Au lendemain de la splendide consécration de l’Espagne à Kiev, il est temps de dresser un bilan de ce championnat d’Europe des nations, à cheval sur la Pologne et l’Ukraine. Le football de notre continent est une classe, où chaque élève a sa particularité.
L’Espagne: la meilleure
20/20, tout est dit. Après avoir remporté en 2008 leur second Euro, et la première coupe du monde de leur histoire deux ans plus tard, la roja entre dans la légende en signant un troisième succès international d’affilé: du jamais vu. Tout n’avait pourtant pas si bien commencé. Durant la phase des poules, on voyait une Espagne jouant au ballon, certes, mais ennuyeuse, manquant profondément de vitesse, de percussion, et de présence devant le but adverse. On croyait cette équipe à cours de solution, car trop prévisible, et la Croatie, lors de la dernière rencontre de la phase des groupes, a bien failli profiter de cette faiblesse. Arrivés aux quarts de finale, les hommes de Vincente Del Bosque ne firent pas meilleure impression face à une France impuissante, mais l’essentiel résidait dans la qualification. Les Portugais ,emmenés par un Christiano Ronaldo absent, par leur combativité, manquèrent de peu de renvoyer chez eux les voisins ibériques; les tirs aux buts profitèrent aux champions du monde, comme un coup du sort. Le réveil eut enfin lieu lors de la finale face à l’Italie, au meilleur moment du tournoi. Une défense quasi-irréprochable, un milieu de terrain omniprésent, rapide, délicieusement juste, et une attaque efficace (6 tirs cadrés, 4 buts), bref, le match parfait. Xavi et Iniesta nous régalent une fois de plus par leurs passes, tout droit sorties d’un jeu de playstation, Jordi Alba éclate sur son côté gauche, Torrès marque une nouvelle fois la finale de l’Euro par un but et une passe décisive. Toute-puissante, unie et tellement humble, à l’image des enfants des joueurs qui vinrent s’amuser sur le terrain qui avait vu leurs pères briller. Telles sont les qualités de cette équipe historique, qui sera probablement au rendez-vous au Brésil dans deux ans.
L’Italie: l’imprévisible
Parier sur la performance de la Squadra Azzura avant une compétition internationale relève de la folie. En 2006, vainqueurs du mondial, en 2010, éliminés dès premier tour, on était dans l’incapacité de prévoir où finirait l’Italie dans ce tournoi. Une fois de plus, elle est salie par les matchs truqués de son championnat, par ses joueurs qui eux mêmes participent aux paris sportifs dont ils sont l’objet. Mais au lieu de résorber l’esprit d’équipe, l’effet en a été décuplé, comme il y a six ans. Les habitudes ne changent pas: on commence doucement, très doucement, et on explose après. Les matchs de phase de poule ne sont pas glorieux, même si Andrea Pirlo régale le public par son élégance; la qualification est là néanmoins, et l’Italie n’est pas tombé dans le piège de la facilité contre une Croatie coriace, et une Eire valeureuse, mais faible techniquement. Le match contre l’Angleterre change tout. Les hommes de Cesare Prandelli, arrivé il y a à peine deux ans, montrent leurs qualités offensives, leurs capacités de jeu rapide; on n’est plus dans l’opportunisme habituel, où l’on se contente d’attendre l’erreur de l’adversaire passivement. Pas de but, mais une victoire tout de même, qui les envoie dans l’arène défier l’ogre allemand, LA favorite du championnat d’Europe des nations 2012. Mais sur la pelouse, c’est l’équipe transalpine qui mène la Gdansk (petit jeu de mot). D’abord dominée par une attaque germanique puissante et rapide, la Squadra marque dans la douleur par Super Mario (Balotelli), et se libère complètement de l’emprise adverse. Les italiens manquent le 3-0, mais domptent les joueurs de Joachim Löw, une fois de plus, et avec la manière. 2-1 score final. La finale s’annonce chaude. Au moment des hymnes, le chant des transalpins, bien qu’archifaux, fait chaud au coeur, Buffon, en tant que capitaine, montre l’exemple: la fierté nationale est là. Hélas, ils tombent sur plus forts qu’eux, la meilleure équipe du monde. 2-0 à la mi-temps, tout n’était pas encore fini; mais la blessure de Thiago Motta quelques minutes après son entrée, achevait les minces espoirs de victoire. 4-0. Lourde défaite, loin d’être méritée, car ce sont des hommes vaillants, forts mentalement qui se sont illustrés…
L’Allemagne: le prometteur
Elle était LA favorite de ce championnat d’Europe, devant l’Espagne. A l’inverse de l’Italie, totalement imprévisible, l’Allemagne offre dans ses performances des garanties. 2002, finalistes du mondial, 2006, 3e de la même compétition, 2008, finalistes de l’Euro et une nouvelle fois 3e de la dernière coupe du monde. C’est lors de ce tournoi Sud-Africain, pauvre en spectacle, que le jeu allemand avait ébloui le public par sa rapidité, sa discipline collective, son efficacité offensive. Dès les premières rencontres, ils se montrent fidèles à leur réputation, en collectant les 9 points, les seuls de l’Euro 2012. Le quart de finale disputé face à une Grèce revancharde ,de fait de l’austérité du pays due aux directives européennes du gouvernement allemand, illuminait les esprits. Lahm, Khedira, Klose et Reus inscrirent chacun un but. Le dernier, du jeune talent de Dortmund, une frappe somptueuse du coin de la surface dans la lucarne opposée, illustrait d’un instant toute la beauté du jeu germanique: direct, puissant, efficace, élégant. Une belle gifle, mais ceci dit, rien ne relève de l’exploit. Arrive la rencontre avec la Squadra Azzura, que l’Allemagne n’a jamais réussi à vaincre lors des tournois internationaux. Fin de la malédiction? On pouvait être optimiste, après la précédente performance, et la qualité de la jeune génération sur la pelouse, Özil, Khedira, Neuer, Reus, que de valeurs sûres! Mais leur manque d’expérience, de maturité se paya très cher face aux hommes de Cesare Prandelli. Incapables d’ouvrir le score durant leur période de domination, et de faiblesse de Buffon, ils encaissent un premier but à la première occasion adverse. Le second porte un coup de marteau derrière la tête de la Mannschaft, qui ne s’en remettra pas, car à cours de solution pour contrecarrer la tactique italienne. Une fois de plus, l’Allemagne échoue à la dernière marche… On les attend bien évidemment dans deux ans, où, on espère, cette génération de jeunes prodiges explosera.
