Le général Doué déclare la guerre au président Gbagbo

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L’ex-chef d’Etat major veut le départ du Président ivoirien

C’est la « chienlit ». Après l’ex-porte parole de l’armée ivoirienne, Jules Yao Yao, c’est l’ancien chef d’Etat major des Fanci, Mathias Doué, qui a lancé samedi une bombe à retardement sur la présidence. Dans une interview à RFI, il menace de renverser le chef de l’Etat ivoirien, seul problème selon lui sur la voie de la paix, si la communauté internationale ne s’en charge pas.

Les Abidjanais ont d’abord cru à une attaque, samedi, en entendant des détonations retentir en même temps que la nuit tombait sur leur ville. Jusqu’à ce que le ministre de la Sécurité intérieure, Martin Bléou, intervienne en direct à la Radiotélévision ivoirienne (RTI) pour indiquer qu’il s’agissait là d’un feu d’artifice. Le matin même, l’ex-chef d’Etat major des forces armées de Côte d’Ivoire (Fanci), Mathias Doué, avait fait une sortie tonitruante sur l’antenne de Radio France international (RFI) : « J’estime que le départ du Président Gbagbo est la condition unique au retour de la paix en Côte d’Ivoire.

Si la communauté internationale ne veut pas s’engager à le faire partir en douceur, moi, je le ferai par tous les moyens. Bien entendu, cela ne se fera pas sans dégâts », a menacé le Saint-cyrien, pourtant considéré comme un discret, un jour après avoir signé son retour par un communiqué virulent mais évasif.

 

Celui que les Ivoiriens appellent « le Chinois » – il a été attaché de défense à Pékin, puis à Tokyo, au début des années 1990 – a été limogé en novembre 2004 suite à l’échec de l’opération « dignité ». Il s’était depuis terré dans un mutisme complet. Samedi, il a assuré que tout est « déjà établi » et qu’il bénéficie d’une « unanimité » dans la réalisation de ses objectifs, les Ivoiriens étant « fatigués de cette situation de ni paix ni guerre ».

Un processus bloqué

Mathias Doué signe son retour alors que le processus de paix en Côte d’Ivoire est bloqué pour la énième fois depuis le déclenchement des hostilités, le 19 septembre 2003, par les rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). Les élections, programmées au mois d’octobre 2005, mais conditionnées à un désarmement introuvable – il devait prendre fin le 20 août, selon les derniers accords de Pretoria – apparaissent de plus en plus comme un mirage. Marcoussis, Accra I, II, III, Pretoria I, II, le processus est toujours le même : discussions, accords de principe avec échéances, espoirs, échéances dépassées, menaces et reproches réciproques, violences, discussions, accords de principe…

Jules Yao Yao, l’ancien porte parole des Forces armées de Côte d’Ivoire, a précédé son chef d’Etat-major en révélant début août les noms de personnalités proches de la présidence ivoirienne impliquées dans les « escadrons de la mort ». Il avait été interpellé et molesté, selon lui, à la sortie d’un dîner à l’ambassade de France, dans la nuit du 28 au 29 juin, en compagnie du général Laurent M’Bahia et du colonel Désiré Bakassa Traoré. Ce dernier décèdera le lendemain de « mort naturelle », selon les autorités militaires.

Des élections sans Gbagbo

Dans son argumentation, Mathias Doué reproche au Président Gbagbo et à son entourage de chercher à se maintenir en préparant la guerre civile : « Il suffit de voir les articulations et les déclarations sur le terrain pour le voir », explique-t-il. Dans ce sens, il appelle à la mise au pas des « escadrons de la mort », dont il affirme avoir été victime, et regrette l’importance prise par les « milices et forces parallèles » par rapport à l’armée régulière. Précision de taille, des élections organisées en la présence de Laurent Gbagbo « ne constituent pas une voie de sortie » pour le général de division. Et son départ doit précéder « toute élection dont les résultats devront être acceptés par tous ». Le discours est le même que celui des Forces nouvelles (FN), « totalement impliquées dans [le] combat » de l’ex-chef d’Etat major, selon lui.

En visite à Pretoria (Afrique du Sud) auprès du Président sud-africain Thabo Mbeki, médiateur dans la crise ivoirienne, le chef des FN, Guillaume Soro, s’est dit « heureux que le général Mathias Doué ait pris ses responsabilités. Pour qu’il y ait des élections démocratiques, transparentes et ouvertes à tous, il faut que le principal obstacle, d’abord à la paix et ensuite à la réconciliation, qu’est Laurent Gbagbo, soit écarté », a-t-il commenté, repris par Le Nouveau réveil. Dimanche, le Général Philippe Mangou, chef d’Etat major des Fanci, a regretté auprès de la RTI que le général Doué se soit « mis en rupture de ban avec l’institution militaire ».

Tout en appelant les Ivoiriens à la sérénité et à la vigilance, il a garanti que « les forces de défense et de sécurité continueront à assurer leur mission de sauvegarde de la République contre toute forme de menace et d’agression ». Pascal Affi N’Guessan, président du Front patriotique ivoirien (FPI, le parti de Laurent Gbagbo), a déclaré dimanche que le chef de l’Etat restera en place si les élections sont repoussées. Retournant la menace sur Mathias Doué, Bertin Kadet, ex-ministre ivoirien délégué à la Défense et actuel conseiller spécial du Président Gbagbo, a appelé l’Onuci à se saisir « des cas Doué et Yao, ainsi que de leur commanditaire », face à ces « cas flagrants de sabotage du processus de paix ».