Métaphore de la tête vide

Comment expliquer à des enfants de 10 ans mon action au sein d’un collège ? Pas évident de trouver des mots simples.

Pourtant, en me présentant ce matin aux « petits 6èmes », j’ai innové.

« Bonjour, je suis Mme S. Je suis assistante sociale. Savez-vous ce que fait une assistante sociale qui travaille dans un collège ? ».

Des mains audacieuses se lèvent pourtant. Comme quoi, je ne suis pas si « espèce inconnue que ça ».

Dans la première classe, un élève donne cette jolie phrase : « elle nous apprend le respect. ».  Comment ne pas partager ça avec le monde entier ! Merci internet et C4N de me le permettre !!

Ensuite, ce sont les « elle nous aide quand on a des problèmes ». Comme quoi, même à cet âge, ils me situent… adorables !

Vus leurs efforts, je me suis dit qu’il serait bien de ma part d’en faire de même. Alors, je me lance dans une explication simpliste mais si logique :

la nécessité d’avoir une tête bien vide pour pouvoir bien travailler à l’école.

Bien sur, beaucoup peuvent me rétorquer, si on a la tête vide, elle le reste. On aurait plutôt  besoin d’une tête bien pleine pour savoir travailler à l’école… Et voilà le paradoxe de mon langage.

J’explique à ces élèves que pour pouvoir remplir leur tête de tout ce que leurs professeurs vont leur enseigner, il faut de la place. Mais si cette jolie tête est déjà pleine : d’angoisses, de soucis, de craintes, de problèmes, où mettre les leçons ?

Alors on pousse la porte de mon bureau, et on vient vider sa tête. Et après, on est dans les meilleures conditions pour retourner travailler.

Je m’étends un peu, en précisant que leurs parents peuvent aussi venir pousser ma porte, sans oublier le refrain sur le secret professionnel.

J’adore voir leurs grands yeux s’écarquiller pendant mon speech, et les sourires pointer au bout des lèvres. Du bonheur pour moi : pas de regards fuyants, pas de tête qui se baissent… Ils ont bien compris : je suis là pour leur bien, pour les faire avancer le plus décemment possible dans ce monde.

Au moment de quitter la salle, un dernier doigt se lève : « et madame, comment vous faites pour faire sortir tout ce qu’on a dans notre tête ? », avec le geste assorti du tire-bouchon posé sur sa tempe !!

Je suis une fée, qui d’un coup de baguette magique, épure ses jeunes esprits des mauvaises ondes que le monde des adultes peut comporter…. Comme j’aurai aimé lui répondre ça, sincèrement. J’espère qu’il a pu le lire dans mon regard…. !

8 réflexions sur « Métaphore de la tête vide »

  1. Vous êtes donc l’une des rares exceptions d’assistantes sociales qui ont compris certains enjeux de leur fonction au sein d’un établissement scolaire.

    Car malheureusement beaucoup trop d’assistantes sociales se permettent de JUGER l’environnement et/ou le comportement de l’enfant, bref de tirer des conclusions souvent hâtives et erronées; de prodiguer des conseils d’éducation et des jugements de valeurs envers les parents qui ne sont pas forcément fautifs (cela arrive c’est sûr mais pas toujours), genre « C’est une honte de laisser votre fils (14ans quand même) seul jusqu’à 19h le soir! » (et oui la mère venait juste de retrouver un emploi situé à 3/4h de route de son domicile).

    Je me pose encore la question, cette assistante sociale avait-elle réfléchit?

    Et lorsqu’on se renseigne on s’apperçoit bien souvent qu’elles n’ont pas elle-même d’enfant, ce sont ces deux critères qui donnent malheureusement mauvaise réputation aux assistantes sociales.

