Hippodrome de Compiègne : on a gagné !

Formidable ! Merci à Éric Woerth d’avoir fourgué, pour le plus grand profit des contribuables, une toute simple « parcelle boisée » à la Société des courses de Compiègne, charge à elle de la débroussailler et peut-être d’en revendre les champignons. Il n’y avait rien à en tirer, en dépit d’un fumeux rapport d’expertise qui l’estimait à 8,3 millions d’euros, et l’ancien ministre Éric Woert, qui s’apprêtait sans doute à payer pour s’en débarrasser, en a obtenu 2,5 millions d’euros. Fair play, les services de Jérôme Cahuzac, actuel ministre du Budget, saluent l’exploit dans un rapport déposé en catimini la veille de Noël dernier…

Du côté de l’affaire Cahuzac, puisque la banque suisse UBS est incapable de dire si Jérôme Cahuzac, un bon mois après en avoir eu vaguement ouïe dire, a oui ou non détenu un compte chez elle, Mediapart n’avait plus grand’ chose à se mettre sous le clavier. Mais voilà que les services de Jérôme Cahuzac viennent de réhabiliter totalement leur ex-ministre de tutelle, Éric Woerth, en déposant, le 24 décembre dernier (à l’heure de fermeture du greffe ?) un très élogieux rapport au tribunal administratif de Paris.
Il s’agit encore de la vente de l’hippodrome de Compiègne, en toute hâte, par décision du ministre Woerth, qui s’était empressé de fourguer, en procédure de gré à gré, le terrain défoncé, les bâtiments délabrés, et les alentours embroussaillés. C’était un coup de maître ! On craint à présent que la Société des courses de Compiègne, s’estimant dupée, ne remette en cause cette vente.

Nous vous passons les péripéties, mais on se demande bien à présent pourquoi la Cour de justice de la République, un tribunal administratif, le tribunal de grande instance de Paris, ne décident pas d’un non lieu aussi vite que les terrains ont été refilés en douce. 

Déjà, à peine installé dans son fauteuil ministériel, fin juillet, sans même tenter de voler la vedette à Bison futé, Jérôme Cahuzac avait demandé à un juriste de dire ô combien Éric Woerth avait été bien avisé…

On avait cru, niais que nous étions, que les parcelles cédées appartenaient au domaine public. Que nenni, affirment à présent les services de Jérôme Cahuzac, elles relevaient « du domaine privé de l’État ». Donc, là, ce n’est plus nous du tout, du tout. C’est un peu comme une maternelle ou un lycée désaffecté, une pissotière délabrée sur la voie publique, des logements affectés aux postiers ruraux, des épaves de bagnoles de fonction. L’État doit trouver des mécènes qui acceptent de bien vouloir l’en soulager.

On ne voit donc pas pourquoi des citoyens, encore moins un syndicat comme celui des personnels des forêts (occupez-vous donc des forêts et pas des friches aux inextricables taillis), ou même une commission sénatoriale, viendraient chipoter. Pas besoin de faire de la publicité pour une telle vente, et encore moins d’une mise en concurrence. François Schoeffler, un simple sous-directeur, a donc expédié un mémoire d’une sommaire limpidité qui ne nécessitait certes pas la cosignature du ministre en personne.

En sus, pas question de vendre à, par exemple, la société du golf de Compiègne. Il y avait déjà quelques personnes, peut-être des Roms, qui faisaient paître leurs chevaux, sur ces terrains. Donc, le bien « ne pouvait être vendu qu’à l’occupant actuel, la Société des courses de Compiègne. ». Certes, certes, des avocats arguent, contrairement au mémoire de Bercy, que les broussailles (autrefois des forêts) auraient dû être déclassées, qu’il aurait fallu consulter un comité Théodule, une commission Machin (de bouseux du coin, des départementaux qui s’occupent de la nature, des paysages, des sites). 

À présent, on peut tenter d’aménager un peu pour installer des caravanes, des lopins de jardins dits ouvriers, des cabanes pour les gamins du coin : après la bataille administrative, place à la guerre des boutons !

Mediapart conclut avec la mauvaise foi qu’on lui connaît : « l’hypothèse la plus couramment avancée pour cette cession surprenante est celle d’une bonne manière faite par le député-maire de Chantilly Éric Woerth à son puissant voisin, le sénateur et maire de Compiègne Philippe Marini. ». Et alors ? On espère bien que ce dernier lui rendra la pareille, si ce n’est déjà fait. Au lieu de siéger dans un vétuste hôtel de Ville, il pourrait opter pour des préfabriqués, et refiler le bâtiment à la famille Woerth pour en faire des salles de jeux pour les petits enfants. En leur confiant les pièces du Musée de la figurine historique pour d’utiles leçons de choses, et aussi le théâtre impérial pour des séances de Guignol. Tout cela coûte fort cher à chauffer, que les Woerth s’en chargent donc !

Rappelez-vous. Éric Woerth clamait haut et fort qu’il était absurde de devoir apporter la preuve de choses qui n’existent pas. C’est exactement comme l’histoire du présumé (bien sûr à tort) compte à l’étranger de Jérôme Cahuzac. Ou les prétendues frasques de Dominique Strauss-Kahn. Où sont donc les preuves ?
C’est un peu comme cette histoire de lancement de « missile » par la Corée du Nord. Alors qu’il s’agit d’un prototype de fusée de feu d’artifice. Ou ces trucs de présumées centrales nucléaires iraniennes (en fait des samovars industriels destinés à distribuer le thé à tous les étages).

 

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !