Cannabis, données essentielles

L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) consacre une synthèse au produit illicite le plus consommé en France. Ce travail rassemble les données les plus récentes relatives au produit ainsi qu’à ses usages et à leurs conséquences

L’origine du mot haschisch est souvent liée à la secte des assassins Haschischins, à tort. Mais le décor est planté, le cannabis, issu de l’Orient mystérieux, est lui-même un produit tout aussi mystérieux. Dès le 19e siècle, il suscite controverse et division. D’un côté ceux qui l’étudient et lui prêtent des effets terrifiants, de l’autre ceux qui l’expérimentent et se montrent plus rassurants. Aujourd’hui, rien n’a changé.

La question est de savoir si le cannabis est un produit dangereux, sans le diaboliser, mais aussi sans prétendre l’inverse sans arguments objectifs. Le cannabis n’est pas le mal absolu, mais sa consommation comporte des risques …

  

Les produits consommés

L’herbe ou marijuana, mélange séché de sommités fleuries (extrémités d’une tige garnie de petites fleurs groupées) pouvant contenir des feuilles, des tiges et des graines
La résine de cannabis ou haschich, sommités florales séchées, plus ou moins mélangées aux feuilles, tamisées de façon artisanale ou industrielle, comprimées sous forme de barrettes, pains, savons…
L’huile de cannabis, liquide brun vert à noirâtre obtenu à partir de l’herbe ou du haschich par extraction de la résine par de l’alcool à 90°.

Après absorption

Selon la manière de fumer, 15 à 50% de la substance psychotrope (THC) présente dans la fumée atteignent le sang, avec un pic de concentration survenant 7 à 10 mn après le début de l’inhalation. Il se fixe immédiatement sur les tissus riches en lipides, notamment dans le cerveau où il est stocké. Sa concentration dans le sang baisse alors très rapidement. L’action psychotrope peut durer 45 mn à 2h30 après une prise unique.
Le THC est ensuite dégradé par le foie. Ses métabolites sont éliminés de 15 à 30% par les urines, le reste par les selles ou la sueur.

Effets cliniques

Les effets neuropsychiques du cannabis fumé apparaissent environ 15 à 20 mn après l’inhalation chez un consommateur occasionnel, un peu plus tard chez un usager régulier. En cas d’ingestion, 4 à 6 heures sont nécessaires.
Les effets s’estompent au bout d’environ 4 heures pour un « petit joint » et jusqu’à 24 heures pour une forte dose.

 

Une prise de cannabis entraîne une euphorie souvent modérée et un sentiment de bien-être suivis d’une somnolence, mais aussi un affaiblissement de la mémoire à court terme (dite de travail) et des troubles de l’attention. En fonction de la dose, de la tolérance et de la sensibilité de l’usager, une altération des performances psychomotrices apparaît ainsi que des troubles de l’attention et de la coordination motrice, de l’allongement du temps de réaction, une altération des capacités cognitives et des modifications des perceptions sensorielles et de l’évaluation du déroulement du temps. Ces troubles peuvent devenir aigus ou chroniques.

 

Sur le plan somatique, une prise de cannabis provoque une accélération du débit et de la fréquence cardiaque et une dilatation des vaisseaux sanguins périphériques pouvant entraîner une hypotension en position debout, des maux de tête, une hypersudation. Elle est également responsable des fameux « yeux rouges ». Dans un premier temps, l’inhalation provoque une dilation bronchique responsable de réactions inflammatoires susceptibles d’entraîner une toux. L’appétit augmente également.


Consommation de cannabis : niveaux, évolution, géographie

Le cannabis est la drogue illicite la plus consommée et la plus disponible en France. Parmi les personnes âgées de 15 à 64 ans, 3 sur 10 déclarent en avoir déjà consommé, et 4 sur 10 s’en être vu proposer.

 

Les hommes sont plus souvent consommateurs que les femmes tandis que les usages se raréfient très vite avec l’âge. Les personnes sans emploi ou avec un cursus scolaire court ou difficile présentent un niveau de consommation généralement supérieur. Toutefois, d’importantes exceptions existent comme pour les cadres qui s’avèrent plus souvent consommateurs réguliers que les ouvriers. A l’adolescence, il y a un lien très fort entre la fréquence des contacts amicaux et l’usage du cannabis. Le milieu social familial ne semble pas être un déterminant à la fréquence de consommation.

 

Sur un plan géographique, la France fait partie des pays les plus consommateurs en Europe.

Usages réguliers, usages problématiques de cannabis

L’estimation du nombre de consommateurs réguliers (au moins 10 fois par mois) s’élève à 1,2 millions en 2005 et est en constante augmentation. La consommation régulière se retrouve principalement chez les adolescents et les jeunes adultes. Elle concerne surtout les hommes et devient plus rare après 35 ans.

