Ingrid Betancourt transportée sur une civière

 

Consuelo Gonzaléz de Perdomo, la congressiste libérée par les FARC en même temps que Clara Rojas, avait été chargée par ses compagnons d'infortune de transmettre des lettres et des photos à leurs familles. Les époux et enfants des otages, horrifiés par les photos et par ce que leur révélaient ces lettres, en ont lu quelques passages à la presse médusée.

Bien que d'autres otages libérés ou évadés aient déjà fait semblable description, c'est écoeuré que la société colombienne a découvert ce qu'étaient les conditions de vie des séquestrés des FARC, certains aux mains du groupe terroriste depuis plus de dix ans.

Les otages sont enchaînés en permanence par le cou. La nuit, les hommes sont attachés par les pieds à un poteau. Les soldats et policiers qui ne sont pas enchaînés sont enfermés nuit et jour dans des cages.

Un des témoignages les plus poignants est celui du colonel de police Luis Mendieta, otage des FARC depuis plus de neuf ans. Le colonel raconte le calvaire de vivre et marcher sans cesse à travers la forêt, la boue et les rivières dans le climat malsain et au milieu des maladies typiques de la forêt tropicale. Le colonel souffre d'ailleurs d'une paralysie aux jambes qui, faute de soins appropriés, n'a cessé de s'étendre.

« Au début de la maladie, je marchais avec un bâton qui me servait de canne, par la suite j'ai dû recourir à deux bâtons qui me faisaient office de béquilles. Que les voyages étaient pénibles… quand on s'arrêtait, je devais ramper dans la boue pour aller faire mes besoins parce que j'étais incapable de me relever.

« Durant ces longs trajets qui duraient plusieurs jours, moi et d'autres détenus, parmi lesquels Ingrid Betancourt, sommes tombés malades. Comme nous ne pouvions plus marcher, Ingrid Betancourt et moi-même avons été transportés dans des hamacs suspendus à un brancard que portaient deux ou trois de nos compagnons. Ainsi, nos hamacs nous servaient en même temps de lit et de civière. Mes pieds étaient devenus sombres, presque noirs; j'ai craint le pire !

« Un jour, alors que j'étais terriblement malade et que je souffrais de diarrhées constantes, les guérilléros m'ont attaché à un arbre où ils m'ont obligé à faire mes besoins dans la même bassine où ils me servaient à manger.

« Durant plusieurs années j'ai crû que j'avais atteint le sommet de la souffrance, mais, après neuf années de séquestre, je suis hélas arrivé à la conclusion que la souffrance n'a pas de limite. Mon corps est couvert d'entailles et de cicatrices, j'ai souffert par deux fois du paludisme, depuis longtemps je ressens des douleurs dans la poitrine, les os et les articulations.

« Mais ce ne sont pas les douleurs physiques qui nous blessent le plus, ni les cadenas que nous portons à nos cous, ni les maladies qui nous affectent en permanence, mais bien l'agonie mentale causée par l'irrationalité de tout cela, la colère de voir la perversité du mal et l'indifférence du bien, comme si nous ne valions plus rien, comme si nous n'existions plus.»

 

 

À la demande des familles de victimes et de plusieurs ONG locales, une immense marche blanche sera organisée contre les FARC dans la plupart des grandes villes colombiennes le 4 février. Pour l'occasion, la population locale s'est réapproprié le signe des FARC-EP (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia – Ejército del Pueblo, ce qui signifie Forces armées révolutionnaires de Colombie – armée du peuple) et l'on voit fleurir sur les calicots FARCEnemigo del Pueblo (FARC ennemi du peuple).