un homme d’État républicain socialiste.
Portrait de Pierre Mauroy en sa mairie de Lille le 07 juin. Honoré par ce qu’il fut le guide du renouveau de cette grande métropole, mais aussi un homme accessible et généreux, et un conteur fantastique. Les Lillois depuis samedi 08 juin à l’hôtel de ville rendent hommage à leur maire président de la communauté urbaine de 1989 à 2008, décédé vendredi 06 juin à l’âge de 84 ans. @AFP/Philippe Hugen.
Le 21 mai 1981, il fut nommé premier ministre par François Mitterrand à la suite de sa victoire du 10 mai dans la dynamique de la victoire de la gauche du programme commun sur les forces de droite rassemblées sous la candidature de Valéry Giscard d’Estaing. Si François Mitterrand en fut celui qui mena le combat, sa victoire fut celle de toute une gauche qui trop longtemps fut écartée de toutes responsabilités politiques vouée seulement à des responsabilités régionales. Sans les communistes de Georges Marchais et les radicaux de gauche de Robert Fabre, mais aussi paradoxal que cela puisse paraître avec l’appui de nombreux gaullistes, François Mitterrand, sans eux, n’aurait jamais été élu. Ce fut un évènement qui bouleversa la vie politique française après tant d’années d’une gouvernance droitière.
Nombreux sont ceux qui prient peur de l’arrivée des communistes au gouvernement au point que certains partirent protéger leur fortune, pour finalement revenir deux années après.
François Mitterrand dû se rendre à Washington rassurer Ronald Reagan sur la loyauté de la France envers les États-Unis, après tant de pourriture déferlée par la droite.
Pour la première fois l’alternance s’était exprimée, mais il fallu attendre 23 années pour vaincre le pessimisme de ceux qui n’y croyaient plus. La cinquième république fut conçue par le général de Gaulle et Michel Debré, avec au début l’appui des socialistes de Guy Mollet devant l’hécatombe de la guerre d’Algérie, mais l’orientation d’une Constitution adaptée à une gouvernance exclusive de la droite fit que les socialistes se retirèrent. Ce putsch, aussi paradoxal que cela puisse paraître, fut fait par la droite alors que c’est elle qui, pendant plus de 10 années, fit tout pour combattre ce que les socialistes, en particulier Pierre-Mendès France voulait faire, c’est à dire donner aux algériens l’indépendance, ce que fit le général de Gaulle en reniant sa parole d’une France de Dunkerque à Tamanrasset.
Il est nécessaire de rappeler ce fait d’histoire, bien masqué par la droite hypocrite.
Si Pierre Mauroy devint ce grand socialiste serviteur de la France c’est à la victoire de la gauche toute entière qu’il le doit. Il fallu ce programme commun de 110 propositions pour que Français Mitterrand accéda à la présidence avec 51, 76 % des suffrages exprimés. On ne peut s’empêcher de rapprocher ce fait des 51, 64 % de ceux de François Hollande le 6 mai 2012, obtenus avec l’appui des gaullistes. Cela montre la grande difficulté pour la gauche d’être majoritaire sans qu’elle s’unisse dans un programme de gouvernement et sans l’appui des voix de droite. Cette fois-ci ce ne fut le cas sauf avec les écologistes. A droite, l’union des forces conservatrices est plus soudée, plus réaliste par ce que moins idéaliste, elle s’adapte mieux à une gouvernance dans ce monde libéral de la finance.
Il fallait donc à François Mitterrand un premier ministre capable de concilier les appétits d’une gauche communiste avec une gauche sociale démocrate au pouvoir incarnée pas François Mitterrand. Pierre Mauroy répondait au mieux avec cette exigence par la convivialité de son attitude mais aussi par ce qu’il était un homme de gauche depuis l’âge de 18 ans lorsqu’il s’engagea à la SFIO dans les jeunesses socialistes. Ces origines sociales parlaient pour lui, fils d’un instituteur et d’une mère catholique dans une fratrie de sept enfants on ne pouvait contester son appartenance et sa foi dans le socialisme.
