Le Sénat des États-Unis s’est penché d’un peu près sur le cas de la banque HSBC et il n’y a pas eu besoin de gratter très fort la surface pour racler de la crasse. Carl Levin a simplement résumé que « la culture d’entreprise d’HSBC était gravement polluée depuis longtemps. ». C’est laconiquement énoncé. La presse est plus dure avec la Hong Kong & Shanghai Banking Corp., dont le siège à Londres (à Canary Wharf et non dans la City). Le bankster agissait telle une essoreuse d’argent sale…

Plus cela va, plus cela empire, et plus la noire vision de la finance du journaliste Denis Robert (affaires Clearstream Banking) s’assombrit. Le Sénat étasunien s’est penché sur l’Office of the Comptroller of the Currency, l’un des organismes « régulateurs » censé contrôler les activités d’HSBC. Il en résulte un rapport, découlant d’une année d’enquêtes, présenté devant la chambre par le sénateur Carl Levin. Des fonctionnaires et des opérateurs d’HSBC, 75 au total, ont déposé pour tenter de clarifier la teneur de près de 1,5 millions de documents.

Déjà, HSBC avait été dans le colimateur de l’Office (l’OCC) en 2010. Passée l’admonestation, tout était reparti de plus moche. Voire crapuleux. Oh, certes, l’OCC avait de temps à autre tiré de nouveau la sonnette d’alarme, mais avec les banksters, c’est « cause toujours, tu auras la réponse convenue et tu t’en contenteras comme d’habitude ».

Il ne s’agit plus que d’évasion fiscale, mais de blanchiment d’argent sale. De toutes provenances. Celle de la corruption et des commissions dissimulées, celle des trafics de toutes sortes, celle des arrangements entre amis, partenaires, concurrents, groupes clandestins, &c.

Comme convenu, pris la main dans le sac, l’OCC a eu les mots idoines : la lutte anti-blanchiment « est primordiale (…) pour combattre l’activité criminelle et le terrorisme (…) nous sommes compétents et efficaces. ». Laxistes et complaisants aussi ?

Mais avait-on déjà regardé ailleurs et de manière superficielle dans les comptes de la banque entre 2006 et 2009, puis entre 2007 et 2008 quand HSBC a fortement développé ses activités au Mexique ?
Pour cette dernière période, les filiales mexicaines d’HSBC ont transféré sept milliards d’USD vers leurs correspondantes des États-Unis. HSBC a été dument avertie que de tels montants ne pouvaient qu’inclure des fonds provenant du trafic de stupéfiants. Stupéfiant qu’elle ne s’en soit pas rendu compte d’elle-même, d’ailleurs.

Pour les tractations avec la saoudienne Al Rajhi Bank, c’est le terrorisme qui est en cause, insinue le Sénat américain, en dépit des démentis formels de la banque. Mais pendant quatre mois, HSBC avait préféré décréter publiquement cette banque infréquentable, avant de renouer discrètement la lune de miel étirable et bien coulant. Mais avec des interruptions, des étranglements, jusqu’au ce que la Al Rajhi, fin 2006, menace de fermer son côté du robinet. Il fallut attendre 2010 pour que HSBC se plie aux discrètes recommandations des organismes de contrôle.

En fait, HSBC a ses propres contrôleurs internes. Comme en France avec l’Inspection du Travail ou la Direction de la Concurrence sous Balladur puis Sarkozy, il suffisait d’en réduire fortement les effectifs pour que le contrôle devienne une passoire. Il en est de même en France pour la justice spécialisée dans les affaires financières, dont les effectifs ont été réduits, et qui se consacre désormais à la contrefaçon de tours Eiffel miniatures pour touristes, faute de pouvoir s’attaquer aux gros dossiers.

« Nous étions coincés et les retards s’accumulaient, » écrit un membre d’HSBC en juin 2008. Dans les pompes à finances, il y a les circonstances. En 2010, l’un des cadres du contrôle interne a préféré jeter l’éponge et démissionner. Pour s’éviter des responsabilités dont il aurait pu avoir des comptes à rendre judiciairement ? Cela n’est jamais présenté ainsi, bien évidemment.

Vous vous souvenez des relations entre les Bettancourt et leur banquière ? C’était l’un des multiples épisodes du Woerthgate… Les plafonds de retraits en numéraire ? Quels plafonds ?

Là, la Bettencourt, c’était Casa de Cambio Puebla y Sigue Corp., une agence mexicaine à propos de laquelle la presse mexicaine résume : « Acusan en EU à HSBC de servir al Narco » ou « de lavar dinero ». Le rapport sénatorial, fort de 340 pages, évoque des passages par les îles Caïman. Avec un transit de 2,1 milliards d’USD. HBMX (la filiale HSBC) se livrait à de multiples activités à haut risque, ouvrant des comptes à des agences de change et d’autres institutions financières, » lesquelles rapatriaient l’argent des ventes de drogues diverses aux É.-U.

David Bagley, chargé du contrôle interne à HSBC, avait averti ses supérieurs. HSBC a reconnu simplement que ses normes étaient insuffisantes. Joliment dit. Mais tout cela, bien sûr, c’est du passé, et cela ne s’est produit qu’à quelques malencontreuses occasions (« nuestros estandares en algunas ocasiones no fueron los esperados »).

HSBC travaillait aussi avec l’Iran, mais en catimini, ayant recours au « stripping » (si cela ne vous rappelle pas Clearstream et les données qui s’évaporent, c’est que vous n’avez pas bien suivi les enquêtes de Denis Robert). Stripping peut se traduire ici par écrémage, écrêtage, mais surtout dissimulation des émetteurs et destinataires, provenances et aboutissants.

La californienne Sigue Corp. était liée à la Casa de Cambio Puebla et elle avait eu le tort d’admettre devant des agents du FBI prétendants être des trafiquants de drogue qu’ils étaient des clients bienvenus. Sigue Corp. n’était pas inconnue d’HSBC mais après discussion en interne, on continua à recueillir ses fonds. Ensuite, en 2009, Sigue Corp. passera un arrangement avec la justice étasunienne.

La presse britannique relate tout sur un mode cela très factuel, la presse hispanophone donne beaucoup davantage de détails, sur les transactions avec la Syrie, par exemple.

Comme prévu, au Mexique, l’autorité des marchés, la Comision Nacional Bancaria y de Valores, s’en lave les mains : HSBC ne peut être sanctionnée localement.

De janvier à octobre 2011, les États-Unis ont tenté 54 actions pénales au Mexique pour des affaires financières, mais pour le moment, seulement 13 condamnations ont été infligées.

Et au final,  cela donne quoi ? « HSBC esta cerca de un acuerdo sobre una investigacion de lavado de dinero », rapporte l’édition en espagnol du Wall Street Journal. C’est bien l’essentiel. HSBC collaborera pour donner des indications sur les évadés fiscaux étasuniens dont elle a eu ou a encore à connaître, Stuart Gulliver, le patron d’HSBC coupera quelques têtes (peut-être celle d’Irene Dorner ?), annoncera des mesures, et tout le monde se séparera bons amis…

Le caïd d’un cartel de la drogue enverra peut-être des fleurs à ces dames, des montres de luxe à ces messieurs, histoire de renouer les contacts, en préliminaires à d’autres, plus discrets. Rendez-vous à la prochaine enquête… Passez, muscade, et autorités des marchés, banksters se referont bientôt une partie de bonneteau.