Ca y est, les jeux sont faits ou presque. La grande bataille de l’entre-deux tours a rendu son verdict et force est de constater que nous ne sommes pas, nous pauvres électeurs, beaucoup plus avancés.

La Bataille a eu lieu dans une arène télévisuelle à son comble selon certaines sources, mais pour autant, pour assister à une profusion de sang il faudra repasser. Un débat stérile, campé sur des idées de campagnes à peines débattues, entre deux Hommes que tout oppose, mais pourtant tellement similaires dans l’art de la joute verbale.

 

Retour sur un non évènement électoral, sur un non débat qui s’annonçait pourtant comme l’évènement phare de cette campagne 2012 d’un bien piètre niveau politique avouons le.


 

Tout était réuni pour faire de ce débat le sommet de la bataille électorale. TF1 et France Télévision (notamment), avaient mis les petits plats dans les grands, un décor austère sur lequel était projeté la future résidence de l’un des deux intervenants, 17.9 millions de téléspectateurs toutes chaînes confondues, un couple de journalistes relativement jeunes (Laurence Ferrari et David Pujadas), etc.

 

Cela faisait des mois que chaque camp préparait dans le plus grand secret cet exercice imposé propre à l’élection suprême de France. Des mois que tout le monde scrutait la moindre erreur dans le camp adverse pour la ressortir au moment opportun. Des mois que les Français se voyaient mis sous pression, informés par les médias de tous bords politiques que ce débat serait crucial, des mois que..les français étaient surtout saoulé avec ce rendez-vous.

 

Les deux lions présents dans l’arène médiatique, en direct, aux yeux de tous, ont fait preuve de beaucoup de prudence il faut le reconnaitre. Chacun a mis ses arguments en avant, rabrouant son adversaire de la façon la plus correcte possible, courtoise, mais sans mâcher ses mots. 

 

 

 

21h00 : Début des hostilités. Les arbitres d’un soir ont tranché, c’est François Hollande qui entamera la lutte face à son meilleur adversaire. Déjà les premières petites phrases s’entrecroisent alors qu’aucun thème n’a encore été annoncé par le duo journalistique. 

 

     Hollande : "Mr Sarkozy vous aurez du mal à passer pour victime"

 

21h20 : Deuxième escouade du candidat socialiste, qui ne se laisse pas démonter et affiche une sérénité déconcertante, lors que le Président Sarkozy évoque à demi mots son bilan, s’efforçant de mettre en avant un manque de responsabilités et de pouvoir lors de certaines phases et décisions de son quinquennat.

    Hollande : " Avec vous c’est très simple, ce n’est jamais de votre faute"

 

Le débat était lancé et bien lancé. Le candidat socialiste avait jusqu’alors bien caché son jeu, et l’agressivité positive autant que son assurance du soir n’avaient été prévus par aucuns observateurs. Une surprise de taille pour Nicolas Sarkozy qui excelle pourtant dans ce genre de situations, mais qui au fil de la soirée s’est retrouvé de plus en plus mis à mal par un François Hollande des grands soirs.

 

    Sarkozy : " Il y a plusieurs projets, vous changez souvent de positions"

    Hollande : " Il n’y a qu’un seul projet, il est à votre disposition"

 

Emploi, Croissance, et même éducation dans cette première demie heure seront passés au crible, et là encore, le candidat socialiste sera d’un aplomb déconcertant face à un Président candidat pourtant sûr de son fait. 

 

  Hollande : " Vous allez demander aux professeurs de travailler 50% de plus pour gagner 25% de plus"

     

Nicolas Sarkozy renvoyé encore une fois dans les cordes ronge son frein, cherchant du regard le duo journalistique qui ne lui aura pas été d’un grand secours ce soir, prenant faits et causes pour le challenger socialiste. 

