Sur bien des points un « mal français » (l’ancien homme d’Etat et de Culture, Alain Peyrefitte, était un visionnaire) spécifique se confirme au fil des années. L’actualité marquée par l’emprise croissante de la téléréalité jusqu’aux frontières du politique, traduit assurément une fuite dans l’anecdotique et le divertissement, un repli dans un imaginaire collectif toujours plus insignifiant. A force de déconstruire ses fondations Historiques, le pays erre dans un entre deux eaux, entre larmes de nostalgie fataliste et regain adolescent pour de vieilles lunes idéologiques. Notre pays traverserait-il ce que bon nombre de psychanalystes définiraient comme une phase de régression infantile ? Contournant la mutation de maturité attendue, divers signaux d’alarme parlent à contrario dans le sens d’une dépression anachronique. Il y a vraiment une « crise » spécifiquement, française.
La France se situe ainsi en tête des pays européens pour les frais pharmaceutiques. Le français se pense volontiers souffrant jusqu’à accorder des vertus quasi magiques et une véritable « croyance » aux médicaments. Le dieu laïc serait donc pharmaceutique ? Cela est désormais de renommée internationale, le pays le plus visité du monde renferme aussi les plus gros consommateurs de psychotropes. Plus d’un quart des Français consomme des anxiolytiques et des antidépresseurs, des somnifères. Le pays préfère rester couché, sur ses rêves d’antan ? Sans racines ni repères (la famille, etc), la France perd logiquement la tête. Le rapport à sa réalité caractérise un profond malaise.
Chaque année plus de 150 millions de boites de divers normothymiques sont prescrites dans notre pays. Ces « régulateurs de l’humeur » définis comme tranquillisants sont hélas susceptibles de provoquer des dépendances en prescription prolongée. Y compris en temps de grave crise, le peuple exige la prescription du moindre de ses acquis sociaux autant que médicamenteux ? Qu’il ait voté pour les vendeurs de promesses chimériques serait donc logique. Comme la mariée trop belle, il semble bien que le « rêve français » ne pouvait longtemps garder sa plus jolie robe. Le corps social reste ce qu’il est. La France est de mauvaise humeur. L’élu du moment devient le catalyseur du désamour propre national.
Il y a quelques mois à peine elle portait donc un nouvel homme à sa tête, « normal », l’avenir allait être plus tendre et idéal. Le « diable » supposé qui précéda était affirmé comme responsable de tout, jusque la pluie certains jours d’investiture ? La Politique gagnerait à ne plus succomber à la pensée magique. Quoi qu’il en soit, les enquêtes annonceraient l’ancien président quasi réélu dans l’hypothèse d’un retour. La France ne reconnaît plus aucune crédibilité à son nouvel homme « fort » peinant quelque peu sur le chemin cruel de la présidentialisation. Un soir récent, son intervention en direct marquait par le taux d’audience le plus bas comparativement à la rediffusion d’un énième feuilleton ou autres programmes recyclés sur d’autres chaînes. La France ne s’aime plus jusque dans son miroir télévisuel, jusque dans ses présidents ? Un climat de fin de 4ème République réapparaît, renvoyant aussi à l’épilogue Mitterrandien qui précéda la débâcle totale de 1993. Le 18 Juin l’appel du Général de Gaulle raisonnait particulièrement, à moins qu’il ne s’agisse du retour annoncé d’une « néo » Cinquième République ?
Alors que chaque mois 30000 citoyens rejoignent le fleuve boueux du chômage, que 80000 se trouvent pareillement chaque mois en fin de droit, les JT se concentrent néanmoins sur le « ping pong » indigne de la corruption supposée des deux partis de gouvernement. Chacun sort ainsi de son chapeau des « affaires » anciennes ou récentes, nourrissant de façon suicidaire les extrêmes avides du « tous pourris ». Quitte à couler, autant que le bateau coule totalement ?
Notre pays reste en tête sur la scène mondiale en terme de traitements psychiatriques. Le nombre d’internements aura ainsi presque doublé en 16 ans. On y compte plus de 73 000 internements chaque année, chiffre trois à quatre fois supérieur à ceux du Royaume-Uni ou de l’Espagne, comme de l’Italie. La douce folie et l’inconscience françaises (au niveau de la dette publique « à volonté » depuis 30 ans) atteindraient les sommets. La France cherche sa boussole plus encore depuis qu’elle s’est donnée une présidence pépère ou paternelle, celle qui était en vigueur du début des années 80 jusque la fin des années 90. Nous vivions les années dépensières. Les déficits augmentaient proportionnellement à la démagogie déployée pour les faire oublier. La fêtocratie régnait. Les enfants sauraient payer demain l’irresponsabilité de leurs parents. Toute personnalité publique invitant à la rigueur se voyait interdit de bal médiatique. La fête est vraiment terminée, et la culture fait toujours plus de fautes d’orthographe. Le diplôme du Bac rejoint lui aussi le bac à sable de la régression.
