Cri d'alarme de l'avocat Emmanuel Pierrat, spécialisé dans le droit de la presse et de l’édition, qui a accordé une interview au Contre journal de Libération. Il est question de l'affaire Dasquié, du nom de ce journaliste placé 40 heures en garde à vue, pour avoir publié dans Le Monde* des extraits d’un rapport classé confidentiel-défense, et finalement forcé de livrer l'une de ses sources à la DST. Maître Pierrat observe que, de plus en plus souvent, les témoins "préfèrent confier leurs informations à un organe de presse plutôt qu’à un juge d'instruction susceptible d'enterrer la chose en moins de deux minutes". Et l’article 109 du code de procédure pénale, sur le secret des sources? "Protection apparente", tranche le juriste dont le diagnostic est implacable : "Des actes comme ceux dont a été victime le journaliste Guillaume Dasquié prouvent que les juges ne sont plus véritablement indépendants. Le pouvoir a décidé de faire voler en éclat la séparation des pouvoirs".

Louis-Marie Horeau, journaliste au Canard enchaîné, dont les locaux ont été perquisitionnés il y a quelques mois à peine, se partage lui aussi entre indignation et inquiétude : "En quoi la publication de tels documents met-elle en danger la patrie ? Poser la question, c’est y répondre, et le traitement infligé au confrère apparaît plutôt L229xH160_canard_enchaine_6a83bcomme une entreprise d’intimidation à l’égard des journalistes qui auraient l’idée saugrenue d’enquêter, et surtout à l’égard des mauvais citoyens qui auraient l’imprudence de les y aider. (…) Il est à craindre que l’opinion ne s’habitue. Pis, qu’elle ne se lasse des cris, communiqués et protestations devenus rituels. Et que les policiers et magistrats ne s’en trouvent confortés dans leurs démangeaisons d’en découdre avec la presse trop curieuse." Pourtant, la jurisprudence de la Cour européenne n'indique-t-elle pas que "le secret des sources est la pierre angulaire de la liberté de la presse" ? "Le droit européen vient, à nouveau, d’être violé, à Paris, par des officiers de police judiciaire et des magistrats français, soupire Horeau. Mais qu’on se rassure, il n’y a, pour cette sorte de délinquant, ni charge de CRS, ni garde à vue, ni peine plancher".

* "11 septembre 2001 : les Français en savaient long", 17 avril 2007