A Genève, une ONG bouscule les dictatures arabes

Depuis 4 ans, l’ONG Al karama dépose des milliers de plaintes auprès de l’ONU contre les Etats arabes pour violation des droits humains. La diplomatie algérienne s’attaque régulièrement à l’un de ses membres, réfugié en Suisse. Les relations entre Berne et Alger ne semblent pas en pâtir

Basée à Genève, une ONG créée par d’anciens prisonniers politiques des pays arabes, utilise les voies offertes par les traités internationaux pour dénoncer les violations des droits de l’homme dans l’ensemble du monde arabo-musulman.

En quatre ans, Alkarama a déposé des milliers de plaintes auprès des organes ad hoc du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et ce au nom de victimes des Etats d’Arabie saoudite, de Bahreïn, de Syrie, de Libye, du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, etc.

En conséquence, ces gouvernements voient d’un ?il toujours plus mauvais l’émergence de ce « nouveau justicier » qui fait preuve d’une rigueur difficilement contestable. Une force qui explique sans doute l’offensive actuelle du gouvernement algérien contre l’une des chevilles ouvrières de l’association.

Ainsi, le 22 août dernier, lors d’une réunion préparatoire de l’actuelle session du Conseil des droits l’homme (8-26 septembre), l’ambassadeur algérien Idriss Jazaïry, s’en est pris, sans le nommer, à Rachid Mesli, ancien prisonnier politique, réfugié en Suisse depuis 2000. Le diplomate a déploré qu’un membre d’une ONG « faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international pour appartenance à un groupe terroriste armé » puisse prendre la parole devant le Conseil des droits de l’homme.

Nombreuses violations en Algérie

L’ambassadeur se référait à la session de juin dernier. En effet, Rachid Mesli y dénonçait, en tant que représentant de la Commission arabe des droits humains, les nombreuses violations commises en Algérie.

Ce militant et avocat de longue date a lui-même connu la disparition forcée, la torture et a séjourné près de 4 ans dans les geôles algériennes A sa libération fin 1999, il obtient l’asile politique en Suisse et y poursuit son action d’avocat des droits de l’homme. Il a ainsi soumis auprès de l’ONU des centaines de dossiers de victimes algériennes.

« J’ai toujours gêné les autorités de mon pays en m’occupant des prisonniers politiques. » L’air nonchalant, Rachid Mesli nous reçoit dans le bureau de Alkarama situé à Genève non loin du siège européen des Nations Unies.

« Ce qui les a rendus fous, c’est lorsque j’ai soumis en 2001 les dossiers de Abbassi Madani et Ali Belhadj au Groupe de travail sur les détentions arbitraires qui a reconnu que les deux leaders du FIS (Front islamique du salut) étaient détenus suite à un procès inéquitable. L’année dernière, le Comité des droits de l’homme a également condamné l’Algérie pour ces mêmes cas. »

Mandat d’arrêt international

« J’ai alors été condamné à 20 ans d’emprisonnement par contumace en Algérie, poursuit l’avocat. Ils ont demandé à Interpol de lancer un mandat d’arrêt international. On m’accusait de constitution d’un groupe terroriste armé actif en Suisse. »

Atteint par téléphone, l’ambassadeur Idriss Jazairy n’a rien voulu ajouter à sa déclaration du 22 août. Même discrétion de l’Office fédéral de la justice à Berne lorsque nous avons demandé à son porte-parole si Interpol avait contacté les autorités helvétiques à propos de Rachid Mesli.

De son côté, Jean-Philippe Jutzi, porte-parole du DFAE (Ministère suisse des affaires étrangères), précise : « Les activités de M. Mesli et celles de l’ONG Alkarama pour laquelle il travaille ne posent pas de problème entre la Suisse et l’Algérie. Alkarama est une organisation dont les compétences sont reconnues auprès des organisations internationales et onusiennes actives dans le domaine de la défense des droits humains. »

De son coté, Rachid Mesli soutient : « En réalité, c’est Alkarama que l’Algérie et les autres pays arabes cherchent à atteindre. Ils veulent empêcher que notre organisation soit accréditée et officiellement reconnue par l’ONU. »

Une ONG peu connue

Malgré son activisme, l’ONG Alkarama reste peu connue dans la Genève internationale.

« On en a soudainement entendu parler lors du passage en Suisse en juin dernier du soudanais Sami Mohieldin El Haj, de la chaîne arabe Al-Jazeera. Un journaliste qui sortait de sept ans d’emprisonnement à Guantanamo », raconte, sous couvert d’anonymat, un militant d’une importante ONG occidentale.

Le militant s’interroge sur les moyens et les tendances politiques d’Alkarama et se demande s’il s’agit d’une organisation islamiste qui utilise les outils juridiques pour s’imposer en Occident. Avant d’ajouter : « Nous avons été impressionnés par la rigueur professionnelle et l’ampleur des connexions de cette ONG. »

Autre son de cloche avec Philippe Grant : « Je connais peu Alkarama. En revanche, je connais de longue date Rachid Mesli. C’est un avocat sérieux, engagé, perspicace et clairement démocrate. Rachid est le poil à gratter des Algériens. Il en faudrait plus comme lui dans le monde arabe », souligne le fondateur de TRIAL (Track Impunity Always).