La logique de l’économie réelle ayant cédée devant l’abstraction boursière, le peuple erre dans les méandres de la relativité, déclassant l’Homme de la place première qui devrait être la sienne.
Les médecins généralistes restent manifestement en première ligne chargés de toutes les pathologies sociales ou psychiques. D’après l’Atlas de la démographie médicale, la densité de médecins spécialistes en psychiatrie varie profondément selon les départements, de 6 à 79 pour 100 000 habitants. Avec 1 714 psychiatres, Paris en compte davantage que la Picardie (216), le Nord-Pas-de-Calais (461), la Normandie (395), la Lorraine (266) et Champagne-Ardenne (132) réunis. Le constat est saisissant. La France est un mauvais docteur pour elle-même. Mais elle persiste à prétendre sauver le monde entier. Egalité…stop ou encore ?
La parité tant évoquée marque un pareil échec. La mère patrie n’est plus ce qu’elle était. Les épisodes dépressifs majeurs touchent en effet davantage les femmes. Elles restent soumises à des traumas plus spécifiques de leur identité (maltraitance dans l’enfance et le couple, veuvage, divorce, chômage, invalidité). Cela reste plus fréquent dans les quartiers défavorisés. Peu de psychiatres y sont installés. La France ne prend plus soin d’elle-même. Le "protectionnisme" a trop mauvaise presse. Le monde médical lui-même reflète toutes les « névroses » sociales et économiques de la société, sans insister sur le désert médical rural. La Santé a elle aussi perdue ses racines ? Seul le marché des psychotropes ne connaît pas la crise. La France est malade d’avoir oubliée les fameux droits de l’Homme dont elle abreuve le monde. Elle n’est même plus fidèle à l’exigence minimale « les femmes et les enfants d’abord » ou « la veuve et l’orphelin ». La malnutrition frappe deux millions d’enfants, ne disposant pas chaque jour de l’apport alimentaire requis. Oui, la France est très malade.
La souffrance au travail traduit pareillement le « mal » ou le malaise général de la société française. Le débat est devenu important depuis l’automne 2009, suite à la vague de suicides chez France Télécom. On ne communique plus ; « le chacun pour soi m’a tuer » ?
Selon un sondage (BVA), seulement 31% des salariés se disaient "parfois heureux" au travail en 2012, contre 37% en 2011. C’est le niveau le plus bas enregistré depuis 2007. Plus de 40% des salariés affirment même que leur motivation régresse. Si la démotivation des ouvriers (42%) ou des employés (38%) stagnait entre 2007 et 2010, la démotivation s’accroît nettement ces derniers temps chez les cadres. Si en 2007 ils étaient 19% à dire leur motivation en baisse, ils sont à présent presque le double (37%). Enfin, la question du pouvoir d’achat porte toutes les angoisses. La France ne permet même plus à son peuple d’acheter et consommer. Ainsi, 68% des actifs ne s’estiment pas satisfaits en matière de salaire. La crise fait mal au portefeuille, bien sûr. La redistribution reste aussi défaillante que l’ascenseur social, les charges pèsent excessivement sur les salaires, les riches deviennent forcément indignes, la fonction publique aurait à rester deux fois plus massive que celle de l’Allemagne pour une efficacité pas plus élevée…tout cela structure en partie le « mal français ».
En insistant prioritairement sur la performance individuelle, les méthodes de management et de gestion ont aussi déstructurées le sens du collectif. Le lien social se délite. L’élite vit dans son monde clos, et le peuple dans un ailleurs de plus en plus indéfini. La société française devient une des plus inégalitaires. Le discours ambiant dissocié de toute réalité vient augmenter le sentiment d’injustice, de solitude (fléau national). L’augmentation des pathologies de surcharge comme le « burn-out, karôsh » (mort par excès de travail), celle des troubles musculo-squelettiques, le recours accru au dopage, tout atteste d’une réelle dégradation de la qualité de vie, aussi professionnelle. Le chômage entraîne une souffrance de plus en plus tue sauf à voir des chômeurs se suicider ? La France a mal à son Pôle Emploi parce qu’elle a mal à ses entreprises, autant qu’elle gère bien mal son « service » Public. La justice sociale serait à la diète.
Outre l’évaluation qualitative, l’idée de « coopération » gagnerait à être promue dans le cadre professionnel et général. La coopération s’analyse selon une règle désormais bien connue, reposant sur trois niveaux. Celui de la coopération horizontale entre membres d’une équipe, la coopération verticale entre chefs et subordonnés, enfin la coopération transversale avec les clients ou les usagers. Cette approche est bien structurée. Elle reste trop ignorée. Le quantitatif prime dans la société de surconsommation. L’Homme ne compte pas. Les ressources humaines s’épuisent dans l’approche minimale et stérile que le système actuel impose. Le facteur humain reste au-delà même d’une marge variable. Le pays des Droits de l’Homme ? La « modernité » ?
