La grève de la faim de Monsieur Gatignon, une action exagérée et potentiellement dangereuse

Cet article fait suite à l’action de Stéphane Gatignon de se mettre en grève de la faim pour obtenir 5 millions d’euros d’aides de l’Etat.

Monsieur Gatignon, maire EELV (Europe Ecologie Les Verts) de Sevran en Seine-Saint-Denis, s’est mis en grève de la faim vendredi devant l’assemblée nationale pour demander à l’Etat de lui accorder 5 millions d’euros pour pouvoir emprunter de nouveau pour maintenir sa commune à flot. On ne peut que louer le zèle et l’engagement de ce maire qui n’hésite pas à mettre sa santé en danger pour obtenir des fonds qui lui permettront de boucler son budget.  

Il serait intéressant de savoir pourquoi le maire de Sevran a besoin de cet argent. Il l’explique lui-même dans une interview donnée au Monde le 22 octobre 2012 il en a besoin car il attend le remboursement des 4,7 millions d’euros de frais de la part de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Aussi, je me pose une question : Pourquoi demande-t-il à l’état de lui donner (et non prêter) 5 millions d’euros alors qu’il sait qu’il en touchera 4,7 millions sous peu ? Il devrait demander à l’Etat de lui prêter cette somme et non de lui donner. 

Ceci est la première chose qui m’interpelle, mais la seconde est encore plus choquante. Il explique que sans cela, sa commune, qui est l’une des plus pauvres de France, sera placée sous tutelle de l’Etat et qu’il ne peut se le permettre. Mais dans tous les cas, sa commune serait placé sous tutelle de l’Etat uniquement dans l’attente du remboursement de l’ARNU, ce qui n’est pas si dramatique pour sa commune, pour lui peut-être un peu plus. De plus, je ne sais pas comment on gère une mairie car je ne suis pas maire moi-même cependant, je m’interroge sur la capacité de gestion du maire de Sevran. En effet, quand on sait qu’on va devoir avancer une telle somme, on assure ses arrières, on réfléchit à comment ne pas tomber dans le rouge justement. D’ailleurs, pourquoi est-il le seul maire de ces communes avec peu de ressources à faire cette grève de la faim ? Est-ce que les autres maires réclament comme lui de l’argent ? A priori non, sûrement parce qu’ils savent mieux gérer leurs compte que Monsieur Gatignon.  

Et le comble, c’est qu’alors que l’Etat propose finalement de passer de 50 à 75 millions d’euros la dotation de développement urbain (DDU) destinée aux 100 communes les plus défavorisées (soit une augmentation de 50 % du budget), ce qui est déjà une aide conséquente, Monsieur Gatignon est "atterré" et estime que ce n’est pas suffisant. Je trouve au contraire que l’état fait un bel effort en accordant une telle augmentation de la dotation aux 100 communes les plus défavorisées. Peut-être Monsieur Gatignon aurait préféré recevoir cette somme pour lui tout seul ? Après tout, il est le seul à faire une grève de la faim.

A ce propos justement, j’estime que faire une grève de la faim pour obtenir de l’argent du gouvernement est une action tout à fait révoltante. Je m’explique. Même s’il faut du courage et une certaine forme de résistance pour entamer une grève de la faim, je pense que cet acte de protestation devrait être réservé à des actions plus nobles et moins égoïste. En effet, parlons de la dernière grève de la faim très médiatisée, celle de l’opposante ukrainienne Ioulia Timochenko qui a entamé sa seconde grève de la faim depuis sa prison pour protester contre ce qu’elle considère comme une « falsification des élections » législatives de son pays. Quand on sait comment se sont passées les élections en Ukraine, on peut comprendre son sentiment de révolte et étant en prison, elle n’a pas vraiment d’autres possibilités d’expression. Monsieur Gatignon lui en avait d’autres, des moyens d’action, comme mobiliser les autres maires des communes défavorisées de France pour faire une manifestation ou une pétition, je ne sais pas mais je pense qu’il y avait d’autres moyens d’expression que d’entamer une grève de la faim qui selon moi est une action de protestation noble qu’il ne faut pas prendre à la légère. Et que dire des 707 prisonniers Kurdes détenus en Turquie qui font une grève de la faim depuis 60 jours pour lutter contre l’oppression dont ils sont victimes ? L’action de Monsieur Gatignon, aussi courageuse soit-elle, décrédibilise les grèves de la faim de Ioulia Timochenko et de ces prisonniers Kurdes.

Cette grève de la faim vulgarise cet acte et je ne serais pas étonné que, grâce à monsieur Gatignon, de nombreuses personnes, qui ont constaté que faire une simple grève ne servait à rien dans notre pays décident de faire eux aussi une grève de la faim pour exprimer leur mécontentement et obtenir gain de cause coûte que coûte.

On pourrait, par exemple, imaginer qu’au lieu du mouvement de manifestation demandé par Monsieur Coppé contre la loi pour la légalisation du mariage gay, des personnes entament une grève de la faim pour manifester leur opposition à ce projet de loi, ou une personne estimant que sa retraite ne lui permet pas de vivre décemment faire en grève de la faim pour obtenir une revalorisation de sa retraite.

Cette action, avant tout médiatique, du maire de Sevran me paraît dangereuse de ce point de vue là car elle pourrait entraîner de nombreuses grèves de la faim pour des motifs qui n’en nécessitent pas forcément une.