Contre toute attente, voilà que la France revient sur sa décision de boycotter les cérémonies de commémoration du vingtième anniversaire du génocide rwandais suite aux propos du président Kagamé jugés infamants à son égard : en plus d’avoir oeuvré en faveur de la préparation du génocide perpétré contre la minorité Tutsi, la France aurait aussi participé à son exécution ; comme la Belgique, elle aurait contribué à semer les germes d’une idéologie génocidaire. Une fin de non recevoir par les autorités rwandaises a été opposée à l’ambassadeur sur place censé représenter la France. 

Les zones d’ombre qui entourent ce dossier vieux de vingt ans ne manquent pas en l’absence d’une commission d’enquête : les tentatives visant à faire la lumière sur l’identité des responsables de l’assassinat le 6 avril 1994 de Juvena Habyarimana, lequel est à l’origine du coup d’envoi du génocide expéditif, n’ont toujours pas abouti : à coups de machettes, de gourdin, de houe, 800000 Rwandais Tutsi, ont été massacrés en l’espace de quelque cent jours. 

Quand en juillet 1994 le FPR (Front patriotique rwandais)finit par prendre le contrôle de la capitale, nombreux Hutu, impliqués dans ce carnage auraient pu aisément fuir vers le Zaïre sous l’oeil  bienveillant des soldats français de l’opération Turquoise : entrée en action le 23 juin 1994 suite à un vote du Conseil de sécurité, ladite opération avait une mission à caractère exclusivement humanitaire. 

Guillaume Ancel, un ancien capitaine de l’opération Turquoise est sorti de son silence ; il reconnaît qu’à l’époque avant de devenir humanitaire leur mission était bien de bloquer l’avancée du FPR via raids terrestres et frappes aériennes. Le régime corrompu de Juvena Habyarimena bénéficiait de la part de la France d’un soutien inconditionnel, politique, militaire, financier contre "les rebelles" du FPR. 

Qui mieux que François Mitterand, Edouard Baladur et Alain Juppé et surtout Bernard Kouchner pour faire passer l’offensive militaire pour une opération humanitaire ? Sans les accusations de Kagamé et celles incisives de la ministre des Affaires étrangères, François Hollande espérait sans doute noyer le poisson alors que "les faits sont têtus" comme le lui souligne son homologue rwandais. Lors de la commémoration de ce lundi, ce dernier est revenu à la charge contre la France : "aucun pays n’est assez puissant, même s’il pense l’être,pour changer les faits". 

L’opération Turquoise était encadrée par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, laquelle galvaudée est loin d’être gage de sérieux. Entre la version officielle et le déroulement des choses sur le terrain, y a comme un gouffre et je me dis que la Syrie y a échappé de justesse ! 

Les hommes trouveront toujours un bouc émissaire pour s’entre-déchirer ; si ce n’est la religion, c’est l’ethnie,etc. Les meneurs de ce monde, ces apprentis sorciers, le savent. Ils en usent, en abusent. 

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