Pourquoi ce pouvoir pose problème

Après la neurasthénie chiraquienne, la frénésie sarkozyste ! Aux excès d’un roupillon trop longtemps prolongé, répondent désormais ceux d’un activisme brouillon, d’un tourbillon d’images et de mots dont on est vite saoulé, au point d’être tenté de s’en abstraire. Sauf qu’il s’agit du pouvoir qui nous gouverne, et qui est censé nous représenter…Or, autant le dire franchement, ce pouvoir pose problème. Un problème de style ? Non, Sire, un problème de fond. Car ce qui est en cause, ce n’est pas seulement la « bling-bling attitude » d’un Président qui aura réussi à désacraliser la fonction présidentielle en seulement quelques mois. Les dérives de Celui qui nous gouverne sont en réalité plus graves. Petit passage en revue de ce qui crée le malaise…

1) Les fondamentaux de la République ébranlés Tout d’abord, on ne peut que regretter la tournure que prend parfois le débat démocratique, littéralement hystérisé par les affidés du Président. Le placide François Fillon estime ainsi que la gauche crée « un climat de guerre civile » : qui a vu François Hollande au moins une fois dans sa vie à la télévision ne peut que se gondoler… Un peu moins toutefois lorsqu’il entend la toujours classieuse Nadine Morano accuser la gauche de se mettre « du côté des assassins », ou lorsque l’hyper consensuel « Appel républicain » de Marianne est renvoyé au stalinisme ou au fascisme (sic).Les fondements du droit français, issus en partie de la philosophie des Lumières, sont aussi attaqués.

La fameuse loi sur la rétention de sûreté acte ainsi le fait d’enfermer un détenu ayant purgé sa peine, non pour ce qu’il a fait mais pour ce qu’il risque de commettre. Et encore, le texte a failli être rétroactif, rompant avec ce pilier du droit qui est l’impossibilité de condamner quelqu’un pour le non-respect d’une loi pas encore promulguée au moment des faits. Quant aux peines-planchers concernant les récidivistes, elles heurtent le principe d’individualisation des peines. Or, il y a parfois plusieurs mois, voire plusieurs années entre un délit et son jugement. Même l’individu ayant donné des gages certains de réinsertion entre-temps devra donc purger sa peine minimale, parfois en prison, quitte à replonger dans le cycle de la délinquance.

Défendre ces principes, ce n’est pas faire de la bien-pensance, ni se mettre du côté des assassins et des violeurs, c’est vouloir sauvegarder un Etat de droit. Nicolas Sarkozy, qui a souvent insisté sur le respect des règles, devrait apprendre que tout n’est pas permis, au prétexte que l’on a obtenu un succès dans les urnes. Une remarque qui nous amène vers le problème majeur : la monarchisation du régime. On nous répondra qu’une Commission Balladur (parmi les 3752 créées depuis le mandat…)  a proposé des pistes pour revaloriser le Parlement. N’empêche, depuis l’accession de notre Prince-Président au pouvoir, ce que l’on voit, c’est un homme, un seul, qui décide de tout, qui s’occupe de tout, depuis les pêcheurs du Guilvinec jusqu’à une hypothétique « politique de civilisation », d’ailleurs déjà tombée aux oubliettes.

Prenons l’exemple de la suppression de la pub à France Télévisions (une bonne idée, au demeurant !). Dans quel autre pays démocratique un Président aurait pu prendre cette décision seul, sans que ni le gouvernement ni les parlementaires ne soient au courant, simplement pour s’offrir un petit orgasme médiatique devant un parterre de journalistes ? Dans quel autre pays démocratique encore les conseillers du chef de l’Etat, qui ne sont responsables devant personne de la politique du pays, l’annoncent et la commentent à tort et à travers dans les médias ? Y en a-t-il un autre où un texte, parce que le chef de l’Etat en a été ému aux larmes, est donné à lire à tous les lycéens ?

Enfin, comment ne pas évoquer cette responsabilité majeure de Nicolas Sarkozy, qui est d’avoir déterré la hache de guerre de la loi de 1905 sur la laïcité ? Selon lui, contrairement à la morale religieuse, celle de la République ne saurait distinguer le bien du mal. Ceux qui se sont fait trouer la peau pour elle, contre l’oppresseur ou l’occupant, apprécieront. Surtout, il revient à la charge en laissant entendre que l’espérance religieuse peut cimenter la société, ce qui est un moyen bien commode de se débarrasser des problèmes de justice sociale en pariant sur le rôle intégrateur des religions, mais aussi un risque de laisser du terrain à certains obscurantistes qui n’attendent qu’une brèche pour s’y engouffrer.  