Jolie passe d’arme encore une fois sur le thème de la croissance, François Hollande indiquant à Nicolas Sarkozy que le Président actuel voulait continuer d’accroitre les richesses de certaines familles aisées de France, ce dernier répliquant du "tac au tac" :

 

    Sarkozy : "Vous voulez moins de riches, moi je veux moins de pauvres"

Premier gros coup pour Nicolas Sarkozy, qui jouant de verbatim avait réussi pour l’une des toutes premières fois de la soirée à asseoir son autorité sur un débat qui semblait lui échapper complètement. Du moins c’est ce que pensait les téléspectateurs aux abois  devant leurs postes, car à nouveau François Hollande faisait parler sa répartie nouvellement arrivée :

 

    Hollande : "Moi je défend les enfants de la République, vous vous défendez les privilégiés"

Rien n’y a fait, le Président Sarkozy marquait des points, reprenant petit à petit de sa verve, mais François Hollande n’en démordait pas, il ne se laisserait pas avoir par l’orateur des foules.

 

Sur le terrain de la fiscalité encore une fois, les échanges furent légions. François Hollande attaquant directement Nicolas Sarkozy d’un uppercut en mettant en avant le bouclier fiscal et le protectionnisme financier accordé aux grandes familles aisées de France, citant clairement le nom de Liliane Bettencourt, et mettant clairement en avant les "cadeaux" fait aux proches du Président en place. Réponse immédiate du candidat UMP :

 

   Sarkozy : "Dire qu’il n’y a plus d’ISF et que nous faisons des cadeaux aux riches est une calomnie"

   Hollande immédiatement après :" Vous ajoutez la calomnie au mensonge, vous n’êtes pas capable de tenir un raisonnement sans attaquer votre contradicteur (…) et vous vous dites rassembleur?"

 

Nouvel échange musclé donc entre les deux protagonistes, sous le regard presque amusé des journalistes du soir, cantonné au rang de faire valoir. 

 

22h30 : après avoir passé 1h30 à parler d’économie en tous genres, les deux candidats s’attaquent maintenant au domaine sociale non sans avoir livré quelques pics supplémentaires au camp d’en face, cela va de soit.

Premier thème du domaine social, le très attendu thème de l’Immigration, cher au électeurs du Front National. Front National qui fait office d’arbitre de cette campagne et qui sera très certainement décisif dans la course à la Présidentielle.

 

  Sarkozy : " Les tensions communautaires dont je parle viennent de la nécessite d’avoir un Islam de France, et non pas un Islam en France. Si vous donnez le droit de vote aux immigrés, pour les municipales il y aura des revendications communautaires" 

Dangereux amalgame pour Nicolas Sarkozy, qui associe très clairement et très distinctement la religion musulmane à l’immigration.Réponse cinglante après une telle erreur de son adversaire :

 

  Hollande : " Il y a des étrangers qui sont là depuis des années, musulmans ou pas, pratiquants ou pas, et qui ne conçoivent pas la participation à une élection locale comme un moyen de pression religieuse. Et il y a des citoyens Français musulmans: Font-ils des pressions communautaires? Des revendications communautaires?"

Réponse à nouveau cinglante du candidat Socialiste, qui a nouveau a renvoyé le candidat de l’UMP dans le fond de son siège. François Hollande remporte à la surprise générale le combat sur l’immigration, surprenant son monde en mettant en cause les centres de rétentions, évoquant sans se dégonfler la loi sur la Burqua, le Hallal, etc. 

 

Passé le débat sur le Nucléaire ou chacun a tenté de draguer à sa façon l’électorat écologiste, c’est sur un tout autre terrain que Nicolas Sarkozy s’est attaqué à François Hollande. Une attaque placée, mettant très clairement en cause l’appartenance de Dominique Strauss Kahn au camp socialiste, faisant des allusions à peines dissimulées aux affaires en cours. Une tentative de déstabilisation vaine à nouveau, jetant plus ou moins un froid en plateau, mais à laquelle François Hollande ne s’est à nouveau pas dégonflé, se refusant de tout connaitre de l’avis privée de DSK, et attaquant le Président sortant sur les fonctions confiées à l’ex-éléphant au FMI :

 

  Hollande : "Je me doutais que vous arriveriez là. Ce n’est pas moi qui ai nommé DSK à la tête du FMI (…) venir sur le terrain de DSK, n’est pas celui qui vous arrange le plus"

 

Les hostilités sont entrées dans une autre sphère après cette attaque Strauss-Kahnienne émanant du Président candidat, ce qui lui vaut pour le coup une contre attaque en règle de François Hollande sur sa politique "partisane" et "partiale". Agacement manifeste dans le camp de Nicolas Sarkozy qui en perd son français, insultant son adversaire de "Petit calomniateur".

