Risque-t-on une déshumanisation de notre société ?

Au lendemain de ce terrible fait divers du SDF décédé sur un trottoir de New York dans l’indifférence totale, je me questionne. Personne n’a pris la peine de s’arrêter un instant pour voir comment il allait, pour lui tendre la main, pour lui venir en aide… Une seule personne s’est arrêtée : un homme qui l’a filmé avec son téléphone portable… Inconcevable, et le pire est que cet horrible évènement qui a été filmé par les vidéos de surveillance est maintenant à la vue de la terre entière via internet… !! Si seulement on en tirait une leçon d’humanité et d’altruisme …

Dans ma Région, on ne connait pas cet effet des villes immenses où personne ne regarde personne et ne soucie de son prochain. Toutes ses petites villes et petits villages sont, je pense solidaires de leurs habitants…

Pourtant, lorsque je vois les réactions des collégiens de mon secteur d’intervention, je me dis que l’homme perd de son humanité…

Lorsqu’un enfant tombe dans la cour, fait courant et totalement anodin, tout le monde rit, se moque, se recule… Pas une seule personne ne tend la main vers l’autre, l’aide à se relever, lui demande comment il va.

Si ce comportement, qui pour moi me semble naturel et normal, n’est pas réalisé, c’est parce que pour les jeunes, c’est l’effet de groupe qui prime. L’important est de rire, se moquer, car tout le monde le fait. L’humiliation est à son comble pour celui qui a la malchance de chuter : imaginer 500 élèves autour de vous à rire et montrer du doigt.

Il faut une bonne carapace pour supporter cela. Et bien sur, lorsque c’est le tour d’un autre de se retrouver dans cette position si indélicate, c’est avec un arrière gout de vengeance qu’à son tour, on se moque…

C’est effarant l’état d’esprit de nos adolescents. Ils ne vivent plus que dans le regard de l’autre. Il faut plaire à l’autre avant de se plaire à soi-même.

Dans le collège ou je travaille, les bons élèves doivent se cacher, et tenter de rentrer dans la norme « l’école c’est nul » pour pouvoir vivre leur vie de collégien sans être trop bousculé. On en arrive à des élèves qui s’empêchent de travailler afin d’éviter les brimades et moqueries de « chouchou », « intello »… à longueur de journée, et l’exclusion du groupe qui suit.

Imaginez la souffrance de cet enfant qui aime l’école, mais qui doit faire comme si cela lui importait peu, tout en ramenant des notes suffisamment bonnes pour rentrer dans la norme des parents.

Ces enfants doivent dès leur adolescence, période pourtant déjà extrêmement complexe, revêtir plusieurs Moi, plusieurs personnalités…

Certains, qui ont des facilités d’adaptation, sauront trouver le juste milieu pour passer ses années collèges sans trop d’embuches.

D’autres, refuseront cet effet de groupe et resteront fidèles à leur personnalité, tout en souffrant de l’isolement qui sera nécessairement la conséquence.

D’autres, se jetteront « corps et âmes » dans ce groupe, dans cette norme « anormale » pour nous adultes mais si « normales » pour ces ados. On se retrouve alors avec des parents en conflit total avec leurs enfants, et perdus devant cette nouvelle personnalité qu’ils ne soupçonnaient pas. L’ado est heureux, il appartient à un groupe, il vit grâce à ce groupe.

Alors lorsque ce groupe est inhumain, ce jeune le devient aussi. Il est plus facile de rire avec 500 personnes, plutôt que d’être le seul sous les projecteurs à oser s’avancer et aider celui qui a chuté…

Quand on interroge ses jeunes, on a l’impression que le monde tourne à l’envers. Le quotidien est devenu les gros mots, les insultes, comme un code, un nouveau langage qui nous dépasse nous adultes…

Et puis, les clans se forment… Et les « MTC », montage de crane en français dans le texte sont quotidiens et source de conflits.

