Le renouveau des plantes tinctoriales

 

Dès la préhistoire, les hommes ont entretenu des liens étroits avec leur environnement naturel , ces liens étant les garants de leur survie. Pour se nourrir, se vêtir , se soigner, ils ont dû très tôt maîtriser les propriétés  des plantes , découvrant peu à peu l’usage nutritif de celle-ci , l’usage thérapeutique de celle-là  mais aussi la possiblité de se protéger en se couvrant grâce aux fibres contenues  dans cette autre et tissées par leurs soins !

C’est aussi dès cette époque , comme le prouve l’art pariétal  de Lascaut ou Altamira , que nos ancêtres ont également découvert les propriétés  et usages colorants des plantes, minéraux ou animaux .Tout naturellement ils se sont mis à fabriquer des peintures, gommes, résines et teintures colorées , si utiles pour apporter couleurs et distinction à toutes sortes d’objets de leur vie , en particulier les tissus dont ils se paraient.

Jusquà la fin du XIXème siècle , les colorants végétaux et minéraux  étaient les seules matières utilisées pour la teinture , avec des variantes et des bonheurs divers . Issues des plantes dites tinctoriales  et techniques , souvent cultivées comme telles par les moines  dès le Moyen-âge dans les jardins des monastères et  abbayes, elles furent peu à peu pris en charge  par le monde rural avant que le développement industriel des colorants synthétiques  ne porte un coup fatal à ces cultures artisanales et ne normalisent couleurs et nuances au grand regret de certains botanistes partisans du renouveau des couleurs naturelles.

 

Les plantes tinctoriales se classent principalement en 2 groupes :

– D’une part celles qui se rapprochent plus ou moins du jaune et dont les sources sont les plus abondantes dans la nature.

– D’autre part les rouges et les bleues , couleurs nobles aux sources moins abondantes , réservées autrefois aux habits d’apparat des classes supérieures ( noblees et hauts dignitaires de l’Eglise).

Voici un catalogue non exhaussif des plantes tinctoriales les plus connues :

@ l’anthémis des teinturiers appelée aussi "oeil de boeuf" : grâce à ses nombreuses variétés, cette vivace très prolifique peut donner plusieurs nuances de jaune.

@ le carthame des teinturiers  : Carthamus vient du maure "karten", et cette plante cultivée dès la haute antiquité en Egypte fut propagée par les romains .Elle donne une teinture jaune qui permet aussi d’obtenir le fameux "rouge d’espagne".On l’appelle aussi le safran bâtard car elle a souvent servi à falsifier le véritable safran .

@ le pastel des teinturiers : ou guède permet d’obtenir la gamme des bleus. Elle fut obtenue par les échanges lors des Croisades. Exploitée au Moyen-Age en Normandie et Picardie , mais surtout en Languedoc dont elle fut l’une des richesses économiques , ce sont ses feuilles que l’on broit dans des moulins pour obtenir une teinte bleue si appréciée.

@ le safran : Crocus sativus) : le safran, à la fois épice et plante tinctoriale, est une plante bulbeuse à fleurs mauves (famille des Iridacées), dont les stigmates rouges possèdent de puissantes propriétés colorantes.

@ la garance : (Rubia tinctorium) : plante herbacée vivace, de la famille  des Rubiacées, dont les rhizomes contiennent un pigment rouge, très utilisé de 1829 à 1814 pour l’armée française pour teindre les pantalons d’uniformes d’infanterie (le fameux rouge garance).

@ le rocou :  (Bixa orellana), rocou, urucum ou annato : le rocouyer, arbuste originaire d’Amérique tropicale, est connu depuis longtemps pour ses graines rouges, qui permettent d’obtenir différentes nuances d’oranges et de rouges. Les Indiens d’Amérique, notamment, l’utilisaient pour leurs peintures corporelles. Le rocou est encore aujourd’hui un colorant alimentaire très courant (mimolette, livarot, filets de haddock, chips, crèmes dessert…).

@ le henné : un arbuste épineux bien connu des élégantes du Magreb dont les feuilles contiennent un pigment brun-rouge destiné surtout à la coloration des cheveux et au tatouage féminin .

@ la persicaire à indigo :  ou renouée des teinturiers , plante annuelle de la famille des Polygonacées, originaire d’Asie, est l’une des principales sources de bleu en teinture, le pigment étant extrait de ses feuilles (et non de ses fleurs, qui sont de couleur rose). 

@ le noyer : l’enveloppe charnue des noix encore vertes donne un pigment très puissant de couleur brun rouge sombre qui sert à fabriquer le brou de noix et est utilisé en ébènisterie pour colorer les bois ..

Mais encore : @ le coreopsis , le souci officinal , le Cosmos sulfureux, le curcuma,les lichens…etc… 

De nos jours , un regain d’intérêt  pour les plantes tictoriales se fait jour grâce en partie au mouvement écologiste qui préconise le retour aux vertus des plantes naturelles , alternative saine  à des colorants chimiques ayant montré les limites de leur utilisation  . Car en effet, il est maintenant tout à fait reconnu que les dérivés pétroliers utilisés largement pour les teintures et colorants alimentaires, ont un caractère toxique pour la santé et polluant pour l’environnement. .

