Je ne sais qui, des artistes, artisans d’art ou créateurs du Diois (le pays de la clairette), ou des paysans producteurs ardéchois, a commencé, et quand… Peu importe, la pratique, devenue mode, partie semble-t-il du sud-est, remonte le Rhône et semble gagner les confins du Rhin, aux portes de l’Alsace. Françoise Jeanparis, du Pays de Franche-Comté, rapporte que, avec celui de Grand-Charmont (Doubs), « de deux à l’origine, le nombre des marchés paysans nocturnes passe à 16 cette année ». Le 3 mai, ce sera à Grand-Charmont, puis à Arbouans, Mandeure, &c.
Les nocturnes, à Paris, « on » connaît. En fait, il s’agit surtout, le plus souvent sur invitation, outre les nocturnes habituelles ouvertes à toutes et tous, d’ouvertures fort tardives des grands magasins du boulevard Haussmann, Galeries ou Printemps. Ou encore, bien sûr, depuis de nombreuses années, des fameux marchés de Noël inspirés de celui de Strasbourg, qui ont fait florès partout en Europe.
On a aussi bien sûr les journées des ateliers d’artistes qui se prolongent, au gré de ceux qui vous ouvrent leurs portes, jusqu’à 22 heures, voire minuit (si ce n’est au lendemain). Dans le pays de Die, au moins depuis 2010, les créateurs de bijoux, vêtements, objets de décoration, stylisme, se livrent à une sorte de déballage devant les vitrines des commerçants jusqu’à 22 heures, après la sortie des enfants des écoles.
Mais pour les marchés nocturnes des producteurs agricoles et paysans, éleveurs et fromagers, &c., le concept est quelque peu différent. Il ne s’agit pas seulement d’acheter, mais de consommer sur place. Soit pique-niquer festivement, sans avoir à s’encombrer d’un panier garni que l’on composera sur place.
Les lieux ne sont donc pas forcément les rues du village, du bourg ou de la ville, mais les abords d’espaces permettant de se restaurer sur le pouce ou de participer à des animations. Par exemple, le pourtour du plan d’eau de Cournon (en août, tandis que les citadins se tiennent en juillet). Ingrédient indispensable ou presque (sauf si l’on peut se rabattre sur le Mille-Club ou une salle municipale), le beau temps.
À Montagnac, cela se déroule sur l’esplanade, les mardis soirs. À Castelsarrasin, au centre-ville. En rotation et selon une thématique dominante (dont humour et artistes de rues, spécialités orientales ou africaines), dans les villages des Monts du Lyonnais. Il en est aussi à Cluny, Grignan, et cela gagne tant le sud-ouest que les Charentes. Il s’en organise même à Langeais.
Bref, commerce (voire troc) et spectacle vivant, fêtes des voisins, tout se mêle.
De fait, le concept n’est pas totalement nouveau : dans les cités balnéaires ou les ports de Normandie ou Bretagne, outre les vendeurs de confiseries genre barbe-à-papa, ou de gaufres, galettes et croustillons, on trouve de plus en plus de commerçants ambulants, de vendeurs d’un peu tout, lors des nocturnes festives (dont le fameux feu d’artifice du 14 juillet).
Cela remonte à quand (20 ans, à Fréjus et Saint-Raphaël) ? Je ne sais, mais cela monte à Caen où, à partir du 12 juillet, sur le bassin de plaisance, et chaque semaine jusqu’au 16 août, où une cinquantaine de producteurs-marchands seront rassemblés. Et au préalable sélectionnés car devant « présenter des produits provenant obligatoirement de leur propre création ou fabrication ».
Chagny (Saône-et-Loire) cherche donc, comme d’autres localités, des créateurs ou fabricants de produits bourguignons. À Habère-Poche (74, dans les Alpes du Léman), il est prévu de se replier sur la salle polyvalente en cas d’intempéries.
À Grignan, les exposants sont costumés, et les chalands peuvent faire de même (et louer des costumes).
Bref, si vous sillonnez la France aux beaux-jours avec ou sans votre petite famille, pensez peut-être que la fatalité du restauroute (faute d’espérer trouver une auberge servant encore de part et d’autre du long ruban) peut être évitée. Voyez donc si vous ne trouverez pas un marché nocturne sur le parcours, ou à peu de temps de l’arrivée au camping ou à l’hôtel. À mon sens, ces opportunités se manifestent à présent un peu partout, voire prolifèrent.
Et pourquoi pas bientôt des circuits de marchés nocturnes ? C’est un peu prématuré, mais, à mon sens, on y viendra vite. Ah, j’allais oublier : à présent, même la côte belge s’y adonne. C’est bien une progression du Rhône au Rhin. Mais aussi en large (face au grand large) et en travers.