, ou d’inachèvement provisoire (histoire d’éviter des taxes), et la manière dont ils sont acquis.
Spoliations, menaces
Grosso modo, un palais rrom comprend au minimum trois étages, est souvent carré, embalconé, avec des portes et fenêtres en bois sculpté. Comptez dans les quatorze pièces pour les modestes. Il en est de deux sortes. Les demeures de ville, très lourdement restaurées, transformées, et souvent acquises grâce à des complicité d’avocats, juristes, édiles, voire magistrats. Lesquels fournissent les « ancêtres » spoliés par le régime communiste. Parfois, la dernière habitante a déguerpi car elle était une vieille femme menacée et que ses documents lui avaient été subtilisés. Parfois, les propriétaires sont tellement harcelés qu’ils cèdent à bas prix la demeure convoitée.
Et puis il y a les nouveaux, construits sur d’anciens terrains vagues ou des friches, ainsi à la sortie des villages, entre le centre-ville et la zone industrielle (à Timisoara, de la gare de l’Est à la nouvelle usine de Continental).
Cela étant, il y a des exceptions, et celui de Barron Rostas, dont la nombreuse famille vivait de mendicité en Irlande, est relativement modeste (un rez-de-chaussée plus combles à Vadu Crisului).
Je n’exagère rien.
En revanche, oui, il y a Rroms et Rroms, dont de parfaitement honnêtes, intégrés, en tant qu’artisans respectés ou autres professionnels, et puis des pauvres, qui ne chapardent pas forcément, et dont le voisinage est bien toléré, si ce n’est souhaité.
L’appartenance à des clans n’est absolument pas uniforme. Certaines familles monoparentales n’entretiennent que des liens très lointains. Par ailleurs, celles et ceux que vous prenez parfois en France pour des Rroms sont souvent des Roumaines et des Roumains très, très pauvres, plus ou moins passés sous la coupe de clans rroms, mais dont l’appartenance au clan ne se fera jamais. Ils sont assujettis, jamais ou très rarement intégrés.
Très lucratif business
Prenons donc la famille des Rostas, qui roulent en Roumanie à bord de Mercedes, Audi, BMW aux plaques britanniques ou irlandaises. À Gravesend, dans le Kent, ils s’entassent dans deux maisons louées grâce à des allocations, divers subsides gouvernementaux. La plupart ont été arrêtés de multiples fois pour vol à l’étalage, « cartonnage », vol à la tire, &c. Leur spécialité est de prendre des trains de nuit et de dérober les objets ou gadgets (téléphones et autres consoles) de valeur.
On ne sait trop comment ils ont acquis des terrains à Huedin, en Transylvanie.
C’est une ville qui reste aussi hongroise, plus du tout souabe ou juive. On la nomme Ohodino en romani. Elle se situe entre Cluj et Oradea, et la route comprend diverses localités dont les abords abondent en palais. Vous reconnaissez les chefs ou les anciens à leurs chapeaux aux larges bords. Leurs proches n’occupent souvent que peu de pièces dans ces palais, qui ne se peuplent que lors de grandes réunions familiales, avec la parentelle revenue de l’étranger.
En deux ans, les Rostas ont sans doute fait plus de 500 victimes, surtout en Grande-Bretagne, mais sans doute aussi, au passage, en France. Il se peut d’ailleurs fort bien que d’autres Rostas opèrent régulièrement en France.
Un palais, c’est dans les un à deux millions d’euros, en général. À Calatele, les Rostas auraient acquis un terrain pour 30 000 euros. Mettons que, d’ici quatre-cinq ans, ils possèderont une dizaine de palais dans le voisinage de Huedin. Coût : dix à vingt millions d’euros. C’est sans compter le mobilier, souvent somptueux, qui évoque celui des familles aisées du Moyen-Orient, tant par la taille que par le décorum. Les revenus sont les rapines, la contrebande (spiritueux, cigarettes), parfois des établissements (jeux, bars de nuit), et la prostitution (jamais celle de leurs épouses, filles ou parentes).
Ils sont aussi usuriers. Le Daily Mail rapporte des témoignages selon lesquels, en Roumanie, ils ne sont jamais inquiétés, parce qu’ils graissent la patte des policiers. C’est vrai et faux. En cas de flagrant délit de rixe ayant provoqué des blessures un peu graves, des arrestations ont bien lieu. Ensuite, les protagonistes disposent des meilleurs avocats.
Répression inadaptée
En France, face au problème, on s’est livré à la politique du chiffre, chère à Sarkozy, Hortefeux, Guéant, et autres. Tout plutôt que de se livrer à un véritable travail de police, forcément sélectif. Ah, pour faire parader, sur le parvis de Notre-Dame-de-Paris, des policiers roumains en uniformes, pas de problème. Pour former vraiment des policiers roumains, bulgares, hongrois, en civil, et capables de reconnaître qui est qui, qui mendie pour soi ou pour un clan, qui pourrait chaparder occasionnellement et qui dispose d’un réseau, là, c’est autre chose.