Lorsque François Mitterrand le nomma premier ministre ce fut pour beaucoup une découverte, pour son langage, ce qui tranchait avec ceux qui venaient d’être battus, et qui bien entendu contestaient à cette gauche sa victoire, rien n’a donc changé. La France à gauche est une calamité quoi qu’elle fasse. Comme le clament François Fillon et Jean-François Copé, encore aujourd’hui, mais avouant sans langue de bois, que la droite fait l’apprentissage de la démocratie.
À sa déclaration de politique générale le 8 juillet 1981, il s’engagea sur les bases d’une nouvelle citoyenneté, notant que les Français attendaient un pouvoir qui ne soit pas seulement exercé par d’autres mais exercé autrement. Quelques jours plus tard, à la télévision, il attaqua les gens du «Château» qui sont partis, et se dépeint «en chef de guerre dans la lutte contre le chômage». Quatre mois après, le franc fut dévalué. «Il fallait remettre les compteurs à zéro».
En dehors des éloges unanimes qui sont prodigués à la mort des grands hommes d’État, il faut se pencher sur ce qui restera de Pierre Mauroy. Tout d’abord, la formation d’un gouvernement après 23 années de droite, c’est à dire l’apprentissage de la gouvernance d’un pays. Il introduisit quatre ministres communistes, Charles Fiterman, Anicet Le Pors, Jack Ralite et Marcel Rigout au gouvernement de 1981 à 1984 ce qui, vu l’hostilité d’une droite sectaire montra le courage de respecter les engagements du programme commun. Qui ne se rappelle pas, que dans le métro les affichettes collées sur les vitres des portes montraient François Mitterrand porté dans les bras de Georges Marchais. plus vexatoire pour ce grand homme on ne voit pas. Prendre la direction d’un gouvernement dans ces conditions, avec une assemblée nationale certes majoritaire, mais oh Combien novice ! Ce ne fut pas rien, vu que déjà la conjoncture sociale présentait des inquiétudes.
Néanmoins, des réformes du programme commun furent engagées. La première de toutes fut l’abolition de la peine de mort mise en œuvre par Robert Badinter en tant que Garde des Sceaux le 09 octobre 1981, la mesure emblématique de l’ère Mitterrand parmi toutes les autres. La cinquième semaine de congés payés le 16 janvier 1982, les nationalisations de cinq grands groupes industriels et de 39 banques et deux compagnies financières, les lois Auroux sur le droit au travail, la retraite à 60 ans qui était fixée à 65 ans au terme de 37,5 années de cotisation. Cette réforme est pour Pierre Mauroy la plus importante de la cinquième république.
«Des millions de personnes attendaient cette mesure depuis longtemps. Je me souviens des cortèges de manifestants réclamant deux choses, l’union de la gauche et la retraite à 60 ans».
Ce fut également pour moi, la fin de ma carrière industrielle puisqu’elle me permit de partir à 60 ans, ce qui, sans cette réforme, m’aurait amené à 50 années d’activité salariée.
A cela, il faut compter les lois de décentralisation engagées en 1982 par Gaston Defferre transférant l’exécutif départemental du préfet au président du conseil général et faisant de la région une véritable collectivité territoriale avec des membres élus. Il faut se rappeler le centralisme qui asphyxiait la France, et ces lois donnèrent plus de visibilité à l’aménagement du territoire. Mais de gros abus furent faits l’influence des promoteurs et des connivences avec les élus locaux atténuèrent la portée de cette décentralisation. Et puis, le remboursement de l’IVG à 100 %.