Elles sont donc désormais de plus en plus utilisées dans la fabrication des cosmétiques et colorants capillaires,  des colorants alimentaires,  pour la teinture des bois d’ébènisterie et de différents matériaux ( laines, encres naturelles, tissus de haute-couture).

" Les pigments sont, selon les cas, contenus dans les feuilles (indigotier), les fleurs (safran), les fruits (brou de noix) ou les graines (rocouyer), les racines (curcuma), le bois (bois de campêche), ou encore la sève (dragonnier). Le procédé d’extraction peut être simple (simple décoction de plante), ou très complexe (trempage, fermentation, séchage, mordançage grâce à des sels métalliques…) : parfois, il en aura fallu de l’imagination et des tâtonnements pour arriver à obtenir la précieuse couleur !"

Plusieurs structures  existent aujourd’hui  qui ont pour objectifs de valoriser la couleur végétale , sa commercialisation ,  la culture des plantes , leurs utilisations . En voici quelques unes :

  • Le Jardin Conservatoire de Plantes tinctoriales et l’association "couleur Garance"  au château de Lauris  (Lubéron)

  • le château de Miolans

  • La Maison des arts textiles et du Design à Flavigny

  • le site des "Jardins du Nord"

  • Anjoutinctoria  EARL Les Quatre Saisons, 49120 CHEMILLE

  • Couleurs de plantes, 18 rue de l’Arsenal -17300 Rochefort.

10 réflexions sur « Le renouveau des plantes tinctoriales »

  1. Bravo Mum ! je suis tout comme vous enthousiaste des propriétés des végétaux en particulier colorimétriques et comme toujours on découvre une plante, une couleur, un usage qu’on ne connaissait pas, sans oublier certaines nuances impossibles à obtenir par des procédés chimiques économiques (sauf pâle copie) .
    Entre mille et une occupations dans ma carrière, j’ai travaillé dans le domaine de l’extraction (les appareils) d’un certain nombre de substances y compris parfums, saveurs, pigments, issues du domaine végétal entre autre.

  2. merci de votre passage cher zelectron !
    Dans mon village nous avons créé un jardin d’inspiration médiévale et c’est lui qui m’a donné l’idée de vous parler un peu des ces plantes pas toujours bien connues mais si intéressantes!
    Pourquoi ne nous feriez pas un petit article sur ces techniques et ces machines dont vous me dites avoir été familier ? Ce serait passionnant pour ceux qui comme nous s’y intéressent , ne croyez -vous pas ?
    merci d’avance .

  3. Quel bel article, fouillé, illustré, qui met un peu de sérénité, dans une actualité morose, aux accents menaçants, quand il s’agit de l’International.
    Quel apaisement, chère Mum, nous procure cette lecture.
    Je reconnais là votre Amour de la nature et des jardins, aux fleurs sauvages, qui recèlent des propriétés insoupçonnées et insoupçonnables.
    Si les peintres s’en sont servis pour leur palettes, les phytothérapeutes reviennent eux aussi vers elles, pour soigner sans agressivité, les « bobos » bénins de la vie quotidienne.
    Belle et riche nature!
    Merci pour cet article chère Mum. Je vais le partager de ce « clic » sur facebook.

  4. Très intéressant. Moi aussi, je suis émerveillée par la nature et ses ressources. J’étais hier au jardin botanique du Parc de la Tête d’Or à Lyon et y ai trouvé un apaisement. Les colorants extraits de ces plantes sont-ils utilisables de suite (sans rajout de substance aucune)? Je sais par exemple qu’à la cochenille (insecte) on doit rajouter quelques produits….

  5. Un article superbe, apaisant et enrichissant…
    Tout comme vous [b]MUM[/b] je suis amoureux de la nature et de ce qu’elle nous permet sans cesse de découvrir…
    Merci donc pour cet article et les magnifiques illustrations.

    Amitiés.

  6. @Mum,
    je ne voudrais pas être ennuyeux c’est vraiment très très technique !
    les quelques liens ci-dessous donnent quelques indications pour tout ce qu’on peut extraire des plantes, à titre d’exemple :
    [url]https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraction_(chimie)[/url]
    [url]https://fr.wikipedia.org/wiki/Parfum[/url]
    [url]http://www.aroma-zone.com/aroma/fiche_procede_extractionCO2.asp[/url]
    [url]http://www.linternaute.com/science/technologie/comment/05/parfum/parfum.shtml[/url]

  7. Une autre façon de re-découvrir la nature et les plantes. Merci pour ce bel article qui nous apprend et nous rappelle des souvenirs. Le naturel revenant de plus en plus dans nos vies, il sera ainsi possible de venir piocher vos idées.

  8. Il y a dans cet article confusion entre
    les colorants et les pigments :
    – les colorants sont des molécules plus ou moins
    complexes, les plus stables à la lumière étant
    des complexes metalliques.
    – les pigments sont des systemes cristallins
    qui leur donnent une beaucoup plus grande
    stabilité aux dégradations energétiques .
    On pourrait aussi souligner les vertus
    thérapeutiques de certains colorants naturels
    en particulier le curcuma C.I. 75300 ,
    antiseptique et antibactérien, puissant
    anti-inflammatoire ou les anthocyanes
    des fruits rouges…
    une mine…
    comme une sorte d’Arbre de Vie.

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