Les sur-honoraires médicaux l’impossible négociation

entre une activité libérale et les contraintes d’État.

 

Voir aussi, la réglementation des sur-honoraires dans un rééquilibrage des rémunérations

 

Vouloir négocier une règlementation sur les dépassements d’honoraires avec des médecins libéraux du secteur 2 qui sont, pour la plupart des opposants au gouvernement, et qui en plus, ont le droit de pratiquer le tarif qu’ils veulent tout en étant conventionnés, unique en Europe, cela tient de la gageure. C’est le gouvernement de Raymond Barre qui en 1980 ouvrit la voie à la liberté tarifaire. Il faut savoir que nos médecins du secteur 2 bénéficient d’une liberté tarifaire inédite et que les dépassements d’honoraires sont uniques en Europe. Dans la plupart des pays les médecins sont tenus de respecter les tarifs règlementés, s’ils veulent s’en dégager ils doivent se déconventionner. On sait que chez-nous les tarifs de la sécu sont extrêmement bas que ce soit pour les secteurs 1 ou 2, et qu’ils n’ont plus rien à voir avec le prix de revient des actes, ce que prétendent les médecins. Les médecins du secteur 1 pour compenser la faiblesse tarifaire multiplient les actes et ceux du secteur 2 pratiquent les dépassements. Seulement le déficit de l’assurance maladie est lourd, plus de 13, 8 milliards d’euros en prévision pour 2012, et augmenter ces tarifs revient encore à le creuser. L’assurance maladie prend donc de moins en moins en charge les dépenses des patients, que ce soit sur les médicaments, à l’hôpital, en consultation privée au secteur 2, et les dépassements d’honoraires. De plus, la sécu reporte le plus possible les remboursements sur les mutuelles qui sont étranglées par la baisse des cotisations. Celles-ci sont donc amenées à répercuter cette charge sur leurs allocataires, c’est donc un système divergent qui fait que des Français se soignent de moins en moins, devenant fragiles devant les attaques microbiennes.

 

Quel levier l’assurance maladie peut-elle donc avoir pour exiger de ces médecins un comportement adapté à la situation économique actuelle ? Le serment d’Hippocrate est dépassé et les altruistes sont de moins en moins nombreux. Les autres ne voient que leur portefeuille arguant les frais de leur cabinet, leur assurance contre les risques, l’amortissement de leurs investissements en matériels, autant d’arguments sérieux mais, ils n’évoquent jamais la richesse que leur rapporte cette pratique médiale, ne consentant à aucun sacrifice eu égard au nombre d’années d’études qu’ils ont fait. Tous, bien sûr, ne sont pas dans ce schéma, il en est, qui ont, eu égard à notre situation sociale, des comportements plus responsables, mais il ne s’agit pas de ceux là. Tous ne sont pas non plus riches.

 

Pour montrer leur opposition à l’accord d’encadrement des dépassements d’honoraires signé le 25 octobre par Madame Marisol Touraine ministre de la santé, avec plusieurs syndicats de professionnels de santé, le syndicat Le Bloc, signataire du relevé de conclusions de l’accord, et majoritaire chez les spécialistes de blocs opératoires a appelé à manifester le lundi 12 novembre pour préserver leur revenus, leur indépendance vis à vis des mutuelles et de leur liberté d’installation. Les chirurgiens et des internes libéraux se sont engagés dans une grève illimité. Le mouvement concerne environ 70 % des cliniques privées représentant 700 établissements selon la Fédération hospitalière privée. Or, Marisol Touraine a démenti formellement qu’il n’a jamais été question de contraindre leur liberté d’installation. Mais, devant la prolifération des déserts médicaux, il faut bien admettre que les médecins doivent aussi comprendre que leur devoir est d’assurer la santé de la population, et pas seulement celle des villes. D’ailleurs, la précédente politique menée par l’opposition concernant l’hôpital public, n’a-t-elle pas favorisée les établissements privés ? Ces gens là, malgré leurs dires sur leur comportement raisonnable et altruiste vis à vis des patients, ne voient que leurs revenus. Le libéralisme médical à des limites, et dès lors qu’il ne s’exprime qu’en termes de profits, les plus à plaindre ne sont surement pas eux, il convient donc d’agir. Un gouvernement se doit d’assurer la santé de la population sans distinction de conditions sociales, et les sur-honoraires abusifs sont inadmissibles. Quand on entend que des chirurgiens traitent Madame Marisol Touraine de voleuse, on reste perplexe devant de tels propos.

 

Quelle valeur morale ont ces chirurgiens ?

