Depuis près d’une semaine, la presse britannique se fait l’écho d’une « querelle de clocher » (en fait de carillons bovins) présumée mettre le monde rural à feu et à sang. D’un côté, les vaches de Claude Mesjeans, éleveur à Tornac (Gard), et leurs colliers à cloches, de l’autre, Yves Meignan, un riverain de la propriété de l’éditeur britannique Edward Elgar, qui accorde un droit d’usage de son terrain à l’éleveur. C’est passé à peu près inaperçu dans la presse française, mais c’est devenu, chez nos voisins d’outre-Manche, une cause célèbre (en français dans le texte), rien de moins.
Imaginez toute la presse britannique s’intéressant à Pétaouchnoc-sur-Authion, Vauvert, Clochemerle, Landerneau, Trifouillis-les-Oies, ou Pellouailles-les-Vignes.
C’est pourtant ce qui se produit.
France 3 Languedoc-Roussillon avait, fin novembre dernier, signalé le différent qui opposait un éleveur de Tornac, Claude Méjean (devenu Mesjeans pour la presse britannique, on ne sait trop pourquoi…), à son voisin.
Ce dernier, Yves Meignan, réclamerait devant le TGI d’Alès des dommages et intérêts (en sus de l’amende prévue et de l’astreinte journalière que peut décider le tribunal).
Ce voisin, un « arriviste » (toujours en français dans le texte pour The Observer), argumenterait que le son des cloches des vaches provoquerait chez lui anxiété et épuisement.
Dans la prose britannique, cela donne : le plaignant invoque « his human rights ».
Damned, certes, la jouissance d’une vie paisible est un droit de l’Homme (et des citoyens), mais quoi, des vaches munies de cloches, c’est vieux comme l’élevage (et peut-être l’âge de bronze).
En fait, nos confrères britanniques qui ont d’autres moutons à garder, ne s’empareraient sans doute pas si fort de cette affaire de voisinage si un éditeur britannique ne risquait pas, lui aussi, une amende. Car les vaches paissent sur son terrain. Cela prend des proportions quasi épiques, et il est allégué qu’Edward Elgar risque une amende de 4 000 livres sterling (ce qui reste à démontrer).
Pétition internationale
Bien sûr, une pétition a (ou aurait, plutôt) été lancée. Et la presse internationale a embrayé. Ainsi, le Diario de Noticias titre sur le « Britanico processado devido a chocalhos de suas vacas » (et pour le quotidien portugais, Meignan devient Meignam) et De Standaard barre sa une d’un « Koebellenoorlog op het platteland ». Je vous passe le titre de Prachatai, édition locale de Bangkok (si je ne me suis pas fourvoyé).
L’homonyme du premier baronnet Elgar de Broadheath, un compositeur (si, vous savez : Pompes et circonstances), aurait donc favorisé un « concerto » pour cloches bovines. Voici dix ans, Mr Elgar, s’installe à Tornac dans une propriété de dix chambres et pièces diverses, entourée de « 500 acres » (environ 20 ha), sur lesquelles il autorise son voisin, l’éleveur, à faire paître ses 142 vaches.
Mais en 2010, Yves Meignan vient s’installer à proximité. Il n’aurait pas cherché à discuter mais fait donner son avocat. Réponse du « Rosbif » : « Je ne vais pas me laisser bousculer par quiconque, encore moins par un Français arrogant. ».
Il faut rappeler que la France profonde, surtout dans le sud rural, attire beaucoup de résidents britanniques, lesquels publient des livres, des articles, &c., sur nos « mœurs » quasi-médiévales, notre cuisine, notre « art de vivre », et nos divers travers. Les démêlés avec les péquenots, coiffés de bérets, Gitane au bec, baguette sous le bras, trogne rubiconde, &c., font les délices de la presse anglaise. Mais qu’un « Yuppie », un citadin « Frenchy », vienne se mêler de « l’entente (pas si) cordiale » entre hobereaux britanniques finalement adoptés par le voisinage et bouzeux locaux, ça ne le fait pas.