 

2) Une politique économique et sociale aberrante Le slogan « Travailler plus pour gagner plus » a fait des ravages pendant la campagne. Pourtant, il s’agit d’une vaste mascarade. Premièrement, cette mesure profitera surtout aux salariés à temps complet,  mais pas (ou moins) à ceux qui ont le plus souffert en termes de pouvoir d’achat : les salariés précaires ou à temps partiels. Deuxièmement, l’allongement de la durée individuelle du travail ne permet pas l’enrichissement d’un pays. Travailler plus est une spécialité des pays pauvres (Mexique, Turquie…) !

Le niveau de richesse par habitant des pays de l’OCDE est avant tout lié à la productivité (« travailler mieux »), puis à un fort taux d’emploi (« travailler tous »). « En revanche, cette richesse est dans l’ensemble inversement proportionnelle à la durée du travail »[1] ! On évoquera aussi le fameux « paquet fiscal » de l’été, en réalité « paquet cadeau » à quelques ménages parmi les plus riches, qui n’aura pas créé le « choc de confiance » attendu, et aura été l’occasion d’un gaspillage des deniers publics, alors que sur tant de dossiers (universités, banlieues…) les crédits sont comptés. Inefficacité économique, injustice sociale, voilà qui est fort ! On en profitera pour rappeler ici aussi, que le lien entre croissance économique et baisse de la fiscalité des tranches supérieures n’a jamais été prouvé…c’est plutôt le contraire qu’on observe !

Terminons sur le sujet en rappelant que les franchises médicales sont désormais en vigueur, qui augmentent le « reste à payer » à charge du malade. Ce qui prolonge et accentue une évolution préoccupante, celle de la remise en cause de l’assurance maladie, où les bien-portants sont censés payés pour les malades. De plus en plus, ce sont les malades qui paient pour les malades, les personnes handicapées faisant notamment partie des plus vulnérables quant à la réforme des franchises.« Chacun pour soi et Dieu pour tous », voilà qui ferait un bon slogan pour Nicolas ! Car plus globalement, tout cela illustre le cheminement vers une société dure aux faibles et douces aux forts. On est tatillon avec les titulaires des minima sociaux, mais on demande toujours moins d’efforts aux détenteurs de gros patrimoines, et on ne cherche surtout pas noise à ceux qui se rémunèrent à coups de plusieurs siècles de Smic. Les résultats se dégradent dans la lutte contre les délinquants étrangers, mais on met la pression pour expulser le plus de familles sans papiers pour remplir les quotas fixés…même François Léotard en est choqué[2] !  

 

3) Politique étrangère : quand notre Président nous fait honte Le candidat promettait une diplomatie des droits de l’homme totalement illusoire, impossible à mettre en œuvre. Etait-il nécessaire pour autant de nous offrir ces séquences, dont certaines nous ont fait honte, parce que cet homme est censé nous représenter ? A savoir cet incroyable discours de Dakar, où Sarkozy s’est essayé à disserter sur l’hypothétique « homme africain », recyclant des préjugés essentialistes, à la limite du racisme, que l’on croyait engloutis avec la fin de l’époque coloniale.

A savoir encore l’accueil complaisant fait à Khadafi, devant lequel notre Sarko « sans tabou » s’est transformé en Sarko « carpette », le laissant nous donner des leçons de démocratie (la Libye étant l’un des Etats les plus totalitaires du monde), et tenir des propos plus que douteux sur Israël, dont le Président est censé être « l’ami ». A savoir surtout, le discours de Riyad en Arabie Saoudite. Poursuivant dans sa veine bigote, Sarkozy a tenu à dire que la monarchie saoudienne pouvait contribuer à la « politique de civilisation ». Oui, il a parlé en votre nom, au nom de tous les Français, celui qui a apporté une caution au régime wahhabite ! Un régime qui promeut à travers le monde un islam intégriste et sectaire, qui fait honte à la plupart des musulmans, un régime qui a financé le terrorisme, discrimine les femmes, et ne rechigne pas à l’application rétrograde de la charia (avec châtiments corporels à la clé, comme peuvent en témoigner des victimes de viol…condamnées à la flagellation !).

Les Allemands, les Espagnols, les Anglais pratiquent la Realpolitik, mais ne sont pas encore abaissés à une telle indignité.  Face à Lui…quoi ?  Au soir de son élection, Sarkozy était presque rassurant. On entendait déjà les sarcasmes de ses partisans, pour qui toute critique un peu vive s’apparentait à une diabolisation de l’homme. Il est vrai que Sarkozy n’était et n’est toujours pas ni l’idéologue illuminé, ni l’apprenti fasciste que certains radicaux ont tenté de décrire. Mais ceux qui ont mis en garde contre son narcissisme maladif, contre son projet d’une société atomisée et individualiste, contre sa rupture avec le gaullisme (indépendance face aux Etats-Unis, méfiance envers les puissances de l’argent…), tous ceux-là avaient raison ! C’est pourquoi une opposition forte est plus que jamais nécessaire. Or, tout est à reconstruire ! 