Carole Vann et Juan Gasparini – Tribune des droits humains – 8 septembre 2008

Depuis 4 ans, l’ONG Al karama dépose des milliers de plaintes auprès de l’ONU contre les Etats arabes pour violation des droits humains. La diplomatie algérienne s’attaque régulièrement à l’un de ses membres, réfugié en Suisse. Les relations entre Berne et Alger ne semblent pas en pâtir

Basée à Genève, une ONG créée par d’anciens prisonniers politiques des pays arabes, utilise les voies offertes par les traités internationaux pour dénoncer les violations des droits de l’homme dans l’ensemble du monde arabo-musulman.

En quatre ans, Alkarama a déposé des milliers de plaintes auprès des organes ad hoc du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et ce au nom de victimes des Etats d’Arabie saoudite, de Bahreïn, de Syrie, de Libye, du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, etc.

En conséquence, ces gouvernements voient d’un ?il toujours plus mauvais l’émergence de ce « nouveau justicier » qui fait preuve d’une rigueur difficilement contestable. Une force qui explique sans doute l’offensive actuelle du gouvernement algérien contre l’une des chevilles ouvrières de l’association.

Ainsi, le 22 août dernier, lors d’une réunion préparatoire de l’actuelle session du Conseil des droits l’homme (8-26 septembre), l’ambassadeur algérien Idriss Jazaïry, s’en est pris, sans le nommer, à Rachid Mesli, ancien prisonnier politique, réfugié en Suisse depuis 2000. Le diplomate a déploré qu’un membre d’une ONG « faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international pour appartenance à un groupe terroriste armé » puisse prendre la parole devant le Conseil des droits de l’homme.

Nombreuses violations en Algérie

L’ambassadeur se référait à la session de juin dernier. En effet, Rachid Mesli y dénonçait, en tant que représentant de la Commission arabe des droits humains, les nombreuses violations commises en Algérie.

Ce militant et avocat de longue date a lui-même connu la disparition forcée, la torture et a séjourné près de 4 ans dans les geôles algériennes A sa libération fin 1999, il obtient l’asile politique en Suisse et y poursuit son action d’avocat des droits de l’homme. Il a ainsi soumis auprès de l’ONU des centaines de dossiers de victimes algériennes.

« J’ai toujours gêné les autorités de mon pays en m’occupant des prisonniers politiques. » L’air nonchalant, Rachid Mesli nous reçoit dans le bureau de Alkarama situé à Genève non loin du siège européen des Nations Unies.

« Ce qui les a rendus fous, c’est lorsque j’ai soumis en 2001 les dossiers de Abbassi Madani et Ali Belhadj au Groupe de travail sur les détentions arbitraires qui a reconnu que les deux leaders du FIS (Front islamique du salut) étaient détenus suite à un procès inéquitable. L’année dernière, le Comité des droits de l’homme a également condamné l’Algérie pour ces mêmes cas. »

Mandat d’arrêt international

« J’ai alors été condamné à 20 ans d’emprisonnement par contumace en Algérie, poursuit l’avocat. Ils ont demandé à Interpol de lancer un mandat d’arrêt international. On m’accusait de constitution d’un groupe terroriste armé actif en Suisse. »

Atteint par téléphone, l’ambassadeur Idriss Jazairy n’a rien voulu ajouter à sa déclaration du 22 août. Même discrétion de l’Office fédéral de la justice à Berne lorsque nous avons demandé à son porte-parole si Interpol avait contacté les autorités helvétiques à propos de Rachid Mesli.

De son côté, Jean-Philippe Jutzi, porte-parole du DFAE (Ministère suisse des affaires étrangères), précise : « Les activités de M. Mesli et celles de l’ONG Alkarama pour laquelle il travaille ne posent pas de problème entre la Suisse et l’Algérie. Alkarama est une organisation dont les compétences sont reconnues auprès des organisations internationales et onusiennes actives dans le domaine de la défense des droits humains. »

De son coté, Rachid Mesli soutient : « En réalité, c’est Alkarama que l’Algérie et les autres pays arabes cherchent à atteindre. Ils veulent empêcher que notre organisation soit accréditée et officiellement reconnue par l’ONU. »

Une ONG peu connue

Malgré son activisme, l’ONG Alkarama reste peu connue dans la Genève internationale.

« On en a soudainement entendu parler lors du passage en Suisse en juin dernier du soudanais Sami Mohieldin El Haj, de la chaîne arabe Al-Jazeera. Un journaliste qui sortait de sept ans d’emprisonnement à Guantanamo », raconte, sous couvert d’anonymat, un militant d’une importante ONG occidentale.

Le militant s’interroge sur les moyens et les tendances politiques d’Alkarama et se demande s’il s’agit d’une organisation islamiste qui utilise les outils juridiques pour s’imposer en Occident. Avant d’ajouter : « Nous avons été impressionnés par la rigueur professionnelle et l’ampleur des connexions de cette ONG. »

Autre son de cloche avec Philippe Grant : « Je connais peu Alkarama. En revanche, je connais de longue date Rachid Mesli. C’est un avocat sérieux, engagé, perspicace et clairement démocrate. Rachid est le poil à gratter des Algériens. Il en faudrait plus comme lui dans le monde arabe », souligne le fondateur de TRIAL (Track Impunity Always).

Carole Vann et Juan Gasparini – Tribune des droits humains – 8 septembre 2008

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