La qualité et la compétitivité « gagneraient » à retrouver leur lien logique, qu’il s’agisse de cadre et conditions de travail ou de relation interpersonnelle sur le terrain professionnel. Avec un peu de bonne volonté le travail pourrait s’adapter à divers modes d’organisation, dans la gestion intelligente du temps et le management des différents acteurs. La dégradation des rapports entre activité professionnelle et santé n’est pas insoluble, pas plus que la crise des motivations constatée. La réhabilitation du travail et de sa valeur ne recouvre qu’une incantation électoraliste. Surconsommation médicamenteuse, souffrance croissante au Travail, démotivation, chômage, tout interroge notre modèle, le monde du travail en premier lieu. La compétitivité individualiste devient-elle porteuse d’une mort lente de toute la communauté ?
Notre « modèle » ne pourra survivre que par la promotion de nouvelles relations citoyennes, l’émergence de formes d’entreprises plus innovantes et humaines (sociétés coopératives , portage en réseau, soutien prioritaire aux PME-PMI), par la primauté structurée du Vivre Ensemble et la prise en compte plus globale de « l’environnement » (écologique, social..). Tous les dirigeants devraient axer leurs propositions autour de ces préalables d’éthique et d’humanité. La France tombe malade de ne plus être elle-même.
Alors que des membres d’un club de réflexion (Roosevelt 2012) entraient en grève de la faim le 17 Juin dernier pour appeler le Gouvernement et la représentation nationale à s’occuper enfin des vrais problèmes du pays, il ne semble plus exclu que les mois prochains voient se lever la Manif contre Tous…pourris. Une petite confrérie ultra minoritaire est manifestement corrompue. Elle porte atteinte à toute une classe politique pas plus malhonnête ou incompétente qu’autrefois. Une clarification (le cas échéant par les urnes) sera difficilement évitable. Un arbre initialement mal planté ne saurait croître idéalement par la suite. Stop ou encore ?
Puisse la « moralisation » arriver malgré « tout » à bon port, et rapidement.
Dans un cas contraire, la France pourrait à terme choisir la nouvelle « troisième voie » toute vêtue de bleu marine…
Guillaume Boucard
Pensez à vous relire avant d’écrire « la culture fait toujours plus de fautes d’orthographe ». Votre article n’est absolument pas dépourvu de fautes (certes, ce ne sont pas des fautes d’orthographe au sens courant du terme mais des fautes de grammaire et de ponctuation), loin s’en faut, ce qui est particulièrement agaçant dans un style solennel comme celui-là.
Quant au fond… Pourquoi si peu d’espoir ? Pourquoi dénoncer le mal-être pendant une dizaine de paragraphes et n’apporter que de vagues pistes vers le rétablissement ? À quoi cet article est-il censé nous mener, si ce n’est à plus de pessimisme ?..
Il ne faut pas confondre « politique » et « médecine »…
Eh bien moi, ce texte me plait bien. Je n’ai pas perdu de temps à compter les virgules, et même les fautes d’accord .
J’en fais tant lorsque j’écris que j’aurai mauvaise grâce de critiquer ce texte remarquable et remarqué (voir le nombre de visites en si peu de temps)
Je suis de l’avis de l’auteur : le pessimisme ambiant est bien dû à la déception de tout un électorat qui a voté pour un « sauveur potentiel », qui, même s’il lui revient la lourde charge de rétablir l’équilibre financier de la France ne parvient pas à nous convaincre qu’avec LUI, « Tout est Normal ».
C’est un De Gaulle dont personne ici sur C4N, n’a évoqué l’anniversaire de son appel du 18 Juin, qui aurait pu faire comprendre au peuple de France qu’il allait falloir se serrer la ceinture, et être un peu plus « partageur » dans les richesses, certes, mais aussi dans la solidarité indispensable en cette période de crise.
Le Président Hollande n’est pas un communiquant, encore moins un fédérateur, or la période de Crise que nous traversons, a besoin d’un homme qui sache parler au peuple, avec des accents de sincérité, montrant lui même l’exemple quand il s’agit de réduire les dépenses publiques.
Charles De Gaulle est mort, et personne n’a pour l’instant la carrure nécessaire pour calmer les aigreurs les rancoeurs, la peur du lendemain de toute population qui, comme le dit l’auteur se tournera vers le bleu Marine aux prochaines élections. En le faisant savoir déjà en 2014 pour les élections municipales.
l’auteur a l’honnêteté de décrire le malaise ambiant qui règne dans le pays
,nos politiques devraient en tenir compte car rien n’est fait pour améliorer la situation. Nul doute qu’aux prochaines élections la couleur « Marine » dominera
[b]Je souscris à ce texte très majoritairement, je me garderais en revanche de donner quelque recette que ce soit pour améliorer les choses du fait que l’actuelle majorité réussirait par je ne sais quel tour de circonvolution cérébrale à gâcher toutes chances de réussite …[/b]