Une « Rostas », Marioana, 18 ans, mendiante, a été victime d’un rapt, de viols incessants, et finalement d’un assassinat (par balles dans la tête), à Dublin. Il peut s’agir d’une homonyme, puisque sa famille est de Timisoara. Elle était illettrée et je ne saurais certifier qu’elle était bien la fille de son père : beaucoup de très jeunes fugueurs ou fugueuses peuvent finir à l’étranger, « employés » par des Rroms.
Mais je n’affirme rien.
Deux gardai (policiers irlandais) se sont rendus récemment aux funérailles, en Roumanie.
Le violeur et meurtrier serait un délinquant irlandais bien connu, apparemment étranger à la communauté Rrom.
Il y a d’autres Rostas, à Bruxelles, dont les enfants sont scolarisés. Un Rostas, Iulius, est universitaire à Cluj. Il en est d’autres – cinq familles – à Montpellier. Lesquelles sont décrites peu solidaires, se singularisant selon leurs localités d’origine (Botosani, par exemple) ou les métiers traditionnels qu’ils pouvaient pratiquer quand leur artisanat n’était pas concurrencé par des produits asiatiques. Parfois, c’est la langue, soit un dialecte romani, soit d’autres, issus d’autres langues européennes, qui les séparent dans un quant-à-soi plutôt strict.
Mais on ne cherche pas vraiment à comprendre. Au point d’ailleurs qu’en Italie, Rrom et Roumain sont quasiment, pour une partie de la population, devenus quasiment synonymes. Une infirmière roumaine a été ainsi assassinée, non pour délit de faciès, mais simplement de nationalité. Rostas est aussi un patronyme roumain assez courant, hors familles rroms. Mais on confond les Rostas divers avec ceux, fictifs, du film de Laurent Tuel, avec Jean Reno, Le Premier cercle.
À Nantes, un Genever Rostas, 40 ans, vivait de la prostitution. Il a écopé de six ans de prison. Je ne sais ce qu’il est advenu de ses « gagneuses » contraintes et forcées, des Roumaines. Elles étaient dix, une seule a osé témoigner.
Il y a en France, comme l’exprime Guaino, un problème d’immigration. Il est malheureusement traité comme une sorte de totalité, appelant des mesures d’ensemble technocratiques. C’est encore plus évident pour le cas des Rroms. La presse en rajoute parfois, soit dans un sens, soit dans un autre…
Ainsi, Étienne Liebig remarque-t-il « un décalage entre la réalité – des Roms réduits à une survie du quotidien – et celle idéalisée par les associations locales et militantes souvent politiques, qui ont une image symbolique du “pauvre” ou de l‘“étranger”. ».
Il y a, bien sûr, quelques expériences sociales permettant à des Rroms de vivre décemment, de par leur travail, en Roumanie et Bulgarie (difficile de parler de la Hongrie, ces derniers temps). Mais il faudra se rendre compte qu’il faut aussi favoriser un autre type d’intégration, modulée pour tenir compte des traditions, de la culture Rrom, dans les divers pays européens, dont la France.
L’importance des palais rroms ne doit pas non plus être prise comme le symbole d’une mafia rrom généralisée. En dépit de tout ce que j’ai pu remarquer sur le sujet, il se trouve qu’il y a aussi de ces palais tsiganes qui ne sont pas le fruit d’extorsions, mais d’activités légales, pas forcément très lucratives, mais qui rapportent parce que l’ostentatoire s’accompagne d’un mode de vie plutôt frugal et d’une forte ardeur à la tâche. Il n’est pas plus dans la nature des Rroms d’être criminels que dans celle des diplômés des écoles de commerce françaises de se livrer à la corruption, aux magouilles légales, aux arrangements lucratifs sur le dos des contribuables.
Considérer la question des Rroms de manière lucide et adaptée demandera davantage que des études confiées à des gens, même pétris des meilleures intentions, alignant des statistiques.
En feuilletant De l’utilité politique des Roms, c’est ce que je retiens superficiellement. Je lirai cet ouvrage attentivement. Aussi, pour le moment, vous me permettrez de ne rien conclure.
P.-S. – Le même Sunday World, qui avait fait pleurer dans les chaumières sur le sort de Marioana Rostas et appelé à la charité publique pour réunir les 7 000 euros nécessaires au rapatriement de la dépouille en Roumanie (avec un Fundraising Account), fait à présent sa couverture sur ces gros richards de Rroms qui pillent les diverses caisses d’allocations irlandaises. Ainsi va la presse ; ou plutôt celle qui se vend le mieux.