Public Eye : Barclays, trophée de la honte

L’ONG World Development Movement vient de décerner ses trophées Public Eye et pour celui de la honte et des comportements éthiques détestables, c’est la banque britannique Barclays qui l’emporte. En cause, sa spéculation effrénée sur les cours des denrées alimentaires.

Avec l’introduction d’une taxe dite « Tobin » sur les transactions financières au taux minable (0,01 % sur les changes, les matières premières, &c., et 0,1 % sur les marchés d’actions), Nicolas Sarkozy s’offre un bel effet d’annonce symbolique – et peut-être non suivi d’effet – mais qui ne sera pas de nature à décourager les géants de la finance.

La spéculation sur les denrées alimentaires a doublé de volume entre 2006 et 2011, ayant pour effet de faire grimper les prix des céréales, des aliments pour le fourrage ou la consommation humaine, pour le seul profit des spéculateurs. Vous mangez, ils s’engraissent à la hausse, vous ne mangez pas, ils s’engraissent à la baisse…

Car cela vaut aussi pour les additifs qui rendent obèses comme pour ceux censés faire maigrir. Bien évidemment, les spéculateurs poussent aussi à l’intensification des cultures au mépris de l’environnement.

Or donc, l’an dernier, Barclays a encaissé 340 millions de livres (412 en euros au cours de ce jour), uniquement en jouant sur les cours des denrées alimentaires. C’est sans doute très peu par rapport à l’ensemble des bénéfices encaissés par la finance mondiale sur ce type de marchés à terme. Tous ces bénéfices sont prélevés sur le dos des consommateurs (en cas de hausse des cours) ou celui des producteurs (paris à la baisse). C’est un peu comme si les aliments étaient joués au casino et qu’au lieu que ce soit les États qui encaissent des taxes et les croupiers des primes, ce sont les places financières et les intermédiaires qui empochent le plus.

Les plus gros opérateurs sont américains (Goldman Sachs ou Morgan Stanley), britanniques, mais aussi asiatiques ou français.

44 millions de crève la faim

La cherté des prix alimentaires, ainsi artificiellement gonflés a pour conséquence l’extrême pauvreté de millions de petits producteurs et consommateurs. Car la spéculation enrichit très peu les producteurs mais appauvrit grandement les consommateurs. Dans le monde, en 2011, avec des hausses des prix à la revente de parfois un tiers (27 % sur le maïs au Kenya, mais davantage sur d’autres denrées, moins essentielles), c’est 44 millions de personnes qui souffrent de famine ou de malnutrition constante. Le poste nourriture oblige à s’endetter à des taux usuraires ou à tenter de faire travailler les enfants, y compris pour des emplois dangereux pour la santé de toutes et tous.

La spéculation porte aussi sur d’autres matières premières, en particulier les carburants. Les banksters exercent une forte pression sur les gouvernements et les institutions internationales pour contrer toute mesure autoritaire limitant le laissez-faire. Au départ, la finance a fait gober que ces marchés spéculatifs garantiraient des prix stables aux producteurs… Les effets pervers, envisagés dès le départ, l’ont emporté.

Autres nominés

Le podium de la honte des Public Eye Awards rassemble encore cette année des multinationales.
Pour les désastres touchant à l’environnement c’est Freeport, une compagnie minière de l’Arizona, qui remporte la palme pour son exploitation de l’or et du cuivre en Papouasie occidentale.
La brésilienne Vale, premier producteur mondial de fer, pourrait être ex-æquo. Samsung est aussi nominée pour le taux de mortalité et de cancers parmi les ouvrières et ouvriers qu’elle emploie à manier des produits hautement toxiques. Samsung se refuse à soumettre à l’analyse 10 des 83 substances chimiques qu’elle emploie au prétexte qu’il s’agirait de secrets de fabrication. Samsung se soustrait très régulièrement aux contrôles.

Par ailleurs, de fortes traces de substances prohibées, supposées n’être plus utilisées, sont régulièrement décelées dans ses centres de production.

L’helvète Syngenta produit des pesticides et des herbicides dont le Paraquat, interdit en Europe, mais largement commercialisé ailleurs, ou encore l’Atrazine, qui pollue l’eau.

Tepco, la compagnie d’électricité japonaise, monte bien sûr les marches après le désastre de Fukushima.

Les trophées, depuis 2005, sont décernés à l’occasion du sommet de Davos. Les organisateurs constatent que la mondialisation a aussi eu pour effet que « le pouvoir des multinationales s’est accru de manière vertigineuse. Les lois ne suivent plus et les déclarations d’engagement volontaire des entreprises ne soignent en fait que leur image. ».

Le site des trophées Public Eye permet de voter en ligne. Avaient aussi été envisagées pour une nomination diverses entreprises considérées françaises comme Vinci (route en Russie traversant la forêt de Khimki) ; Veolia, pour ses lignes de transport en Cisjordanie  ; Total, pour son exploitation au Yémen. Autre financière, Bank of America, s’est vue dénoncée pour ses actions sur les marchés asiatiques du charbon.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

3 réflexions sur « Public Eye : Barclays, trophée de la honte »

  1. [b]Barclays échappe à toutes sanctions du fait qu’il lui est facile de soudoyer qui que ce soit… C’est hélas le cas des cités de votre article seuls les lampistes sont atteignables[/b]

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