Car non seulement les jeunes vivent en société le jour, mais ils ont en plus de leur double personnalité, une double vie : la vie virtuelle. Certains y passent un temps fou, vivent de folles histoires via internet, via les chats, les blogs. Et derrière l’écran l’humanisation est totalement oubliée… On est plus une personne dans la vraie vie, on est tel pseudo de MSN ou Facebook, et on se permet tout…

Le souci est lorsque les 2 vies se mélangent… Après une nuit d’insultes sur internet, se croiser au collège n’est pas anodin.

Je travaille depuis 10 ans dans un petit collège. C’est la première année que l’on connait les conflits nés sur les chats. MSN prend une place énorme dans la vie des collégiens, et collégiennes. Les limites y sont bien souvent et facilement transgressées…

Je suis effrayée par cette dérive de la population « jeunes ados » actuelle. Autant, l’amitié virtuelle est importante et se compte au nombre de contacts MSN ou amis Facebook, autant les liens d’amitié comme j’ai pu connaitre dans ma vie d’adolescente et qui m’on aidé à me construire, à grandir, et à devenir adulte me semblent disparaitre.

Je suis inquiète pour ce monde futur, je suis inquiète pour mes enfants, je suis inquiète pour toute cette violence gratuite qu’elle soit verbale, psychologique, ou physique… Je suis inquiète par cette déshumanisation qui me saute aux yeux…

 

3 réflexions sur « Risque-t-on une déshumanisation de notre société ? »

  1. Bonjour !! très bon article qui se rapproche fort de ce que je vois ici.
    Je me permet de citer et commenter certains passages…

    [i] »Dans ma Région, on ne connait pas cet effet des villes immenses où personne ne regarde personne et ne soucie de son prochain. Toutes ses petites villes et petits villages sont, je pense solidaires de leurs habitants… »[/i]

    Franchement tu en as de la chance. Je vis moi-même dans une petite ville et ai souvent eu affaire à des comportements plus qu’inhumains: exemples: je souffre d’un grand surpoids, un jour trois collégiennes m’ont insultées en pleine rue, me traitant de « Jambon Lustucru ». Quelques mois plus tard en hiver, je tombe sur une plaque de verglas, un homme sur le trottoir d’en face me regarde comme si j’avais fait une bêtise. Autre exemple, nous sommes actuellement victimes d’un marchand de sommeil (un propriétaire indélicat nous loue un appartement insalubre et dangereux), la première réaction de notre mairie a été de ne pas nous croire et l’assistante sociale de nous dire: « vous voyez, je vous l’avais dit attendre 2 ans pour un hlm c’est mieux… »

    Quant à l’effet de groupe, je l’ai constaté, ayant été LA marginale de service jusqu’en fac. Mais l’impact sur la vie adulte, en tout cas pour moi est assez positif: ça m’a forgé une personnalité forte qui fait qu’aujourd’hui, contrairement à beaucoup de mes anciennes amies fonctionnaires ou secrétaires, je fais ce qui me plait à mon compte.

    C’est ce que je compte enseigner cela à mes enfants: s’ils se plaignent d’être seuls, leur apprendre tout le bien que ca pourra leur apporter; si au contraire ils sont dans un groupe, leur apprendre qu’ils auront bien plus de mérite à se démarquer en parlant aussi aux autres, en aidant, que suivre un mouvement.

    Voilà, encore bel article, a voté super

  2. « Pamela Fink, 39 ans, ex-directrice des relations publiques
    du fournisseur de gaz et d’électricité MXenergy, dans le Connecticut,
    a déposé ce qui serait la première plainte pour
    [b]discrimination génétique[/b] aux Etats-Unis.
    Elle affirme avoir été licenciée après avoir informé son employeur
    qu’elle était porteuse d’un gène prédisposant au cancer du sein.
    Pamela Fink avait entrepris un dépistage génétique, deux de
    ses sœurs ayant développé un cancer du sein. »

  3. peu à peu, le monde moderne transforme l’homme en machine, li arrache ses émotions pour qu’il puisse mieux PRODUIRE et CONSOMMER!!! vive le capitalisme…

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