 

Quand un médecin prend 80 € et fait en moyenne 10 consultations par jour, on comprend bien, que même s’il paye des impôts en conséquence, il est dans le décile supérieur de l’échelle des revenus défini par l’INSEE. Il s’agit donc de ceux-là, qui demandent pour une consultation des sur-honoraires élevés allant jusqu’à 150 € voire plus. A cela s’ajoute bien souvent des actes chirurgicaux en chirurgie réparatrice, orthopédique, ophtalmologie ou cardiaque ou les sur-honoraires ont très au-delà de 1.500 € auxquels il faut ajouter les consultations du cardiologue, de l’anesthésiste et de l’IRM qui peuvent conduire à un surcoût d’environ de 400 € en médecine privée, un peu moins à l’hôpital, ou le délai d’attente est insupportablement long quand on souffre. Par exemple à l’hôpital une IRM toute simple de l’épaule revient à 80 €, et ce n’est pas trop cher, le dépassement est limité à 34 €, et le remboursement sécu qui est calculé à 70% sur la base de 46 € est de 32, 20 €. Combien sont ceux qui peuvent payer ? C’est donc une médecine qui leur est interdite. La contrainte pour cause de délabrement du service public favorise ainsi le spécialiste. L’hôpital n’assure plus sa fonction, ainsi que ses capacités d’accueil qui ne répondent plus à assurer notre santé. Les déserts médicaux sont là pour nous les rappeler.

 

Le problème des dépassements d’honoraires n’est qu’une infime partie de ce qu’il faudrait faire pour améliorer les soins des Français. S’attaquer aux dépassements d’honoraires est impératif afin de permettre l’accès aux soins à tous.

 

Si j’ai bien compris, la négociation marathon du 25 octobre 2012 n’a donc pris en compte que les sur-honoraires des consultations, pas des actes médicaux qui en résultent.

 

Le problème pour le patient sera de savoir ce qu’il devra payer au maximum avant de s’engager.

 

Ce que l’on peut dire, c’est que rien n’est clair. Le gouvernement a voulu négocier avec les syndicats médicaux qui depuis des années ont laissé faire les abus, sans que l’opposition actuelle intervienne, que pouvait espérer le gouvernement ?

 

C’était une promesse de François Hollande, mais aussi un souhait des Français. Tellement la négociation fut chaotique qu’il est difficile d’en donner le déroulement. Ce que l’on peut dégager c’est qu’après une longue nuit de négociations, devant l’échec reconnu, les participants se séparèrent sans accord. Le président de MG-France, principal syndicat de médecins généralistes classé à gauche, Claude Leicher, lassé et probablement fatigué, avait déjà pris le train. «Je vais travailler à mon cabinet», lâcha-t-il. De son côté, Frédéric van Roekeghem directeur de l’assurance maladie se montre décidé, «nous avons négocié depuis maintenant de très nombreuses heures. Il y a un moment où il faut savoir arrêter une négociation. Je crois que le moment est maintenant venu», lâcha-t-il. Estimant que l’assurance maladie est allée «au bout de ce qu’elle pouvait proposer», il précisa «avoir décidé, en concertation avec le gouvernement, d’arrêter le texte de la négociation et donc de le soumettre maintenant à l’avis des différentes parties concernées».

 

Marisol Touraine ne voulut pas en rester là. Elle téléphona aux différents participants et acteurs, les poussa à revenir à la table de négociations. L’Élysée s’en mêla. Elle exprima sa «volonté de donner du temps aux négociateurs pour trouver un accord». «La négociation est longue, c’est normal sur un sujet difficile. Et c’est un enjeu majeur pour les Français».

 

Vers 14 heures, tout changea, les principaux points de blocage furent finalement levés. Le seuil à partir duquel devait être déclenché le processus de sanctions, 2,5 fois le tarif de la Sécu, soit 70 euros pour une consultation spécialiste, devrait finalement figurer dans le préambule de l’accord et non dans le corps du texte. Cette concession fit lever les réticences des syndicats de spécialistes. Les négociations reprirent. Le directeur de l’assurance maladie se sentit obligé de dire l’inverse de ce qu’il venait d’affirmer. Il lança, «nous étions tout près d’un accord, trois points restent en suspens. Donc, dans ce contexte nous reprenons les négociations avec l’ensemble des syndicats». Qu’importe si la délégation de MG-France était partie, ils continuèrent sans elle. Deux heures après, c’est l’annonce d’un accord avec quatre syndicats. «Le SML, Le Bloc, FMF et CSMF, signèrent un relevé de conclusions qui confirma l’accord». Frédéric van Roekeghem, précisant que les syndicats devraient encore soumettre ce texte à leurs instances pour le valider.

 

Ce que l’on peut signifier c’est que ce n’est simplement qu’un relevé d’intention qui devra être approuvé, et on voit avec cette grève que rien n’est encore admis par la base.

 

On sait, en tout cas, que le texte prévoit que le taux moyen d’un dépassement excessif «devrait être fixé à 150%» du tarif Sécu, 70 euros pour une consultation à 28 euros chez un spécialiste. Le texte propose, en outre, aux médecins de secteur 2, à honoraires libres, d’adhérer à un «contrat d’accès aux soins», dans lequel ils limiteraient leurs dépassements en échange d’avantages sociaux, ce contrat serait instauré le 1er juillet 2013, sous réserve qu’un tiers des médecins éligibles, soit 25 000, y adhèrent.

 

2 réflexions sur « Les sur-honoraires médicaux l’impossible négociation »

  1. La médecine n’est plus une vocation humanitaire. Elle est un moyen, pour ceux qui ont la chance (devenue privilège) d’avoir des compétences « intellectuelles et éthiques » adéquates; elle est un moyen, disais-je, d’enrichissement et d’honorabilité, avec pour arme fatale le Chantage à la vie. Amis toubibs bonjour !

Les commentaires sont fermés.