Guerre civile, séparatisme, déstabilisation, j’en passe et des pires. Pour qui s’intéresse à l’Ukraine, c’est un défilé de mauvaises nouvelles qui laissent peu d’espoir. Mais si on regardait l’Ukraine autrement, en particulier au travers de sa littérature. Et c’est ainsi qu’on découvrira ce petit bijou de sensibilité et de tendresse mêlée d’un solide réalisme écrit par la romancière galicienne Anna Herman : La petite fille et les cosmites.

L’ouvrage nous retrace plus d’un siècle d’histoire ukrainienne, ou plutôt de la région qui entoure la ville de Lvov. Si cette région aux frontières de la Pologne et de la Slovaquie est peu connue et n’est pas sous les feux de l’actualité, tant il est vrai que les peuples heureux n’ont pas d’histoire, ses habitants n’ont pas toujours connu cette "pause" de l’histoire.

La petite fille et les cosmites raconte l’histoire d’un petit village, avec ses pittoresques figures locales, ses problèmes récurrents, les difficultés de la vie matérielle qui poussent ses habitants à l’émigration autrefois définitive, maintenant de travail. On se sent à certaines pages transportés non pas tant dans l’espace que dans le temps, tant certains de ses paysans nous font penser aux Creusois qui montaient à Paris quelques saisons pour revenir au pays avec quelques sous.

Ces Ukrainiens sont alors pour nous des figures familières, mais à d’autres moments, nous apparaissent en total décalage. En fait, ces braves gens qui semblent hors de l’histoire en ont au cours du dernier siècle été les objets et les victimes, ballottés entre l’Autriche, l’URSS, l’Allemagne nazie, à nouveau l’URSS, puis devenus enfin sujets de leur propre état.

Si cette région à échappé à l’Holodomor, génocide par la faim, ses rares juifs ont tous été victimes de la barbarie nazie. Et ses habitants qui se sont battus contre les Soviets, après la guerre, ont été déportés en Sibérie et reviennent parfois, des années après. Attachés à leur terre, mais errants dans toute l’URSS d’abord, puis, depuis l’indépendance, dans les pays occidentaux pour trouver un travail, ils s’en sortent (ou non) grâce à leur travail, mais toujours avec leur petite patrie au coeur.

Du Kaiser François-Joseph (le mari de Sissi) à Porochenko, ce sont plusieurs générations d’Ukrainiens qui revivent devant nous par des yeux enfantins… et quant aux "Cosmites" du titre, il suffit de lire cet ouvrage, merveilleusement traduit par le poète Athanase Vantchev de Thracy, pour savoir qui ils sont (ou ne sont pas)

Editions L’esprit des aigles, Bruxelles