Le Portugal: le combattant
Le groupe dans lequel se situait le Portugal pouvait donner des nausées. Mais les joueurs ne se sont pas laissé impressionner par leurs adversaires, et ont su se qualifier sans difficulté pour les quarts de finale. On retiendra une bonne performance défensive face à l’Allemagne, petite défaite 1-0, c’est peu, lorsque l’on sait le nombre de but qu’elle est capable d’inscrire en un seul match. Beaucoup de sang-froid face au Danemark, de même face aux Pays-Bas, où on retrouve un Christiano Ronaldo éblouissant. Certes deuxième de leur poule, les lusitaniens sont peut-être tombés sur le plus abordable des adversaires: la République Tchèque. Avec un Milan Baros fatigué, à l’image de toute une équipe incapable de faire face aux assauts portugais, celle-ci n’aura pas tenu longtemps. Ronaldo confirme son réveil en inscrivant un doublé. En demi-finale, l’enjeu est tout autre: c’est l’invincible Espagne qu’il faut battre. Au terme d’un match sans rebondissement, lent, fermé, le Portugal faillit sortir les champions du monde en les entraînant jusqu’aux tirs aux buts, exploit! Mais la sérénité n’est plus là, les joueurs de Del Bosque s’imposent. On notera l’énorme match des défenseurs, Coentrao notamment, qui pas une seule fois ne laissera passer Jordi Alba sur le côté gauche. Dommage que le Ballon d’Or 2008 ait raté le rendez-vous.
La France: le turbulent
Le meilleur pour la fin. A croire que c’est une tradition française que de faire parler d’elle à travers le monde entier durant les compétitions internationales. Piteusement éliminée du mondial en 2002 après avoir remporté la coupe du monde et l’Euro, salie par le célébrissime coup de boule de Zidane en finale du mondial en 2006, GREVISTE (étrangers, riez!) en 2010 à Knysna, on est reparti pour un tour avec le cas Samir Nasri. Insulter un journaliste sur le terrain, quelle originale façon de fêter un but! Et le sélectionneur qui ne réagit pas… Le parcours avait pourtant bien commencé pendant les phases qualificatives, où Laurent Blanc avait enchaîné une belle série de 18 matchs sans défaite, la dernière datant de septembre 2010, ainsi que trois victoires lors des préparations. Mais on sentait déjà Philippe Mexès manquer de confiance, manquer ses performances, mettant ainsi la défense française en danger. Cet affaiblissement se confirme lors des phases de poule, notamment face à la Suède. Comment expliquer une (re)descente aux Enfers si brusque, alors qu’il avait été irréprochable durant toute l’ère Blanc? Mystère. Après un bon match face à l’Angleterre (1-1), et une victoire face a l’Ukraine (2-0), l’opinion se fait optimiste quant à ces Bleus. Mais c’est hélas la déroute qui s’ensuit: la Suède, pourtant déjà éliminée, nous donne une leçon de football, et Ibrahimovic se permet d’infliger à Lloris un ciseau-retournée, peut-être le plus beau but du tournoi. La défaite n’est pas le pire constat, c’est le comportement exécrable des joueurs, imbus d’eux-mêmes, inapte à penser collectivement, à représenter leur pays qui dégoûte. La France est sûrement la seule nation qui n’a pas su mouiller le maillot pour la patrie, avoir une réaction d’orgueil, lorsqu’elle en avait les moyens. Le quart de finale contre l’Espagne s’annonçait mal. Mexès suspendu, c’est Koscielny qui prend le poste de défenseur central. Il livre une très belle performance, et demeure, avec Cabaye, Lloris, Ribéry et éventuellement Clichy , une des seules satisfactions de ce championnat d’Europe. Benzema qui marche, au lieu de presser les défenseurs, symbole d’une équipe, ou plutôt d’une quantité d’individus, endormie. Au revoir, les Bleus; au revoir Laurent Blanc, trop déçu de son parcours. 2014? Encore faut-il se qualifier…
Voilà donc les principaux points que l’on retiendra de cette édition 2012. D’autres équipes comme la Croatie ou la Suède auraient bien mérité d’aller plus loin, mais les poules dans lesquelles elles étaient plongées ne le leur auront pas permis. Bravo, donc, à toutes ces nations, qui nous auront offert un très plaisant tournoi.