La phobie de ma vie!

Aujourd’hui, je suis fière de ce que j’ai accompli.

 

J’ai réussi à réaliser quelque chose  »d’impossible ». Allez supposer que j’ai franchi l’Everest, que j’ai complété un marathon ou bien que j’ai traversé le Québec à la course. Mais non, rien de tout ça. Mais bien plus encore ; j’ai franchi un nouveau pas dans ma vie, qui me permet d’avancer, un tout petit pas qui dans ma vie, est considéré comme une étape importante pour continuer, comme un enfant qui apprend à se départir de sa suce, moi aujourd’hui, j’ai appris à laisser de côté un objet qui me sécurisait et qui m’apportait beaucoup de réconfort. Ça peut paraitre banal pour vous, mais c’est d’un sac magique dont je parle. Et quand je dis ‘’magique’’, je le croyais magique pour de vrai…

 

Étant victime d’une phobie particulière, je souffre d’angoisse au quotidien. Pas rares sont les moments dans ma journée, où mes croyances, mes pensées et mes sensations physiques ne gèrent pas ma façon de vivre. Il n’y a pas un matin où je ne me dis pas  »aujourd’hui, ça n’arrivera pas ». Je suis prisonnière, jour après jour, de ma capacité à anticiper les événements. Pour faire vite, moi, j’ai peur de  »vomir ». Je place ce mot entre guillemets, car c’est tabou pour mon être tout entier. Mes croyances et mes pensées privent beaucoup trop de choses à ma personne, pour ne pas que ça arrive. Par exemple, j’aimerais bien faire un voyage, mais avec les croyances que j’ai, d’être dans un autre pays, je n’ose même pas y penser. Avec toutes les cultures différentes, la nourriture pas commune, les règles d’hygiène et de salubrité moins sévères, l’eau parfois non-potable, l’avion qui donne des nausées, bref, tout ça ce sont d’énormes craintes pour moi, et ça m’empêche de voyager.

Un autre exemple, je suis très dédaigneuse avec les gens, même avec ma propre mère, car je crois que si je bois dans le verre de quelqu’un et qu’il aurait récemment eu une  »gastro »(tabou), ou qu’il va en avoir une, je vais l’attraper. Je me tiens loin le plus possible des gens malades et des hôpitaux.

Un dernier exemple (car il y en a trop), je n’ai jamais pris de  »brosse », à la limite jamais   »pompette » non plus, en fait, aucun alcool, que ce soit du vin, de la bière ou du fort, ni une simple gorgée simplement pour gouter, n’aura, n’est, et ne sera ingérée par la fille de 23 ans que je suis. Simplement parce que  »alcool » rime effectivement avec  »vomir » (tabou). Et vous devinerez que je ne suis pas une bonne amie quand les gens abusent de la boisson.

Je sais que vous aimeriez me dire d’arrêter de m’en faire pour ça,  »y’a rien là, VOMIR ! », ou bien,  » tu mourras pas ! ». Sachez que nombre de fois que j’ai entendu ces phrases, et qu’à chaque fois je me suis sentie incomprise et seule au monde, et que j’aimerais du plus profond de mon âme pouvoir vivre ma vie en fonction de comment je VEUX la vivre, et comprenez aussi, que j’aimerais ne pas toujours penser à ça, je suis essoufflée d’être autant vigilante à chaque jour.

Je vous explique un exemple d’une journée  »normale » qui fait partie de mon quotidien:

Je me réveille. Je réalise que je me sens bien et je suis prête à affronter une autre journée (j’aimerais dire  »profiter »), et qu’aujourd’hui, je ne serai pas malade (tabou). Je me demande si j’ai faim (car pour moi me nourrir est plus une question de survie, et non par plaisir) et je décide de commencer à préparer mon déjeuner : un œuf brouillé servi avec une toast sera satisfaisant. Je sors la boîte à œufs du frigo et je réalise soudainement que je me sentirais mieux si je regardais la date d’expiration sur le carton, même si j’avais déjà regardé la veille, juste pour faire sûr que ça n’avait pas changé, car manger un œuf pas frais égale maux de ventre égale l’acte tabou.

Mes œufs sont frais! (comme le carton l’indique)

Mais je ne prends pas de chance, une précaution de plus sera nécessaire.

Alors je sélectionne un œuf et je le place dans un bol d’eau, pour m’assurer qu’il se dépose bien au fond du récipient, car tout le monde le sait(ou pas) : un œuf qui flotte égale pas frais et pas frais égale tabou!

Je débute donc la cuisson de mes œufs (très bien cuits, sinon salmonelle).

Vient le temps, après vérification de la date d’expiration, de choisir soigneusement la tranche de pain qui semble la plus fraîche.

Après tout, mon déjeuner était succulent !