 

La fin de la soirée approchant, chaque candidat va devoir mettre en avant ses qualités de futur chef d’état, et à ce jeu, François Hollande fait étal d’un long discours bien huilé, à base de "Moi Président de la République.." :

 

    Hollande : "Moi Président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne traiterai pas mon 1er ministre de collaborateur, je laisserai la justice indépendante, je ne nommerai pas les directeurs de chaînes publics, je ferai réformer le statut pénal du chef de l’État, il y aura un code de déontologie pour les ministres, je ferai un acte de décentralisation car les collectivités territoriales ont besoin d’un nouveau souffle (…) J’engagerai de grands débats citoyens, comme celui de l’énergie, mettrai une part de proportionnelle aux élections législatives. J’avais évoqué une présidence normale, même si rien n’est normale quand on est Président de la République."

 

Du côté du Président candidat, la réplique semble elle aussi plus que huilée, à base d’ambitions, de responsabilités assumées et de Mea Culpa : 

 

   Sarkozy :  "Le président de la République, c’est quelqu’un qui n’a pas le droit de dire qu’il a voulu mais qu’il n’a pas pu. Un président ne peut pas dire ‘on n’y peut rien’. C’est quelqu’un qui assume ses responsabilités, qui prend des décisions, qui est mûri par ses expériences. (…) J’ai tout donné, je n’ai pas tout réussi, et cette expérience me permet de dire qu’on ne peut pas s’en remettre aux vieilles lunes du passé." 

 

Un vrai plaidoyer, une mise à nue, pour un Nicolas Sarkozy peut habitué à de telles confessions publiques. Va s’en suivre une drague ouverte aux électeurs du Front National et aux électeurs centristes, après des remerciements d’usages à ses sympathisants. 

Du côté socialiste, la donne sera légèrement différente, pas question de s’abaisser à une telle drague, mais plutôt de rassurer les électeurs et dédramatiser le discours alarmiste de l’adversaire du soir

 

   Hollande : "Que les français n’aient pas peur. Ce que je souhaite c’est que les français reprennent confiance et espoir (…) nous aurons besoin de toute la France"

Un combat au final remporté par un surprenant candidat socialiste qui a attaqué de front le Président candidat sur tous les sujets, répondant à toutes les invectives composant le langage de Nicolas Sarkozy sans se dégonfler. Un combat donné gagnant par certains observateurs politiques et par les sympathisants socialistes, un match nul pour les sympathisants du Front National, les centristes et les sympathisants de Nicolas Sarkozy.

23h50 : Le débat est clos par David Pujadas, figurant journalistique (à l’image de sa partenaire d’un soir), et cela après quasiment 3h d’échanges entre les deux forces vives de ce second tour.

Un débat qui finalement n’aura rien apporté au Président Sarkozy, et qui aura clairement mis en avant la vigueur d’un François Hollande méconnaissable. Un débat qui finalement aura été plus vigoureux sur le réseau social Twitter, puisque les followers de chaque bords, ainsi que les followers neutres, auront avec délectation repris et commenté les propos des deux candidats sous le hastag #ledebat

Twitter s’est enflammé pour ce débat, atteignant des records de publications avec une moyenne toute la soirée de 1500 messages postés à la minute durant le débat, pour un total à 23h de 250 000 messages échangés. Un record!!

 

Un débat très suivi, apportant peu d’enseignements, ne permettant de ne tirer aucunes conclusions sur l’issue du vote final, mais qui aura permis de découvrir François Hollande sous un nouveau jour, et Nicolas Sarkozy dans une position inédite jusque là. 

 

Le candidat Socialiste semble avoir fait une légère différence lors de ce débat, Nicolas Sarkozy s’étant lui contenté de se défendre sans réellement contre attaquer, se posant volontaire en victime, et subissant parfois plus que volontairement les débats. Finalement, n’étais ce pas la meilleure stratégie à adopter? Réponse le Dimanche 06 Mai dans la soirée.

 

Et vous, qu’avez-vous pensé de ce débat Présidentiel de l’entre-deux tours?