Vous le connaissez tous, vous l’utilisez peut être tous les jours sans vous en rendre compte. Il termine, comme un réflexe chez certain, la plupart de nos phrases quand on souhaite faire partager notre joie de vivre à travers les caractères de nos mails. La petite boule jaune affichant un large sourire et deux billes noires fête cette année ses 40 ans.

Quarante années d’existence officiellement car, si on en croit certaines images représentant des pierres plurimillénaires, les premières représentations du Smiley remontent à plus de 4500 ans. Des cailloux parfaitement rond, à croire qu’ils ont été taillé de la sorte par des êtres humains et que l’on peut admirer au musée des sciences naturelles de Nîmes. Plus proche de nous, Ingmar Bergman dans Ville Portuaire, en 1948, afin de signaler la détresse qui l’habite, dessine un petit visage de forme ronde qui, au lieu de sourire, a les extrémités de la bouche qui tombent.

 

En 1963, aux Etats-Unis, dans une compagnie de communication, dont le but est d’échafauder des stratégies marketing pour les entreprises afin d’améliorer leur image ou leur chiffre d’affaire, un certain Harvey Ball couche sur le papier, une boule avec une large banane mais sans avoir le réflexe de breveter son idée. Un manque de professionnalisme pour un homme travaillant dans le milieu des affaires, mal lui en a pris.

 

Nous sommes en France, dans les années 1970, les machines à écrire produisent des sons métalliques et les téléphones sonnent dans les coulisses deFrance Soir, le rédacteur en chef, Pierre Lazareff, se creuse la tête pour mettre en lumière les bonnes nouvelles. Oui, les journaux ne communiquent pas que des annonces tristes et désespérantes, des bonnes informations existent et il faut les promouvoir. Frankin Loufrani, pigiste dans la rédaction à ce moment, publicitaire dans l’âme, métier qu’il occupera plus tard, trouve une idée géniale.

 

Dans son cerveau, germe un dessin et un slogan. La colonne, prévue pour accueillir les bonnes actualités, est ornée du fameux visage souriant et d’une phrase pour égayer votre journée, « Prenez le temps de sourire ». Il est vrai que l’on ne prend pas assez le temps pour ce genre de chose, la vie est tellement rythmée sur le fameux « métro-boulot-dodo » que l’on perd l’essence même de notre humanité.

 

On peut blâmer Loufrani de n’avoir fait aucun travail créatif, car le dessin existait déjà, mais il eut la bonne démarche de déposer son logo. Il savait qu’un réel marchandising pouvait se faire par la suite. Monté en partenariat avec RTL, le contrat stipule que Loufrani touchera 1 centime sur chaque autocollant vendu dans le cadre d’une campagne promotionnelle. Au total, 12 millions de stickers seront écoulés. Le visage s’exporte à l’étranger et ne se cantonne plus à des papiers pré-collés. Il orne désormais des tasses, des T-shirts, des bijoux, des bonbons et tellement d’autres objets de la vie quotidienne. Certaines enseignes de grands magasins, comme Mammouth, des supermarchés que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, réutilisent le symbole pour signaler ses produits moins chers.

 

Le petit visage devient un objet culturel et la Culture se l’approprie. Des groupes musicaux comme Nirvana, des stylistes comme Castelbajac pour ses collections ou encore des tableaux dévoyés,  emploient le Smiley. Il connait son heure de gloire dans les années 1990 au cours des raves parties, devenant un signe de ralliement entre fêtards sous acide.

 

Après 4 décennies, son avenir reste brillant. Sa durée de vie n’est pas prête d’être abrogée grâce aux nouvelles technologies. Plus les moyens de communications se développent et plus le nombre de smileys différentes se diversifient. On compte aujourd’hui plus de 3000 émoticônes pouvant ponctuer la fin de nos lettres électroniques. Un réel espoir pour les illettrés et les analphabètes, ils peuvent eux aussi correspondre de façon immatérielle. On bien est-ce une façon de nous abêtir en revenant à des illustrations ? Les mails seront-ils des grottes de Lascaux modernes pour les futures générations qui nous étudieront ?

 

Toutefois, comme les petits bonheurs de la vie ne sont pas si fréquents que cela, il serait dommage de s’en priver, gardons la notion positive de ce petit visage en prenant le temps de sourire.