Le tournant de la rigueur réclamée par Jacques Delors, en juin 1982 par un plan de blocage des prix et des salaires. Ce fut un revers économique lié à l’application trop rigoureuse du programme commun sur les nationalisations qui coutèrent très chères conduisant Pierre Mauroy à accentuer la rigueur en 1983. Les présidents passent mais les conditions économiques ne changent pas. A l’approche des municipales de 1983, Pierre Mauroy fut contraint de démentir le plan de rigueur affirmant le 16 février «Franchement, les gros problèmes sont derrière nous. La politique du gouvernement est fixée et, actuellement, pratiquement tous les indicateurs de la politique gouvernementale se remettent tranquillement au vert». Même les grands hommes d’État mentent ou se trompent.
Ce fut le début de la grogne des communistes.
Et enfin la loi Savary sur l’éducation qui prévoyait la fusion du privé avec le laïque. Les grandes manifestations de la droite versaillaise dont on parle encore firent que François Mitterrand retira le projet, et qu’Alain Savary donna sa démission, que Pierre Mauroy fut remplacé par Laurent Fabius. On peut y rattacher les manifestations des versaillais, encore, contre le mariage pour tous qui n’ont pas réussi, malgré leur ampleur à faire changer François Hollande avec une majorité de quelques voix. Les années passent mais tout ne se ressemble pas.
Le chômage commençait à ravager le pays, et qui ne se souvient pas des propos de François Mitterrand lorsqu’il déclara, contre le chômage on a tout essayé. Dans ce contexte Pierre Mauroy su conjuguer l’ardeur des communistes avec une politique sociale démocrate, en conduisant un maximum de réformes sociales, encore aujourd’hui critiquées par la droite. Parmi celles qui furent immédiates dès sa prise de fonction, elles traduisirent une politique de relance massive par l’augmentation du Smic de 10%, le minimum vieillesse de 20%, les allocations familiales de 25%, et quelques 55.000 emplois créés dans le secteur public. Tout le contraire de ce que fait François Hollande, mais les finances sont aussi différentes.
Ce qui vient à l’esprit, c’est de se poser la question de la sincérité des louanges de nombreux politiques de droite qui n’ont cessés de critiquer la gauche de 1981, comme ils critiquent celle de 2012, lorsqu’ils l’accusent de ruiner la France, et de la ruiner encore. Je retiendrais parmi celles qui furent faites celle d’Alain Juppé qui eut la franchise de dire :
Malgré nos divergences politiques, nos échanges ont toujours été courtois. Je garderai le souvenir d’un grand serviteur de la France. — Alain Juppé (@juppealain) 7 juin 2013
Je noterais aussi celle de François Hollande qui de son voyage au Japon salua un homme de fidélité qui servit la France dans des moments exceptionnels, sans jamais occulter ses valeurs fondamentales. «Pierre Mauroy ne trompait pas, il ne mentait pas, il allait jusqu’au bout de ses convictions en prenant la réalité telle qu’elle était». C’était un homme de fidélité, fidélité à ses origines ouvrières, à sa région, à une cause, le socialisme, et à l’unité de la gauche. Et puis le tweet de Ségolène Royal qu’il soutint dans son combat pour la présidentielle de 2007,
Pierre Mauroy a incarné le socialisme populaire issu de l’ancrage local. On lui doit les grandes lois de décentralisation. — Ségolène Royal (@RoyalSegolene) 7 juin 2013
L’hommage des Invalides a Pierre Mauroy.
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Le discours du président de la république en hommage à Pierre Mauroy, ici.
Très loin d’avoir embrassé ses opinions, je salue le grand homme politique qu’il fut.
Merci pour cet article [b]anidom nidolga[/b]
Amitiés
Le grand homme politique qui plongea la France dans le chaos ? On ne s’en remet pas encore !
[b]Dyonisos[/b] bonjour,
Merci pour votre témoignage.
Ce n’est pas l’avis de nombreux C4N, je les plains, et lire que cet homme mit la France dans le chaos, c’est inimaginable, quand ils profitent encore de ce qu’il fit.
Pauvre France.
Bien à vous
Anido