Or donc, notre hôte britannique s’est fait le chantre de la ruralité française. « Les cloches de vaches, c’est vital pour le mode de vie », assène-t-il. Selon lui, La Marseillaise est interprétée en faisant tinter les cloches des Rosalie, et le tocsin résonne dans la brume matinale au lieu de l’Angelus.
Bouter le citadin hors du village !
Bref, la boule Quiès™, qui n’est pas faite pour les chiens, que les Britanniques supposent encore roulée sous les aisselles de fière ribaudes laborieuses au verbe haut, son préconisées pour l’envahisseur citadin. La bonne vie (expression employée par The Guardian) le resterait-elle sans les tintinnabulantes vaches de nos belles campagnes ? Ce petit paradis terrestre (idem) cévenol risque-t-il de perdre son identité du fait d’un fâcheux ?
Que Meignan regagne une grande ville (ibidem). Halte à l’urbanisation néo-colonialiste ! Et The Guardian d’expliquer que « dong dong » et « ding ding » permettent d’individualiser les bestiaux et de prévoir s’ils s’égarent au risque de se mettre en danger sur un terrain accidenté. Le Daily Express est tout aussi pastoral dans son compte rendu. Elgar, qui a des lettres françaises, estime que « c’est plus Clochemerle que Clochemerle », toute cette histoire.
Le Daily Mail illustre son récit de pas moins de six photos (une de l’éditeur, cinq des vaches, hélas non pas prises de derrière, ce qui aurait arrangé l’éleveur : dans La France agricole, on montre le cul des vaches, que les acheteurs regardent en premier).
L’affaire semble destinée, avec peut-être une souscription de soutien des Britanniques alertés, à la cassation, puis à la Cour européenne de Strasbourg. La « pétition nationale » de soutien aurait déjà réuni 3 000 signatures. On ne sait pas trop où trouver cette pétition en ligne, mais qu’importe.
Attention, une descente sur Tornac de hordes vindicatives franchissant la Manche n’est pas à exclure. Récemment, un coq, Reg, de Sutton Poyntz (près de Weymouth, Dorset), qui incommodait un couple de citadins a obtenu gain de cause. Le village s’est révolté, le couple (non pas badigeonné de goudron et de plumes) a été bouté hors du village, solidaire des cocoricos de son coq.
Un jumelage entre Tornac et Sutton Poyntz est-il envisageable ? Avec échange de vaches et de volailles ? Les Tornegais et Tornegaises y songent-ils déjà ? Nous posons la question à Madame la maire, via son courriel : [email protected].
Tornac, moins de 900 habitants (et combien de vaches, oies, canards, voire chèvres et autres caprins et ovins ?), pays de potiers, de viticulteurs, et d’éleveurs, proche d’Anduze, de Gauzac, Bouzène et La Baraquette, connu pour sa chanteuse Lila Sol (prix de la Foire Saint-Martin à Quintin, Côtes-d’Armor), vient d’installer un défibrillateur en son cœur. Bonne idée, car l’émotion est intense.
Surtout que l’info risque de ne pas échapper à Jean-Pierre Pernaut, alerté par les agences de presse internationales. Verra-t-on Miss France 2013 au cul des vaches de Tornac ? Le président grolandais Salengro dépêché par l’Onu à Tornac en tant que médiateur ? François Hollande saisi du différend ? Copé et Fillon réunis pour célébrer la ruralité cévenole ? Et la commune de Montmartre accorder l’asile politique au voisin incommodé ? Stay tuned!
Je l’ignorais aussi ce fait divers
Il y en a même qui ne supportent pas les cloches des églises catholiques.
Ce doit être pour cela qu’ils sont aussi contre les minarets….. 🙂 🙂
jf.
Voici l’adresse demandée pour signer la pétition…
http://www.petitions24.net/laisser_les_cloches_aux_vaches