[1] (source : Alternatives Economiques)

[2] (source : Nouvel Obs)

6 réflexions sur « Pourquoi ce pouvoir pose problème »

  1. L a politique Française c’est toujours passée de moi qu’elle se rassure,je n’ai pas besoin d’elle!!!
    Bonjour citoyen Fabien.
    Je suis Français et je me fous de cette nation de tocards.Il y a bien longtemps que ma carte d’électeurs est partie en fumée.Tant cette monarchie restructurée et consolidée par les tenants du grand capital et ces psychopathes de la finance me les brisent menues!!!
    Nos dirigeants se foutent pas mal du peuple,le principal pour eux consiste a mener leurs existences sans trop d’embuches pour eux memes et leurs proches!Savent se préserver ces descendants d’aristos,de parvenus.Ces anciens gosses de familles aisées a qui ont leurs a inculqués trés tot comment duper la faune d’une nation.A sauvegarder leurs interets et faire en sorte qu’aucune loi,ne puisse entraver leur confortable vie sur le dos du peuple aussi naif et crédule que jamais!!!Là,avec ce type de gouvernement,nous avons atteint en France le paroxisme catastrophique de ce qu’est notre soi disant démocratie.Ce qui pour moi (democratie)ne signifie rien!!!Tout comme le mot (liberté)que signifie t’il dans le genre de société comme là notre???
    Je te colle un texte du groupe Sinsémilia qui résume bien,a mon humble avis de valet de cette nation ce que certains peuvent ressentir tout comme moi.
    Je préfere cent fois:

    On a placé la France
    Sous vidéo surveillance
    Kidnappé l’insouciance
    Entre les barreaux de la méfiance

    Regards fuyants, sourires éteints
    La peur de l’autre au quotidien
    On est plus sauvages que des chiens
    A quoi va ressembler demain ?

    Si pour être en sécurité
    Il faut fermer son coeur à clef
    J’préfère cent fois me faire plomber
    Comme un oiseau en liberté
    Plutôt que de vivre planqué
    Comme, comme, comme le cafard sous un évier

    On a plongé la France
    Dans la bêtise et l’ignorance
    Etouffé l’intelligence
    Sous les dossiers de la finance
    Cerveaux branchés sur la télé
    Nos idées sont téléguidées
    Même les enfants sont abrutis
    Qui va censurer la connerie ?

    Si pour être quelqu’un de censé
    Il faut mettre sa tête aux normes
    J’préfère cent fois être cinglé
    Comme la tempête, le vent, la marée
    Plutôt que d’être sans intérêt
    Comme, comme, comme un ciel triste et tempéré

    On a connu en France
    L’insurrection, la résistance
    Reste aujourd’hui la bonne conscience
    Grâce aux oeuvres de bienfaisance
    On est rangés et bien pensants
    Charitables de temps en temps
    Le monde peut baigner dans le sang
    La police protège nos enfants

    Les voitures crament dans les banlieues
    Les braves gens trouvent ça scandaleux
    C’est pourtant la règle du jeu
    Qui sème la haine récolte le feu

    Si pour être civilisé
    Il faut mettre sa vie en cage
    J’préfère cent fois être un sauvage
    Au risque d’attraper la rage
    Que d’être sage comme une image
    Je, je, je n’veux pas jaunir avant l’âge

    Alors écoute ça : Not’ civilisation ne cesse de s’enfoncer
    Matériels uniquement sont les progrès
    Les richesses humaines en bourse ne sont pas cotées
    Méprisées, gaspillées depuis tant d’années

    L’exemple Américain partout s’est imposé
    Mais sur la route du Paradis le diable peut-il nous guider
    Le monde qui s’construit auprès des studios Disney
    Apocalypse Now serait plus approprié Espérer me semble de plus en plus dur
    Tant j’ai l’impression qu’on fonçe direct dans le mur
    Pour dire vite, et pour conclure
    J’ai vraiment peur pour notre futur …
    Salut Fabien.

  2. Un seul espoir: Jésus-Christ !
    Réaction constat validé : « Not’ civilisation ne cesse de s’enfoncer
    Matériels uniquement sont les progrès
    Les richesses humaines en bourse ne sont pas cotées
    Méprisées, gaspillées depuis tant d’années
    L’exemple Américain partout s’est imposé
    Mais sur la route du Paradis le diable peut-il nous guider
    Le monde qui s’construit auprès des studios Disney
    Apocalypse Now serait plus approprié Espérer me semble de plus en plus dur
    Tant j’ai l’impression qu’on fonçe direct dans le mur
    Pour dire vite, et pour conclure
    J’ai vraiment peur pour notre futur … « 

  3. un peu de poésie… ça change

    merci !

    belle nuit étoilée à vous !

    tiens… en parlant d’étoile… et vu que je suis rentrée très tard, j’ai observé le ciel:

    avez-vous remarqué un point très lumineux assez bas dans le ciel… je ne vois pas ce que c’est.

