En 1901 déjà qu'Alois Alzheimer donne une explication à des troubles observés sur de jeunes patients. Le siècle ne sera pas de trop pour que la connaissance de cette maladie progresse lentement et par là-même que les diagnostics s'affinent. Pour aujourd'hui, révéler l'ampleur d'un phénomène : 860 000 personnes en France sont aujourd'hui concernées, dont Alice, par ce fléau exponentiel qui implique plus de 100 000 nouveaux cas chaque année …



Du coup branle-bas de combat dans notre pays, comme souvent bien tardif. Pour l'anecdote ce que nous qualifions encore de maladie nouvelle est aux Etats-Unis une maladie publique. Drôle d'ironie que ce manque de reconnaissance d'une maladie qui aboutira justement à la non reconnaissance même des proches. Mais ça ne fait plus sourire Alice.
Au début il y a quelques troubles de la mémoire, des mots et noms dont on ne se souvient pas, qui sont sur le bout d'une langue de plus en plus hésitante. Tout vient petit à petit, progressivement si l'on peut dire et, c'est un des drames de cette maladie, insidieusement, sans crier gare, caché derrière l'inattention, la fatigue, la vieillesse, la dépression. "Tête en l'air", Alice tardait à finir ses phrases, à honorer un rendez-vous, à repositionner dans le temps une rencontre.
Puis vient les premières implications dans le quotidien : les clés que l'on cherche et recherche, la rue d'à-côté si familière mais que l'on ne reconnaît plus, le danger de la route que l'on ne se représente plus, le frigo et les courses que l'on ne gère plus… Maladie du cerveau dégénérante elle prive à chaque nouvelle étape le malade d'autres fonctionnalités.
Le caractère de la personne peut alors selon de nombreux témoignages rapidement changer d'où une difficulté supplémentaire pour l'entourage. Aigreur, agressivité, délire… amènent à une nouvelle dimension qui signifie clairement que plus rien ne sera comme avant. En conscience ou non ? les médecins et une majorité de famille répondent par la négative. D'ailleurs Alice le disait souvent "Je ne suis pas malade" – "Je rentre quand à la maison ?" "Tu crois que je pourrais reconduire ?" Pas sûr cependant qu'il n'y ait pas des périodes de lucidité qui expliqueraient d'ailleurs facilement le lien direct entre maladie d'Alzheimer et dépression, anxiété, repli sur soi.
Le souvenir du présent s'efface à peine apparu, les phrases sont répétées à l'infini – l'évocation du passé demeure mais avec de moins en moins de repère temporel. Puis il disparait également dans un autre monde, celui de l'oubli, peut être des rêves et de je ne sais quelles merveilles, Alice. Dans ces moments-là, elle dit " Je pars loin… j'étais dans mes songes…".
L'autonomie se perd peu à peu, bientôt ce sera l'alitement permanent. Les fonctions de base ne seront plus assurées, ce sera la malnutrition, la fragilité aux infections, l'isolement total.
Alice ne méritait pas ça, sa famille non plus.
Alzheimer c'est un trou noir qui aspire le cerveau humain, c'est le sol de notre mémoire qui se dérobe sous nos pieds – c'est un monde plein de vide qui s'installe. Alice sombre chaque jour et une partie de nous avec et rien n'y changera. Reste à se souvenir des belles choses comme le dit le joli film. Car le pire est sûrement encore à venir jusqu'à la fin programmée qui fera figure de délivrance.
En attendant, tout n'est pas bouleversé : Alice est coquette, élégante, soucieuse du visiteur, lance volontiers la conversation qu'elle abandonne aussitôt.

Mais le regard est las, fixe et souvent triste car le temps n'est pas l'ami de la maladie ressentie. Son témoignage le plus poignant, Alice le résume en 2 mots : "C'est long".