Et là, tout dépendamment de ce que j’ai de prévu ou pas dans ma journée, ça peut bien se passer, ou pas…

S’il s’agit d’aller manger chez quelqu’un ou au restaurant, ne vous imaginez pas qu’avec toutes les précautions que j’exécute pour me faire cuire un simple foutu coco, que je vais sauter de joie et foncer comme une guerrière face à l’idée d’aller manger ailleurs, car il me sera impossible de faire mes vérifications de dates, ou bien mes tests de fraîcheur. Mais je finis une fois sur quatre à ne pas trouver d’excuse pour refuser l’invitation à souper au resto, alors je m’y rends, en anticipant la scène horrible qui se déroule librement dans ma tête. Au restaurant, je prends soin de me  »choisir » un plat sans viande, sans produits laitiers (lait, fromage, crème) et sans plaisir à le manger, on va se le dire. Donc je finis la plupart du temps, à prendre avec enthousiasme la seule possibilité que m’offrent mes critères, le plat de pâtes aux légumes et huile d’olives, humm ! ou la soupe, la simple soupe.

Je finis malgré tout à commencer à me sentir pas bien, parce que dans mes légumes, une des carottes n’avait pas la même texture que d’habitude.

Et ça commence !  »Je vais être malade, car la carotte n’avait pas l’air fraîche ». J’ai cette pensée-là qui résonne dans ma tête, non-stop. Rien à faire pour que ça passe. Les symptômes habituels d’angoisses et de peur commencent à m’envahir chacun leur tour. J’ai mal au ventre. J’ai la bouche sèche et j’avale sans arrêt avec difficultés, la salive inexistante qui ère dans ma bouche. Je commence à avoir des tics. Je joue avec mes doigts comme pour me changer les idées, je tousse et je me racle la gorge, je fixe des objets(ou des personnes) autour de moi, comme pour centrer mon attention ailleurs que sur ma pensée anxiogène. Je ne réponds pas si on me parle, car je n’entends juste que  »je vais être malade, car une des carottes n’était pas fraîche », je suis concentrée à essayer de respirer, j’ai des bruits qui viennent d’outre-tombe qui s’activent dans mon œsophage que tout le monde entend, j’ai froid, je divague, mon corps ne m’appartient plus, bref, imaginez la scène, entre vous et moi, même si mon ultime but est que tout ça ne se remarque pas, ce n’est pas le summum de la discrétion, et j’ai déjà parue plus saine d’esprit qu’à cet instant-même.

Et même si à ce moment-là, vous votre vie est belle, la mienne devient un calvaire pour les vingt prochaines minutes.

Et la seule chose qui peut améliorer mon sort dans un instant de crise, c’est un sac magique.

Je ne sais pas si c’est une fierté de vous mentionné que j’en traîne un dans mon auto, en plus de celui qui reste chez moi, et en plus de celui que je laisse au travail. Et en plus de celui électrique, au cas où il me serait impossible de me trouver un micro-onde : le sac magique ne veut surtout pas rater l’occasion de me porter secours. La chaleur et le bien-être qu’il procure à mon ventre (plutôt à ma tête) est instantané. Je ne sais pas de quelle façon (autre qu’un placebo) il agit sur moi, mais ça fonctionne en tout cas. Aussitôt mis en place, comptez deux à trois minutes maximum et je redeviens normale. Le truc, c’est de le serrer dans ses bras pour le coller plus fort sur son ventre et c’est comme ça qu’il transmet sa magie je crois. Et je ne peux pas m’endormir sans lui, alors je me lève autant de fois que ça prendra avant de m’endormir, pour le remettre un deux minutes et demi au micro-onde. Mais deux minutes c’est quoi pour un gros quinze minutes de chaleur réconfortante! Et je finis par m’endormir sur une belle note : une autre belle journée sans être malade.

 

Mais arriva la chose qui devait arriver! Comme quand j’avais trois ans et demi, et que la vie en a décidé ainsi pour moi : j’étais encore très attachée à ma suce (oui je sais, inutile de me dire que j’étais rendue grande pour une suce), mais j’ai dû me résonner à y mettre un terme le jour où, en canot sur un lac, je l’ai laissée m’échapper en regardant dans l’eau, elle y est tombée, et y a sombré, sous mon regard triste mais résigné de petite fille que j’étais, qui acceptait la situation à laquelle la vie m’avait obligé à faire face.

 

Et aujourd’hui, j’ai revécu le même sentiment. De me sentir abandonné par une partie de moi, mais en acceptant tout de même l’imprévu, lorsque la magie a décidé de brûler au micro-onde, au lieu de m’apporter une fois de plus son réconfort, quand j’en ai eu besoin, en me laissant dépourvue à moi-même. Suite à l’incident, j’ai dû passer au travers toute seule. Ça a pris un peu plus de temps, l’expérience s’est avérée être un peu plus périlleuse, mais je m’en suis sortie, même sans ce sac de riz, qui n’est ni plus ni moins qu’un sac de grains de riz, sans véritable magie. À moins qu’au fil du temps (et je vais continuer d’y croire), il m’a transmis toute la magie qu’il possédait, avant de rendre l’âme, car aujourd’hui je sens que j’ai de nouveau la force de ne pas baisser les bras et je sais que je peux passer au travers avec simplement les outils que ma propre personne m’apporte.

Repose en paix sac magique, pour moi tu resteras toujours digne de ce nom.