    Je me demande si ce n’est pas la station spatiale internationale?

  4. @ fabien
    Nous sommes, je le pense, à la veille d’un nouveau Mai 68… Il sera plus dur que mai 68, puisque le déclanchement proviendra de ces salariés, chômeurs, retraités, syndiqués ou non, qui descendront dans la rue pour demander l’augmentation du pouvoir d’achat…

    Le Président Sarkozy n’est pas responsable de la stagnation des salaires, des pensions de retraite, des allocations de chômage, des minima sociaux : il est responsable de n’avoir rien fait pour les augmenter !
    Le Chef de l’Etat n’est pas responsable de l’augmentation des prix à la consommation : il est responsable de n’avoir rien fait pour que ces prix n’augmentent plus !
    Le Chef de l’Etat n’est pas responsable du trou de la Sécurité sociale : il est responsable de cette mauvaise politique qui consiste à rendre, grâce aux franchises médicales, les malades comptables de leur santé, les acteurs de santé, comptables des soins qu’ils sont obligés de prodiguer…

    Pire encore, le Chef de l’Etat est responsable de cette forfaiture, qui a consisté à ne pas prendre en compte le « Non » des Françaises et des Français lors du Projet de Loi référendaire et constitutionnel portant « Autorisation de création d’une Constitution pour l’Europe »…

    Bref, tout va mal… Il se pourrait qu’on assiste à des élections législatives anticipées : là, il se pourrait qu’il y ait cohabitation « non désirée », ce qu’en aucun cas, ne pourra éviter un Régime de Quinquennat présidentiel (bien que beaucoup prétendent le contraire) !!!!

  5. @ DOminique

    Presque un an plus tard …. Je découvre ce site et cet article + commentaires.

    J’avais 26 ans quand j’étais certain que nous allions aboutir vers un nouveau mai68. J’y croyais dur comme fer, je l’attendais, je l’espérais. J’en ai 34 et toujours rien en vue.

    J’ai fini par me désintéresser de l’immobilisme politique alors que je passais des journées à étudier les textes et le fonctionnement de notre démocratie. A 29 ans, j’ai tourné le dos à tout ça, je n’y suis revenu que pour le référendum sur l’Europe, j’ai voté « non » car je pensais que ce texte allait figer pour de très nombreuses années un fonctionnement anti démocratique de l’Europe. ET je suis reparti.

    Je m’intéresse à nouveau à tout ça, mais de loin, j’aime bien garder mes distance avec la politique … J’ai compris avec le temps qu’il faut comprendre la politique pour mieux comprendre d’où le coup peut venir et ainsi prendre ses dispositions pour éviter d’en subir trop durement les conséquences.

    Quand au nouveau mai68, je n’y crois pas. J’ai vécu dans les pays du tiers monde (Amérique Latine). Tu serais étonné de constater ce que l’humain peut endurer sans se révolter.

    Ce qui me révolte le plus c’est de voir à quel point nous sommes, en France, un peuple riche de talents et d’idées. Un peuple qui en général, dès qu’il part à l’étranger, explose de réussite dans tous les domaines ! Mais nous sommes incapables de capitaliser sur ces talents.

    @réaction constat :

    Il faut arrêter de dire que les français sont des veaux et des imbéciles,c’est faux. Il n’y a rien de plus mensonger et de plus méprisable que notre faculté extraordinaire à nous cracher à la gueule les uns les autres et à considérer, comme c’est souvent le cas, que le gros des gens est incapable de réflexion. C’est tout le contraire en vérité.

    Le français est une personne alerte, réfléchie et extraordinairement capables. Nos grandes écoles commerciales ont fait du management de la complexité l’avantage compétitif de nos diplomés !!!! Nous avons une capacité extraordinaire à comprendre vite, là ou d’autres ne voient rien. ET sitot que nous partons de ce pays nous explosons et réussissons à un degré que l’on ne croyait même pas possible.

    Dans ce pays on ne donne jamais de chance à personnes car nous avons dans nos administrations (publiques et privées) favorisé cette culture de la défiance et du « no risk « . On cultive le mythe qu’il y a des choses qui sont inaccessibles à la plupart mais ce n’est rien d’autre que de la foutaise, et en majorité les français y croient. Et putain moi ça me révolte encore aujourd’hui !

    Tiens au fait Sinsemilia, c’est une francisation des mots espgnols : « sin semilla » qui traduits veulent dire : « Sans graine » ou « sans racine »…

    @Fabien :

    Que te dire ? peut être ça : Continue mais fais gaffe ; ne t’essouffle pas !

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