« Les Imphyades », de René Dumas (1906-1934)

« Les Imphyades »… Voici un livre d'une grande écriture. Joël Dumas, dans ce livre au style remarquable, nous retrace les écrits de René Dumas, un style bien à lui, d'une grande profondeur, avec des écrits sonnant à l'oreille telle les voix antiques nous murmurant des odes à la vie, des odes à la femme, avec les courbes d'une encre sincère et franche, vraie et pure.


Un livre nous apprenant une vie passionnée, nous entrons dans un « autre monde », ce monde au-delà des mers, que l'on aimerait découvrir avec les yeux enchantés d'une telle découverte.
Monsieur Dumas aurait pu être le guide de cette aventure… D'ailleurs, il l'est déjà, puisqu'il guide notre lecture jusqu'au fond de son âme, nous donnant toute sa richesse.


Sandra G-Forasté : Bonjour Joël Dumas… je suis très heureuse de pouvoir faire cette interview, je me suis procuré, en l'achetant, ce livre magnifique, d'une richesse incroyable et j'aimerai en savoir plus sur la réalisation de cette pure merveille.

Pourrais-je savoir, qui est vraiment, Joël Dumas ?

Joël Dumas : Je suis le neveu de René Dumas. Je suis professeur retraité depuis juillet dernier.

Sandra G-Forasté : D'où est venue l'idée de retranscrire les poèmes de René Dumas ?

Joël Dumas : Je les ai découverts en débarrassant un grenier où ils dormaient depuis cinq ou six décennies. Surpris par leur qualité et l'extraordinaire culture qu'ils révèlent, j'ai eu l'idée de les faire expertiser et publier.

Sandra G-Forasté : Qui était René Dumas ?

Joël Dumas : Un pur autodidacte. Il n'a pas eu accès au lycée parce qu'il était d'une famille pauvre et qu'il a eu 11 ans en 1917, en pleine guerre. Pas de bourse.

Sandra G-Forasté : Pourquoi ce titre « Les Imphyades » ?

Joël Dumas : Imphy est le nom de la ville où il a vécu. C'est un hommage qu'il rend à sa ville, en l'associant à sa culture antique.

Sandra G-Forasté : Pourquoi ce choix antique ? Y a-t-il une raison ou un message que René Dumas voulait faire passer ?

Joël Dumas : Il ressort nettement de ses écrits qu'il plaçait les idéaux de la Grèce antique au sommet des valeurs. Est-ce pour inviter ses concitoyens à les pratiquer ?

Sandra G-Forasté : En un cours résumé, pourriez-vous, Joël, nous conter ces écrits ?

Joël Dumas : Les 360 textes qu'il a laissés (nous n'en avons ici qu'un tiers) abordent des sujets très variés. Il en ressort, à mon avis sept dominantes que j'ai essayé de présenter dans les sept chapitres du recueil, et ceci, avec un ordre d'enchaînement relativement logique : l'amour de sa ville et de sa campagne, sa passion pour les arts et l'antiquité, ses rapports compliqués avec l'autre sexe, son ressenti face à la mort et son engagement politique dans une période d'instabilité et d'affrontements.

Sandra G-Forasté : Que veut exprimer René Dumas, véritablement, dans son écrit « Qui fait d'Imphy fi » ? Est-ce autobiographique ?

Joël Dumas : Tout à fait. Il était animé par le souci de valoriser sa ville. Le poème que vous mentionnez devait être adressé au maire d'Imphy pour lui expliquer la configuration du blason dont il souhaitait doter sa cité. C'est celui qui figure en couverture. La lettre n'a jamais été expédiée à cause d'une suite d'évènements tragiques. Aujourd'hui, suite à la publication du recueil, il est en passe d'être adopté par la ville.

Sandra G-Forasté : Dans ses écrits, la musique semble prépondérante. Etait-ce une passion autre que l'écriture ?

Joël Dumas : Il pratiquait le violon pour lequel il était, paraît-il, assez doué.

Sandra G-Forasté : Est-ce que René Dumas a vécu en Grèce pour l'aimer autant ?

Joël Dumas : Il s'y est rendu, mais n'y a pas vécu. Il lisait beaucoup et fréquentait les expositions et les musées.

Sandra G-Forasté : Que pouvait représenter la femme aux yeux de René Dumas ?

Joël Dumas : Il ne vous a pas échappé qu'il avait une vision très idéalisée de la femme, la perfection étant la déesse de la mythologie grecque. D'où un rapport compliqué avec les femmes qu'il a pu rencontrer, chez lesquelles il ne retrouvait pas les mêmes vertus.