    Et pourtant quand elles remplissent bien leur mission et qu’elles n’outrepassent pas leurs droits en mettant leur nez dans tout les recoins, on s’apperçoit qu’elles peuvent être de bons secours (amménagement de planning horaire, d’éveil, d’appui et soutien lors des conseils de classe ou d’orientation, lien de dialogue entre parent et enfant ou direction etc…)

    Dommage qu’elles n’aient pas toutes saisit l’importance de leur mission!

  2. [i]Alors on pousse la porte de mon bureau, et on vient vider sa tête. Et après, on est dans les meilleures conditions pour retourner travailler. [/i]
    J’adore! c’est tellement vrai! la tête vide de tous ses soucis pour pouvoir l’ouvrir encore à plein de choses intéressantes, pour travailler (à l’école ou au travail) plus sereinement.
    MERCI pour eux!
    :-*

  3. Julien,
    je ne peux que réagir à votre commentaire.
    Comme dans tout métier, il y a des bons, et des moins bons !
    Je connais trop bien les stigmates qui nous poursuivent, et je me bats chaque jour contre, tant j’aime mon métier. Je vous assure que lorsqu’on pratique avec passion et amour de l’humain, et avec la déontologie si importante à notre profession, aucun jugement de valeurs n’existe !
    Cela fait 11 ans que les familles me connaissent sur le secteur où je travaille, et aucune n’a d’apriori a pousser la porte de mon bureau pour demander aide et conseils. Un respect mutuel fort existe, et même avec les familles déviantes (et heureusement !).
    Petite précision: une assistante sociale n’a pas le pouvoir de « placer » un enfant. Ce pouvoir revient à un juge et à une décision judiciaire.
    Et l’image « AS sans enfants » est une sacré généralité !! Les seules que je connaissent qui n’en ont pas sont mes toutes jeunes collègues qui ont la vie devant elles pour en avoir !
    J’ai écris un article sur ces préjugés AS il y a qques temps:
    http://www.come4news.com/un-metier-assistante-sociale-589321
    En espérant que votre idée des AS change…
    Bon dimanche

  4. Bonjour petite fée des enfants « à tête pleine »!

    Vos mots transpirent le bon sens et votre amour de votre métier et des enfants.
    Effectivement, dans toutes professions, il existe des professionnels engagés, d’autres blasés ou encore d’autres dont le métier est purement alimentaire.
    Les métiers du social ne sont pas de simples « gagne pain » à mes yeux. Il faut avoir la passion de l’humain pour exercer, être conscient des réalités, faire preuve d’une grande tolérance, sans oublier une bonne dose de « blindage psychologique » car j’imagine que parfois cela doit être frustrant de ne pas pouvoir agir à sa guise, d’autant plus quand on exerce auprès d’enfants.

    Il est vrai que le métier d’AS souffre parfois d’une mauvaise image, contrairement au métier d’Educateur Spécialisé. Peut être le côté plus administratif? Les gens l’assimilent peut être au cliché du « simple fonctionnaire », qui fait ses heures et point barre (je schématise bien entendu).

    En tout cas, je ne doute pas que vous devez avoir un contact assez privilégié avec les enfants, rien qu’en lisant vos mots.
    Bravo, votre métier mérite d’être mieux connu et reconnu!

    Ange

  5. Ne pensez-vous pas que, quand bien même secret professionnel il y ait, certains gamins hésitent à aller voir l’assistante sociale ?
    De peur d’être vus en train de pousser la peur de votre bureau, j’entends.

  6. Merci Ange pour votre commentaire si sympathique.
    je travaille avec bcp d’éduc spé, et on se complète !
    Notre profession peut avoir des aspects administratifs, mais très peu dans le scolaire.
    Bonne soirée 🙂

  7. poissonrouge,
    c’est une question pertinente.
    J’ai la chance d’avoir un bureau extrêmement bien situé. On ne peut pas plus confidentiel !! Mais je peux comprendre que certains enfants aient une appréhension à venir. C’est une des raisons pour laquelle je passe dans les classes en début d’année pour leur expliquer mon fonctionnement, et les rassurer !
    Bonne soirée

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