 

Les motifs de consommation déclarés par les consommateurs réguliers sont divers et multiples : relaxation, partage, fête, habitudes, endormissement, défonce… Ils consomment également plus de tabac et d’alcool que la population générale. Par ailleurs, ils expérimentent plus fréquemment d’autres drogues illicites.

 

Les consommateurs réguliers ont une nette préférence pour l’herbe, considérée comme plus naturelle. Cependant, c’est la résine de cannabis qui est la plus consommée, plus accessible que l’herbe. Les principaux problèmes sanitaires et sociaux liés à une consommation régulière sont la perception de troubles de la mémoire, un manque d’énergie, une certaine dégradation des relations avec les proches, les amis ou la famille, la conduite d’un véhicule après consommation. Pour ¼ des usagers réguliers des signes suggèrent une potentielle dépendance.

Risques, conséquences et effets liés aux usages de cannabis

Les effets peuvent être liés soit au principe actif du cannabis, soit aux substances résultant de sa combustion comme les goudrons. Les produits ajoutés au cannabis de façon intentionnelle (produits de coupe) ou involontaire (contaminants) pourraient également en être la cause.

 

Une consommation ponctuelle de cannabis n’entraîne pas de surdoses. Des risques de mort violente existent toutefois, notamment avec les accidents de la route. Plus rarement, d’autres décès brutaux peuvent survenir du fait d’une défaillance cardiovasculaire, comme lors d’infarctus du myocarde où le cannabis interviendrait en tant que facteur déclenchant (et parfois associé à d’autres facteurs).
Des symptômes psychiatriques (troubles anxieux, intoxication aiguë à forme psychotique aussi appelée « psychose cannabinique ») peuvent également survenir de façon aiguë. Régressifs le plus souvent en quelques heures ou semaines, il arrive qu’ils correspondent à des symptômes inauguraux de pathologies chroniques. Des troubles anxieux et dépressifs peuvent ainsi être retrouvés lors d’une consommation chronique de cannabis comme des troubles psychotiques de type schizophrénique.

 

Au niveau somatique, les conséquences d’une consommation chronique de cannabis fumé se rapprochent du tabac puisque sont retrouvés des risques de cancers, de pathologies vasculaires et de maladies respiratoires chroniques. La survenue de maladies infectieuses comme des infections sexuellement transmissibles pourraient être en partie sous-tendues par une prise de risques sexuels en cas de consommation de cannabis. Des perturbations du système immunitaire ont également été évoquées dans l’apparition d’autres pathologies infectieuses (tuberculose pulmonaire) ou encore d’autres risques en ce qui concerne la reproduction (troubles de la fertilité pour les deux sexes, troubles de développement intra-utérin), les malformations congénitales et certaines tumeurs de l’enfant.

 

En dépit des risques pour la santé, le cannabis est connu comme ayant des vertus thérapeutiques. Il existe actuellement, malgré les controverses, plusieurs indications bien précises dans lesquelles ce produit serait efficace : les nausées et les vomissements chez des sujets recevant une chimiothérapie anticancéreuse ou atteints du Sida, l’anorexie chez des patients en fin de vie et certaines affections neurologiques douloureuses (sclérose en plaques, atteinte de la moelle épinière). Prescrits sous forme orale et synthétique, il est autorisé de manière nominative dans des indications très précises.

Faits et chiffres (Réf. 2005)

En France métropolitaine, 12,4 millions de personnes âgées de 12 à 75 ans déclarent avoir consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie, parmi eux 1,2 millions sont des consommateurs réguliers dont 550 000 usagers quotidiens. 

 

49,5% des jeunes de 17 ans déclarent avoir expérimenté le cannabis, avec un début vers l'âge de 15 ans. 10,8% ont un usage régulier, la moitié d'entre eux ont un usage jugé problématique.

 

Le cannabis est le premier produit stupéfiant saisi. Le gramme est vendu aujourd'hui à 4 euros en moyenne, soit une baisse de 30% en dix ans. Le nombre de consommateurs de 15 à 64 ans recourant à l'autoculture peut être estimé à 200 000. Le chiffre d'affaire annuel de la vente de cannabis est estimé à 832 millions d'euros.

Les conducteurs sous influence ont 1,8 fois plus de risques d'être responsables d'un accident mortel, ce chiffre passe à 15 fois plus de risques s'il y a une consommation conjointe d'alcool.

Chaque année, 90 000 personnes sont interpellées pour usage de cannabis. La peine encourue peut aller jusqu'à 1 an d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende. La conduite sous l'emprise de stupéfiants est sanctionnée d'une peine de 2 ans et de 4 500 euros d'amende.

En prenant compte de l'ensemble des dépenses supportées par la collectivité, le coût social du cannabis s'élève à 919 millions d'euros.

Sources :
Rapport de l’OFDT