Curieux titre, non ? C’est plutôt de la propagande extérieure pour ou contre Israël ou le sionisme ou la cause palestinienne dont il sera ici question. Vieille antienne. Alors que la presse se porte assez bien en Israël même, et que l’indépendance de ses principaux médias semble parfois plus évidente qu’en d’autres pays censés la garantir, le traitement d’Israël à l’étranger autoriserait toutes les exagérations ? Un petit exemple avec les incidents de Kiryat Malachi.

J’ai failli tomber dans le panneau. Un courriel provenant d’un certain Kalahasch, via Le Post (.fr) me signale que sa contribution, intitulée « la ville israélienne de Kiryat Malachi jumelée à Rueil-Malmaison exclue (…) les juifs d’origine éthiopienne », aurait été supprimée mais qu’il serait parvenu à la rétablir. J’allais réagir au quart de tour, reprendre, en le résumant, son texte, et moi aussi interpeler le maire de Rueil-Malmaison, Patrick Ollier, compagnon de Michèle Alliot-Marie.
Et puis, je me suis dit qu’il valait mieux attendre de voir à voir ce que les autorités (départementales, régionales ou nationales, je ne sais) israéliennes feraient à propos de cet incident.
Bien m’en a pris.

Climat de tension

Qu’il y ait un climat de tension à Kiryat Malachi est indéniable. Le Jerusalem Post rapportait hier que 18 vandales s’en sont pris à des véhicules, bombant des slogans haineux dans la nuit de dimanche dernier, sur des voitures.

Les véhicules visés appartenaient à des Israéliens originaires d’Éthiopie (ou descendants de parents réfugiés d’Éthiopie).

Mais aussi, ce qui sera sans doute (je prends sans trop de risque les paris) ignoré ou minoré, à des haredim, soit ces israélites ultra-religieux qui défrayent régulièrement la chronique en Israël.

Comparons maintenant la version Kalahasch du fait principal, et celle du Jerusalem Post. Pour Kalahasch, « la municipalité de kiryat Malachi a voté mardi un accord interdisant de louer ou de vendre la moindre propriété aux Israéliens de descendance éthiopienne. C’est curieux, on n’a pas vu la moindre réaction de M. Patrick Ollier, maire de Rueil Malmaison (92) jumelée avec cette charmante ville raciste… ».
C’est aller un peu vite en besogne.
Le Jerusalem Post, pour sa part, fait état d’un accord de copropriété, soit d’un conseil syndical. Car  « cette localité assoupie a retenu l’attention après qu’un conseil syndical ait résolu que les Israéliens-Éthiopiens ne pourraient acheter ou louer dans leur résidence. ». Je garantis ma traduction de l’anglais, mais les deux termes essentiels sont “residential committee” et “block”. Faute de photo, je ne sais s’il s’agit d’un seul immeuble ou d’un groupe d’immeubles.

Ce qui ne fait pas toute une ville, ni d’un conseil syndical de copropriété une municipalité, que je sache. Je ne vois donc pas pourquoi le maire de Rueil-Malmaison tancerait son homologue israélien. Des c…, il en est partout, non ? Et si des agressions racistes se produisaient à Rueil, pourquoi donc le maire de Kiryat Malachi devrait-il protester violemment auprès de celui de cette localité des Hauts-de-Seine ?

Tout à l’avenant

Qu’Israël ait perdu de son aura en Europe et ailleurs depuis que les kibboutz qualifiés de socialo-laïcs localement se soient réduits comme peau de chagrin (combien ont survécu ? j’imagine qu’ils se comptent sur les doigts d’une main), c’est indéniable. Que le sort des habitants de Gaza et des territoires palestiniens de, allez, disons Judée-Samarie (sans prise de position sur le sujet) émeuve, soit. À très juste titre. Et non pas que des soutiens de la cause palestinienne, mais aussi des observateurs plutôt favorables à l’existence pérenne de l’État d’Israël. La plupart des Français de culture juive en sont fort conscients, et réagissent diversement, s’opposant selon les cas.
Il y a des c… partout, mais aussi des gens de bonne foi, de mauvaise foi, indécis, &c.

Mais dans le cas présent, il convient de signaler que des Israéliens ont appelé à ce que la décision fasse l’objet de poursuites judiciaires. Le « bloc » en question, du quartier de Bar-Yehuda, comporte 120 familles, mais il n’est pas précisé si toutes ont pris part au fameux vote, s’il était majoritaire ou unanime. Tous ne considèrent pas forcément ces Israéliens-Éthiopiens tels des cafards ou des blattes (cockroaches).

Comme en France, les disparités de mode de vie, et l’accroissement de la pauvreté, se traduisent par des situations de replis communautaires pouvant générer des affrontements ou un climat latent des moins conviviaux.

 

Cela conduit, en Israël comme en France, à des clivages dont certaines organisations politiques entretiennent la portée. Au point de favoriser des lectures totalement différentes et opposées des mêmes faits. Tout semble à l’avenant : on exagère ou minore selon des lignes partisanes.

Raison garder, généralisation exclure

Sur tous les sujets sensibles, tentons de vérifier, sourcer, recouper… et au besoin, prendre son temps… renoncer à « marquer la culotte » d’autres sources, d’autres sites. Ce qui n’implique pas mécaniquement la tiédeur, l’évitement, une cauteleuse prudence. Dans ce cas comme dans d’autres, le racisme indéniable me semble dériver davantage de la pauvreté que de toute autre cause. Rappelons le fait que le sud d’Israël, pendant quelques décennies, était considéré tel un exemple de tolérance entre divers communautés autochtones (juives et bédouines, pour résumer grossièrement) et allogènes diverses d’implantation plus récente. Mais ce « fait » était peut-être une opinion : il est raisonnable de soutenir, à l’inverse de mon opinion, que la pauvreté n’a pas créé des dissensions latentes, mais les a exacerbées. Et rien n’est immuable.

Avant de faire de quelques « juifs » (ou « arabes », ou ce qu’on voudra) le symbole de tous les « juifs » (idem) rappelons-nous de la diversité de l’humain. Je profite de cette anecdote pour évoquer la figure d’Emma Goldman qu’un récent livre (Revolution as a Way of Life, de Vivian Cornick, Yale Univ. Press) remémore. Ses textes traduits vers le français sont loin d’être inaccessibles. J’en conseille amicalement la lecture ou la relecture à Kalahasch et quelques autres, de tous bords… Une pensée radicale et militante peut toujours croître en se préservant de toute tentation de falsification. Que les plus falsificateurs l’emportent un temps ne doit pas faire renoncer.