La flamme vacillante de l’Olympisme

Au milieu de la cacophonie ambiante mieux vaut en préambule rappeler tout d'abord quelques fondamentaux comme dirait Bernard Laporte.
Grosso modo si on veut faire simple, on résumera la Charte autour de quelques mots : respect des principes éthiques, développement harmonieux de l’homme, promouvoir une société pacifique, préserver la dignité humaine, cinq continents, droit de l’homme, sans discrimination, discrimination incompatible…

Ne nous leurrons pas, ces principes sont désuets depuis belle lurette et voilà quelques décennies que la virginité de l'olympisme n'est qu'un leurre.
La faute d'abord au CIO qui n'a pas manqué de se distinguer dans de vastes et lucratives affaires de corruption.
La faute aux pays participants qui ont souvent fait dépasser le simple cadre sportif à cet évènement planétaire, vitrine de tous les excès.


La faute aux sportifs aussi qui ont bafoué les règles au-delà du raisonnable, le nombre de champions olympiques convaincus de dopage et autres tricheries n'a d'égal que le nombre de ceux qui ne se sont pas faits prendre : le comité olympique américain a ainsi reconnu en 2003 que, depuis les années 80, 24 athlètes ont gagné des médailles olympiques après un contrôle positif laissé sans suite. Il faut y ajouter les neuf contrôles positifs mystérieusement disparus lors des JO de Los Angeles…

La faute aux médias qui ont délaissé la Charte et ses valeurs pas assez sexy et vendeur. La performance à tout prix, le spectaculaire comme devise au nom de l'audimat se sont imposés à tous.
La faute au poids prédominant des sponsors qui depuis Los Angeles décident des JO, de leurs lieux comme de leurs déroulements.

Alors aujourd'hui nul besoin de se draper dans son indignation, d'un côté comme de l'autre d'ailleurs. Pour les pros-JO, ce grotesque parcours de la flamme aux allures de longue et pénible marche, préfigure des réjouissances à venir à commencer par une cérémonie d'ouverture qui sera à n'en pas douter digne d'un Congrès du PC… Ne pouvaient ils s'en passer ? Les sportifs professionnels peinent à s'exprimer et on les comprend. Ils sont juges et parties. Les politiques jouent la carte de l'émotion tout en préservant les contrats économiques. Les médias attendent de voir la tendance avant d'aller dans le bon sens. Quand aux boycotteurs ils se réveillent bien tard et agissent sans guère de discernement et d'originalité.

Le spectacle pitoyable d'une flamme protégée par 3000 policiers à Paris n'en reste pas moins un juste état des lieux du moment que cela plaise ou non.
L'inénarrable Bernard Laporte a pu lâcher un remarqué "les défenseurs des droits de l'homme ne respectent pas les autres" qui ne manque pas de saveurs…
Jean-Claude Killy, l'homme qui a endetté la Savoie sur plusieurs générations et membre du CIO, défend vaillamment même le choix de 2001 :
"Je l'ai pensé il y a sept ans et je continue de le penser: je ne pense pas qu'on puisse faire avancer les choses sans communication, sans exposition, sans main tendue, sans comprendre l'autre. Il y avait une décision à prendre. Le CIO l'a prise de manière magnifique en attribuant les Jeux à la Chine; et ainsi mettre la lumière sur cette partie du monde, je trouve ça adéquat."
Pour marquer le coup, l'ami de Jacques Chirac, David Douillet s'est fendu d'un badge "Pour un monde meilleur". Dingue. Paraîtrait même que les sportifs français oseraient le porter lors de la cérémonie d'ouverture. Ouaaahhh. Les Black Panthers n'ont qu'à bien se tenir car voici les Blue badgés arrivent !

 

Ce n'est pas au sportif de faire de la politique certes, et on leur pardonnera leurs incohérences. On regrettera juste qu'ils veulent nous faire croire que l'Olympisme incarne encore quelque chose d'autres qu'un évènement marketing mondial. L'ami Dacoury peut se plaindre "C'est lamentable parce que nous, sportifs impliqués comme nous le sommes dans la défense des valeurs de l'olympisme, de la paix, de la fraternité, sommes un petit peu déçus de ce qui se passe". Peut être. Mais l'ancien basketteur se jette de jolies fleurs que tous ne méritent sûrement pas… Lui même brillamment détenteur d'un master de la chaire de Marketing Sportif de… l'ESSEC parle plutôt business même quand il pige comme consultants à la télévision. Facile de faire le beau au milieu des amateurs !
Au-delà ce sont bien les politiques qui n'auront rien réglé et se font tout discret, qui ne méritent pas de médailles…

L'attribution était une erreur politique mais une aubaine économique pour Coca-Cola et Mac Donald. Comme pour la Chine qui a ainsi bénéficié d'une manne inimaginable. Tout comme le CIO d'ailleurs quand l'on sait que les seules licences de fabrication de produits made in JO 2008 lui rapporteront 70 millions de dollars. Alors peu importe si les entreprises locales ont recours à la main d'oeuvre infantile, à des conditions d'hygiène et de sécurité insuffisantes, des horaires à rallonge, des salaires de moitié inférieurs au minimum légal… comme le dénonce la Confédération syndicale internationale. C'est pour la bonne cause.

 Et comme c'est l'économique qui régit le sport aujourd'hui, pourquoi s'étonner ?
Les 6 millions de Tibétains peuvent bien avoir la décence de laisser les Jeux se dérouler, il n'y a pas plus beau symbôle de Paix parait-il. Et puis ils attendent depuis tellement longtemps….
Quand aux anglais, la patrie du fair-play ne fait pas dans le détail : "Nous ne boycotterons pas les Jeux olympiques. La Grande-Bretagne participera à la cérémonie d’ouverture " dixit le Premier Ministre. Sûrement soucieux de préparer au mieux les JO de 2012 à … Londres et peut être aussi en souvenir de Sir Francis Edward Younghusband, ce Lieutenant-Colonel de l'Armée Britannique qui imposa le protectorat de son pays au…. Tibet en 1904.

1904, une année olympique, quel signe !
et quels Jeux ! à Saint Louis aux Etats-Unis : 15 sports et 91 épreuves, 651 athlètes dont… 6 femmes. Des anecdotes savoureuses rapportées comme "Durant le marathon, Thomas Hicks reçut deux injections de strychnine et se désaltéra au Cognac. Il franchit la ligne deuxième, en titubant, mais fut déclaré vainqueur après la disqualification de Fred Lorz qui avait couvert une partie de l'épreuve en voiture."

Mais surtout ces Jeux restèrent comme ceux contenant des journées "anthropologiques", compétitions à caractère raciste réservées « aux représentants des tribus sauvages et non civilisées ».
C'est pourquoi la France n'y participait pas. Et oui Messieurs Laporte, Douillet, Dacoury, Killy et consorts, à l'époque celui-là même qui relança les JO des temps modernes et créa le CIO, Pierre de Coubertin s'insurgea de «cette mascarade outrageante qui se dépouillera naturellement de ses oripeaux, lorsque ces Noirs, ces Rouges, ces Jaunes apprendront à courir, à sauter, à lancer et laisseront les Blancs derrière eux. »

 

Le controversé Baron avait su dire non.
Aujourd'hui ils vous laissent messieurs en héritage ce message testamentaire que vous semblez avoir bien du mal à porter tout à vos égos, à vos réussites professionnelles ou carrières politiques :

« L'important dans la vie ce n'est point le triomphe, mais le combat, l'essentiel ce n'est pas d'avoir vaincu mais de s'être bien battu »