« Les sagesses antiques » de M. Onfray: philosophie à la portée de tous?

 

 

 

Ce premier volume de la « Contre-histoire de la philosophie » sorti en 2007 nous plonge non seulement dans la philosophie antique (du VI-ème siècle av. J.-C. au II-ème siècle après J.-C) mais nous ouvre également les yeux sur le fait que certains philosophes de l’antiquité nous sont plus connus et nous semblent plus importants que d’autres. En effet, on connaît tous Platon, Socrate, Aristote, au moins de nom. Par contre, que sait-on ou que se souvient-on de Leucippe, Aristippe ou Anaxarque ? Et que sait-on de leur enseignement ?

 

 

 

Dans l’introduction d’une trentaine de pages l’auteur nous explique et nous prouve   que « …l’histoire de la philosophie est écrite par les vainqueurs d’un combat qui, inlassablement, oppose les idéalistes et matérialistes. Avec le christianisme, les premiers ont accédé au pouvoir intellectuel pour vingt siècles. Dès lors, ils ont favorisé les penseurs qui oeuvrent dans leur sens et effacé toute trace de philosophie alternative. » 
  
Cela paraît tellement évident que l’on ne peut que s’étonner de ce que cette réflexion lucide et tout compte fait très simple nous ait échappé. Il ne s’agirait donc pas d’une « contre-histoire de la philosophie » mais d’une reconstitution de l’histoire de la philosophie dans l’ordre
chronologique tout en sortant de l’obscurité et du silence des philosophes de
l’antiquité injustement oubliés. 
 

Cependant en lisant le livre on s’apercevra très vite qu’il s’agit d’une reconstitution
assez partielle car l’auteur ne nous parle
en détail ni des premiers Milésiens (Thalès, Anaximandre, Anaximène), ni des Eléates, ni des Pythagoriciens… Par ailleurs, M. Onfray en avertit le lecteur dès les premières pages :

 

« … on n’y trouvera ni l’exhaustivité, évidemment, ni l’analyse profonde d’une
série d’auteurs… »
, écrit-il. En fait, il ne fait émerger que la partie de l’histoire de la philosophie qu’il estime nécessaire à mettre au grand jour.

Cela concerne surtout Démocrite – un nom qui n’est pas du tout méconnu – que l’auteur met en exergue et le fait quitter la pléiade des présocratiques pour le mettre dans la même lignée que
Socrate et Platon. Par ailleurs, M. Onfray n’est pas le premier à remarquer que Démocrite n’occupe pas la place qui lui est due. Ainsi, Jean Salem – auteur de référence de Michel Onfray – dans l’introduction à son livre intitulé « Démocrite. Grains de poussière dans un rayon de soleil » paru en
1996, écrit : « Diogène Laërce, puis Ramus, et plus tard encore, Spinoza ont déclaré qu’on a minimisé l’importance de son œuvre /de Démocrite/ … » C’est donc à juste titre que Démocrite occupe une place centrale danscet ouvrage de M. Onfray.

 

Le lecteur verra également que l’auteur rejoint quelque peu la philosophie marxiste considérant l’histoire de la philosophie comme un combat incessant entre l’idéalisme et le matérialisme. Cependant, M. Onfray va encore plus loin. Il nous démontre l’existence d’un autre combat philosophique qui oppose l’idéalisme à l’hédonisme. Ce combat deviendra le fil conducteur de ce premier volume lequel pourrait être intitulé « Histoire de la philosophie hédoniste antique ».

Par ailleurs, l’auteur lui-même dans la bibliographie, qui constitue à elle seule un chapitre à part, précise qu’à sa connaissance « il n’a jamais existé d’histoire de la philosophie hédoniste en quelque langue que ce soit ! » Dorénavant donc, c’est chose faite.

D’autre part, étant également connu comme fondateur de l’Université populaire de Caen et représentant d’une tendance à rendre la philosophie accessible au grand public, on s’imagine que l’on a affaire avec un livre accessible à tous ou presque.

Or, on s’apercevra très vite que c’est un ouvrage tout à fait classique qui fait appel aux connaissances philosophiques de base (au moins) où l’auteur jongle avec un vocabulaire
scientifique très riche et probablement peu compréhensible pour un néophyte.

Qui pourrait, par exemple, se vanter de donner une définition exacte (sans consulter un dictionnaire) des notions suivantes : polémologie, doxographie, métensomatose, principe christique, onomastique, eudémonisme, rhizome deleuzien, hagiographique, monisme, ataraxie, gymnosophisme, pyrrhonisme, immanence, métempsychose, métensomatose, exégèse rationnelle, génie musagète, épistémologie, déclivité atomique, théologie sotériologique, etc. ?

 

Rien à voir donc avec une vulgarisation.

Même si, tout compte fait, сette richesse du vocabulaire scientifique n’empêche pas la compréhension du livre, on voudrait néanmoins avoir un petit glossaire sous la main… qui pourrait se trouver – pourquoi pas – à la fin du bouquin.

 

En ce qui concerne la bibliographie, en effet, elle constitue à elle seule un chapitre à part car non seulement elle comprend la liste des ouvrages consultés ou à consulter mais également – ce qui
est beaucoup plus intéressant – les commentaires de l’auteur. Il s’agit, tout compte fait, d’une bibliographie commentée, expliquée et donc vivante qui peut se lire comme une sorte d’épilogue. Quelque chose de semblable se trouve chez Comte-Sponville, dans son livre intitulé « Présentations de la philosophie » – qui est une vraie vulgarisation – où après la bibliographie classique on trouve une « bibliographie complémentaire » ayant plus ou moins le même concept que chez M. Onfray. 

2 réflexions sur « « Les sagesses antiques » de M. Onfray: philosophie à la portée de tous? »

  1. l’auteur nous explique et nous prouve : c’est bien prétentieux! explique soit, mais l’exclusivité de la preuve dans ce domaine n’appartient pas à M. Onfray. Ouvrage suscitant la polémique du fait de l’instruction à charge de tout ce qui n’a pas l’heur de plaire au sieur Onfray. Je note cependant qu’il s’agit d’un essai et comme chacun sait un essai n’est as conclusif. Toutes choses égales par ailleurs au fait qu’il s’agit d’un très brillant et redoutable pourfendeur de l’hypocrisie en général, même si l’on épouse pas son point de vue, cela reste une œuvre notable et surtout argumentée.

  2. Bonjour Zelectron,

    Je vous remercie pour votre commentaire.
    En effet, j’ai écrit « nous prouve ». A tort ou à raison?
    Aurais-je dû écrire « me prouve »? Possible.
    Mais fors est de constater que même la philosophie marxiste n’a pu s’échapper de l’emprise de « l’historiographie dominante ».

    [quote]Ouvrage suscitant la polémique[/quote]

    Il me semble que ce volume n’ait suscité aucune polémique…

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