Sandra G-Forasté : Quelles sont les circonstances de la réalisation de ces écrits ? En combien de temps ces œuvres ont-elles été écrites ?

Joël Dumas : René Dumas est décédé à 28 ans. Tout est concentré sur une période de douze ans. Ils sont liés à la fois à des évènements personnels, à ses acquis culturels très fortement subjectivisés et au climat sociopolitique de l'époque.

Sandra G-Forasté : Dans la partie « Désillusion », il écrit « Le rêve ». Avec son contenu, il me laisse à penser qu'il préférait le contenu de ses rêves plutôt que la réalité. Me tromperais-je ?

Joël Dumas : Non, vous dites juste. L'idée et le rêve priment sur la médiocrité du quotidien. Mais n'est-ce pas courant chez les artistes ? Il était rebuté par les vices et défauts de l'humanité.

Sandra G-Forasté : René Dumas touche aussi beaucoup le sujet de la mort. En avait-il peur ? L'appréhendait-elle ?

Joël Dumas : Des évènements tragiques (maladie et mort de son frère, puis sa propre maladie) sont venus aggraver une anxiété métaphysique déjà très marquée. De plus, il était particulièrement sensible aux distorsions de l'histoire et de la société.

Sandra G-Forasté : Des textes touchants, et je repense au texte « La jeune malade ». Une émotion me prend le cœur que je n'ose poser ma question… Qu'est-ce qui lui inspirait autant d'amour et de passion ?

Joël Dumas : Sa très grande sensibilité aux malheurs et aux injustices de la vie qu'il a d'ailleurs subis lui-même de plein fouet.

Sandra G-Forasté : Joël, qu'a voulu dire René Dumas, quel message a-t-il voulu transmettre de votre point de vue dans le poème « Quod erat demonstrandum », que de ma part, je trouve fort et engagé ?

Joël Dumas : Après les lois sur la laïcité du début du XXe siècle, la polémique faisait rage en France entre cléricaux et laïques. Adepte des idées révolutionnaires, il prône la primauté de la raison sur la foi.

Sandra G-Forasté : Quelle vision René Dumas avait-il de la vie ?

Joël Dumas : Ce que je trouve remarquable, c'est le caractère universel de sa culture. Chaque poème ou presque est accompagné d'une citation d'auteur, souvent dans des langues que je ne connais pas, (cela prouve qu'il concevait la vie comme un tout et qu'il cherchait à en percer le sens dans toutes ses variantes. Idéal et pragmatisme ne font souvent qu'un chez René Dumas).

Sandra G-Forasté : Que pensez-vous, Joël, de tous les écrits de René Dumas ? Avez-vous lu ces écrits avec un œil personnel ou avec l'œil du poète ?

Joël Dumas : Lorsqu'il s'agit d'un parent, la lecture est toujours plus subjective. Étant moi-même passionné de poésie, je m'imagine ce qu'aurait pu devenir son œuvre s'il avait vécu et mûri quelques décennies de plus .

Sandra G-Forasté : Avec une telle fougue dans ces écrits, nous sommes en droit, et je le crois, de savoir s'il y aura d'autres écrits de René Dumas, ou est-ce un privilège exceptionnel et unique ?

Joël Dumas : J'ai déjà envisagé de publier la soixantaine de sonnets qu'il a conçus, dont la moitié de formes irrégulières qui produisent des effets assez particuliers. Mais ce n'est pas prévu dans l'immédiat.

Sandra G-Forasté : Joël, la préparation de cet ouvrage, que je trouve extraordinaire, a-t-elle été difficile à concevoir ?

Joël Dumas : Certains textes étaient encore à l'état de brouillon et des feuillets en mauvais état. Mais c'est le travail de rapprochement intra textuel qui a posé problème pour dégager une sélection qui puisse être agencée de façon présentable.

Sandra G-Forasté : Aujourd'hui le livre parut, que ressentez-vous au plus profond de vous ?

Joël Dumas : J'ai le sentiment d'avoir réparé un outrage du temps en le sortant de l'oubli et d'apporter une forme de compensation à tout ce qu'il a subi.

Sandra G-Forasté : Je terminerai là mon interview, je vous en remercie. Je l'ai trouvé très enrichissante, car il ne m'a été donné que peu d'occasion de lire un tel ouvrage.

Joël Dumas : Non, Merci à vous Sandra.

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Entrevue de Sandra G-Forasté
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