Nous nous sentons que très peu concernés par les pesticides, d’autant moins si nous sommes des citadins loin des champs !
Pourtant ils sont partout, de la rosée du matin aux pluies des villes, en passant par notre alimentation …
La France est le 3e consommateur mondial de pesticides (à plus de 90% pour l’agriculture) et le 1er utilisateur en Europe en volume total. Un nombre restreint de cultures (céréales à pailles, maïs, colza et vigne), qui occupent moins de 40% de la SAU nationale, utilisent à elles seules près de 80% des pesticides vendus en France chaque année.
Les effets sur l’environnement
Les données disponibles au niveau de l’ensemble des réseaux de suivis existants témoignent d’une contamination probablement généralisée et récurrente, voire chronique, des eaux, de l’air et du sol dans la plupart des régions françaises. Cette contamination peut être notamment observée à des degrés divers pour tous les milieux aquatiques (eaux continentales de surface, souterraines et eaux côtières) et toutes les phases atmosphériques.
Plus de 70 000 tonnes de pesticides sont déversées en France chaque année. Les fongicides représentent 55% du volume, les herbicides 33%, les insecticides 3% et les produits divers 10% (sources UIPP). Cette répartition est très peu variable dans le temps. Il serait absurde de penser que les produits disparaissent par enchantement après leur épandage. Toutes les études menées à ce sujet concordent : la contamination est généralisée. Si elle n’est pas visible, la pollution est multiple et importante, on retrouve des pesticides jusqu’aux régions arctiques…
Schéma issu de la Synthèse du rapport d'expertise réalisé par l'INRA et le Cemagref (2005)
Dans l’eau
D’après l’Institut Français de l’Environnement (IFEN), des résidus de pesticides sont présents dans 96% des points de mesure des eaux superficielles et 61% des eaux souterraines. Les herbicides sont les composés les plus retrouvés dans l’eau. Par ailleurs, il y a une forte probabilité qu’une contamination existe dans les eaux de captage pour la boisson. Seules 3 à 4 substances sont recherchées dans l’eau sur les 500 principes actifs commercialisés.
Dans l’atmosphère
Lors des épandages et à la suite de l’évaporation des eaux de pluie, les molécules voyagent dans l’air parcourant ainsi de longues distances. On estime que lors de la pulvérisation, 10 à 20% des quantités appliquées partent dans l’atmosphère, ce qui entraîne une contamination de l’air, des brouillards et des pluies. Une étude de l’Institut Pasteur de Lille a retrouvé près de 50 molécules différentes dans les eaux de pluie et dans l’air et estime que dans la seule région Nord-Pas-de-Calais, 300 à 2000 kg de pesticides sont réintroduits dans l’environnement par l’intermédiaire des eaux de pluie.
Le rapport de l’INRA et du Cemagref indique la présence de pesticides dans toutes les phases atmosphériques, en concentrations variables dans le temps (caractère parfois saisonnier, lien avec les périodes d’application) et l'espace (proximité des sources) ; même des composés peu volatils ou interdits (lindane par exemple) sont parfois détectés.
Dans les aliments
Les plantes cultivées étant les cibles des applications de pesticides, il est normal d’en retrouver des résidus dans les aliments (légumes, fruits, céréales). Une enquête de la direction générale Santé Consommation de l’Union Européenne (1), publiée en 2005, révèle qu’en France, plus de 50% des fruits et légumes contenaient des résidus de pesticides, 44% étaient contaminés sous les Limites Maximales en Résidus (LMR) et 6,5% à un niveau supérieur aux LMR. En Europe, la moyenne se situe respectivement à 39% et 5,6%. Parfois la dose de référence pour la toxicité aiguë est largement dépassée (plus de 6 à 17 fois la dose pour les enfants).
Les pesticides dans les organismes humains
La contamination généralisée de l’environnement et de la nourriture rend inévitable la contamination de l’être humain. Les substances retrouvées dans les organismes sont des pesticides de toutes sortes.
Les plus persistants, avec des propriétés de bioaccumulation, se retrouvent encore aujourd’hui dans l’ensemble de la population française, ce malgré leur interdiction il y a plus de… 30 ans ! C’est le cas du DDT. Plus de 150 études, menées dans 61 pays et régions du monde, ont démontré la présence de pesticides POP (Polluant Organique Persistant) dans les tissus adipeux, le cerveau, le sang, le lait maternel, le foie, le placenta, le sperme et le sang du cordon ombilical (2).
Les moins persistants contaminent également nos organismes. Plusieurs études, notamment aux Etats-Unis, en Allemagne et en Australie ont mis en évidence la présence de résidus de pesticides. Les pesticides organophosphorés se retrouvent dans les urines, toutes les personnes testées en avaient des traces dans son organisme (3). Les pyréthrinoïdes, également utilisés comme insecticide domestique, se retrouvent dans les urines d’une population urbaine non exposée, pour 65% des échantillons testés (4). Les résidus de pesticides se transmettent de la mère à l’enfant pendant la grossesse (5).
Une étude américaine de 2005 a cependant montré qu’une consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique faisait disparaître les résidus de pesticides organophosphorés de l’organisme des enfants (6).
Une évaluation insuffisante
Les atteintes chroniques dues aux pesticides sont dénoncées par de nombreux scientifiques. Pourtant les études de risque sont insuffisantes.
Pour chaque substance est établie une Dose Journalière Admissible (DJA). Son calcul découle d’expérimentations animales réalisées avec une seule substance. Ce qui ne garantit pas l’innocuité pour l’homme. Le Pr de Jonckheere précise dans son rapport sur la présence de pesticides dans les fruits et légumes : « Il faut signaler que les valeurs de DJA ne sont pas des valeurs exactes mais bien des estimations basées sur les données toxicologiques expérimentales concernant un pesticide. Cette approche ne tient pas compte de la possibilité d'effets synergiques qui peuvent survenir lorsque deux (ou davantage) de pesticides sont ingérés simultanément. »
Les tests pour l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et les évaluations des matières actives des pesticides ont de nombreuses lacunes. Les tests spécifiques au système endocrinien n’existent pas et ceux d’immunotoxicité ne sont pas systématiquement requis. Les organismes les plus sensibles, notamment les enfants, ne sont pas pris en compte dans l’évaluation des pesticides. Les effets de synergie sont souvent ignorés. Pourtant plusieurs études indiquent la nette augmentation des effets toxiques des pesticides (7), allant de 150 à 1600 fois plus importants que les effets des pesticides pris isolément et que la toxicité du produit pouvait devenir supérieure à sa matière active (8).
Un lien avec les OGM ?
71% des plantes OGM sont prévues pour supporter des traitements herbicides et 28% pour sécréter leur propre insecticide. Ainsi, 99% des plantes OGM sont des plantes à pesticide…
Présentées comme solution à la faim dans le monde et aux problèmes de pollution phytosanitaire en réduisant leur utilisation, les plantes OGM se révèlent être, finalement, un gouffre à pesticides. Tolérantes à un herbicide particulier, celui-ci connaîtra une hausse de ses ventes, afin de préserver les plantes de toutes « mauvaises herbes ». Bien souvent, les firmes qui produisent ces OGM sont celles qui vendent également l’herbicide concerné. Cependant, elles deviennent à leur tour de mauvaises herbes en se propageant dans la nature. Résistantes aux herbicides, il faut utiliser des produits encore plus toxiques afin d’en venir à bout…
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