Au milieu des rues poussiéreuses de Dares, à la périphérie de Sanaa, capitale du Yémen, se tient une fillette âgée de dix ans, Nojoud Ali. Drapée dans un voile noir, la gamine affiche un sourire angélique, ne laissant rien paraître de drame personnel qu'elle a vécu. Il faut dire que la vie n'a pas été très tendre avec elle : mariée dès son plus jeune âge à un homme de 30 ans, Faez Ali Thamer, abusée physiquement et sexuellement par son époux, elle est la première Yéménite à avoir obtenu le divorce.

Grâce à une volonté de fer exceptionnelle, elle est venue à bout d'un des fléaux les plus persistants de cette société patriarcale. On en oublierait presque que derrière ce désir de vaincre les lois archaïques tribales, se cache une enfant.

Selon les ONG, le cas de Nojoud est loin d'être isolé : au Yémen, plus de la moitié des filles sont mariées avant l'âge légal fixé à 15 ans.

De nombreux parents passent outre ce seuil, souvent pour des raisons purement financières. Une amie de Nojour, à peine plus vieille qu'elle, témoigne : "Mon père m'a mariée à un homme pour 1200 euros. Ce que j'ai appris, c'est le regret. Que Dieu maudisse la pauvreté". Cette bouleversante déclaration révèle l etriste sort auquel sont abandonnées ces jeunes filles, au nom d'un maigre pécule : abus sexuels, violences conjugales, maltraitance, punitions, injures et parfois, séquestration.

Le père de Nojoud ne fait pas excetion à la règle. Des motivations économiques ont guidé son choix; au chômage, dans l'obligation de nourrir deux femmes et seize enfants, il accepte facilement de laisser sa fille entre les mains d'un homme de 20 son aîné, en échange de cadeaux et d'une promesse de maison neuve. Quant à la mère de Nojoud, elle s'excuse à demi-voix d'avoir cru les belles paroles de ce "sauveur" promettant d'être respectueux à l'égard de sa progéniture.

La réalité est nettement moins idyllique. Les hommes jurent de ne pas toucher leurs "femmes-enfants" avant qu'elles ne soient pubères. Pure mensonge, que Nojoud dénonce avec une pudeur, qui ne masque en rien l'horreur de ces agissements."Je le suppliais chaque soir, lorsqu'il rentrait du travail,mais il parvenait toujours à m'attraper et à me faire des choses sales, désagréables".

L'expérience de Nojoud a bouleversé les défenseurs des droits de l'homme et l'ensemble des pays occidentaux. Son refus de subir les traditions provinciales tribales, largement diffusé par les médias internationaux, a fini par payer : Nojoud est une jeune fille libre,qui a eu le mérite du courage.

Son action a par-ailleurs incité d'autres fillettes à entamer des poursuites judiciaires contre leurs conjoints.

Il n'est donc étonnant que plus tard, Nojoud déclare vouloir devenir avocate et épouser… la défense des causes qui lui tiendront à coeur.