Sale temps pour le Square Mile, la City de Londres et la place financière d’Édimbourg… D’une part, David Cameron, le Premier ministre britannique est revenu de Bruxelles en passant pour un figurant sans importance alors que les chefs d’État de la zone euro ont pris des mesures isolant le Royaume-Uni. Et surtout, la cote dans le public britannique des banques s’affaisse encore un peu alors qu’il apparaît qu’elles ont manipulé les cours d’orientation des taux d’intérêts. Après Barclay’s, une vingtaine d’établissements financiers est visée par des enquêtes.

Le coup de pouce à la croissance, déjà prévu par Bruxelles avant la dernière réunion des chefs d’État des pays de l’Union européenne, ne fait guère frémir les Britanniques. 120 milliards d’euros précédemment budgetés pour soutenir la croissance, passe encore. Mais créer un comité de supervision des banques du continent, cela pourrait impliquer une marginalisation de la bancassurance britannique.

Le secteur financier sera donc sous surveillance plus étroite et les objections du Royaume-Uni n’ont pas vraiment été entendues. Pire, le gouvernement libéral-conservateur pourrait se voir contraint de procéder à un référendum que son aile droite et son opposition de droite réclament, lequel pourrait aboutir à une sortie du Royaume-Uni de l’UE, ce qui divise fort les milieux industriels, commerciaux et financiers.

Mais parallèlement, les banques et la City sont sur la sellette. Déjà, la très longue panne informatique subie par Royal Bank of Scotland, Natwest et UlsterBank a fait très mauvais effet. Mais la population, qui ne s’intéresse que de loin aux affaires de traders et de manipulations des cours, s’interroge. Après Barclay’s, frappée d’une forte amende pour avoir manipulé les taux du Libor (London Inter-Bank Offered Rate) et sans doute de l’Euribor, RBS, encore elle, est soupçonnée d’avoir fait de même, après les révélations de l’un de ses cadres supérieurs.
Pire encore, il semble que la pratique était généralisée dans les milieux bancaires britanniques.

Manipuler Libor et Euribor consiste à falsifier ses propres intentions de fixation des taux d’intérêts et trouver des complices dans d’autres banques pour conserver le taux directeur à l’identique ou le faire légèrement baisser ou partir à la hausse. Cela influe sur des sommes colossales, car les banques se prêtent entre elles. Mais cela se répercute aussi sur les particuliers, qui ont souscrit des prêts ou des emprunts immobiliers, ou qui préparent leur retraite ou la reçoivent de manière complémentaire via des fonds de pension.

Quand, par exemple, les banques se débrouillent entre elles pour se prêter à moins cher, elles ne répercutent pas l’aubaine sur leurs clients. Mais à l’inverse, elles renchérissent le coût des crédits lorsqu’elles font grimper les cours.

Chaque matin, sous la bienveillante supervision de l’association des banques britanniques, les banques adhérentes au Libor communiquent le taux qu’elles pensent pouvoir obtenir pour emprunter à terme (depuis le jour courant jusqu’à un an). Chez Barclay’s, non seulement on trichait, mais on contactait d’ex-collaborateurs passés à la concurrence sous le plus grand secret. Cela revient à un délit d’entente.

Voilà qu’après qu’UBS a pris des mesures internes, il est révélé qu’on se serait refusé à le faire chez RBS (et ses filiales, Natwest et UlsterBank). Tan Chi Min, qui était en poste à RBS entre août 2006 et novembre 2011, mois durant lequel il fut poussé vers la sortie, se définit en commode bouc émissaire, tel, en France, Kerviel. Il implique aussi des sociétés donatrices du parti conservateur. Non seulement RBS va-t-elle écoper d’une sanction à hauteur de 150 millions de livres pour des manipulations similaires à celles ayant valu une énorme amende à Barclay’s, mais elle est aussi ainsi accusée de collusion avec des fonds privés ayant financé la campagne électorale des conservateurs et des libéraux.

HSBC, Lloyds (pour l’instant, la presse ne nomme pas toutes les autres, mais mentionne JPMorgan Chase, Deutsche Bank et Bank of Tokyo Mitsubishi ou encore Citigroup Japan), seraient aussi, comme RBS à présent, visées par la FSA (Financial Services Authority, l’équivalent de l’Autorité de contrôle des marchés).

Il y a eu déjà des licenciements et des mises au placard dans divers établissements, mais les dirigeants eux-mêmes sont soupçonnés d’avoir laissé, comme le soutient la défense de Kerviel dans l’affaire de la Société générale.

Non seulement Barclay’s doit-elle payer une amende de 290 millions de livres (assez basse, car paraîtrait-il, la banque aurait parfaitement collaboré avec le gendarme britannique des marchés), mais elle risque de se voir attaquer au civil par divers clients. Outre l’enquête judiciaire en cours, une commission d’enquête parlementaire (incluant des représentants de l’opposition) pourrait être rapidement diligentée. Lord Oakeshott et d’autres la réclament.

Les dirigeants des grandes banques, qui s’étaient répandus sur les plateaux de télévision pour prôner un code de bonne conduite et l’autorégulation de la profession, ont été pris en flagrants délits de fieffés mensonges. Diverses autres mauvaises pratiques avaient été mises en évidence l’an dernier, mais là, c’est deux ans d’enquêtes diverses qui commencent à être portées à la connaissance du public.