{mosimage}La lettre de Guy Moquet fait couler bien de l'encre (virtuelle ou non) pour un hommage détourné de tout son sens selon quelques uns, par le changement du mot "camarade" en "compagnon", ce qui , il est vrai, est assez scandaleux dans le traitement de l'Histoire. Guy Môquet était communiste nous rappelle-t-on ici et là, et il se retournerait aujourd'hui dans sa tombe, s'il savait que Sarkozy le récupère. Sur les journaux s'étale le visage de ce jeune homme souriant et charmant, avec des légendes qui le mettent en valeur… mais des professeurs d'histoire s'inquiètent aussi du manque de traitement de l'histoire du communisme à cette époque.

C'est le monde qui a lancé le pavé dans la marre, par un article de Jean-Marc Berlière (professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne, chercheur au Cesdip (CNRS/ministère de la justice) et de Sylvain Boulouque (doctorant en histoire à l'université de Reims), qui affirme que l'histoire du jeune homme est pour le moins arrangée: " on a vu ressurgir à cette occasion les stéréotypes et clichés d'une "histoire" de la Résistance et du PCF qu'on croyait définitivement rangée au magasin des mythes et légendes."

"Faire de Guy Môquet et de ses vingt-six camarades des "résistants de la première heure" relève de la téléologie, puisque la plupart d'entre eux ont été arrêtés en un temps où le PCF, pris dans la logique du pacte germano-soviétique, était tout sauf résistant" C'est en 1939 que le parti communiste avait été interdit par Daladier , ainsi que le journal l'Humanité pour intelligence avec l'ennemi, à la suite du pacte de non-agression entre l'Allemagne nazi et l'URSS, pacte qui laissera les mains libre à l'Allemagne pour envahir l'Europe de l'Ouest, et dès le pacte le parti communiste adoptera la ligne du parti, avant de se retourner après que le pacte entre les deux puissances soit rompu. Le père de Guy Moquet, Prosper Moquet, député communiste en 1939, aurait été arrêté pour "intelligence avec l'ennemi allemand", il sera jugé et condamné à cinq ans de prison.

Guy Moquet lui-même aurait distribué des tracts qui étaient dans la lignée du parti en 1940, et c'est la raison pour laquelle il sera arrêté également. Si les Allemands demandent des otages à fusiller, c'est qu'un soldat allemand a été tué, par des civils communistes, ce qui leur donne le droit à cette époque de réclamer des otages, ce qui sera fait. En plus des otages désignés pour être abattus, des civils bretons seront fusillés. De fait Guy Moquet n'aurait jamais été résistant, mais tout au contraire militant pour le respect du pacte et si à la sortie de la guerre, le parti communiste revendique 70 000 fusillés, Maurice Druon rappelle dans son livre "La France aux ordres d'un cadavre" qu'il n'y eut que 20 000 fusillés en tout, sans qu'il ne s'agisse uniquement de communistes. Bien sûr parmi les communistes de l'époque, les uns ont suivi le parti, mais pas nécessairement tous. De plus les attentats commis envers les soldats allemands génèrent des otages, automatiquement fusillés, selon les lois de l'époque, ce qui rend le parti communiste particulièrement responsable de ces exécutions.

 

Il est donc tout à fait malvenu que cette lettre soit lue à tous les lycéens, sans un véritable enseignement de ce que fut l'Histoire avec ses zones d'ombre. Il suffit de lire Georges Orwell pour se rendre compte de la manipulation de l'URSS durant la guerre, et particulièrement durant la guerre d'Espagne, dans "Hommage à la Catalogne" et le dernier chapitre dans la version française: l'URSS retourne sa veste, et condamne ou aide à condamner ses alliés d'hier, combattants sincères du mouvement républicain… Il est donc un peu hatif de voir en Guy Môquet une victime du patronat français. Mais peut-être apportons-nous trop de conclusions morales à l'Histoire, pour des époques que nous n'avons pas connues…?