"28 jours plus tard" est un chef d'oeuvre, sa suite est un bon film.

Pourquoi? Qui? Où? Comment? Peut on faire confiance aux critiques?

Les réponses sont dans ce qui suit :

Je ne comprends pas les critiques de cinéma.

Autant parfois ils passent à côté de véritables chocs émotionnels et esthétiques qu’ils devraient inviter le public à découvrir séance tenante comme récemment « Planète Terreur », « Très bien merci » ou justement « 28 jours plus tard ».

Autant d’autres fois donnant l’impression de se rattraper, ils s’emballent pour des films qui en général valent la peine d’être vus mais qui avec le recul ne semblent pas dignes des articles dithyrambiques qui se sont abattus sur eux lors de leur sortie comme « Saw », « The Devil’s Rejects » ou justement « 28 semaines plus tard ».

De vous à moi, il n’y a que sur des points bien précis que vous pouvez faire confiance aux critiques (je ne parle pas de ceux qui sont encouragés à dire du bien d’un film d’un ami d’un ami d’un ami (je ne veux pas tomber dans la paranoïa mais le cinéma est avant tout une industrie et il faut bien que les relations presse justifient les tarifs de leurs prestations)).

Le premier point, c’est l’appréciation purement technique : est ce que c’est bien filmé, bien monté, bien rythmé et que le scénario est pas trop mal fichu. Pour ça, vous pouvez leur faire confiance.

Le deuxième, c’est les références et l’inscription de l’œuvre dans un certain corpus cinématographique ou dans une certaine mouvance esthétique. Après s’être cogné des cours sur l’histoire du cinéma, fait de l’analyse comparée de films ou tout simplement s’être farcis des filmographies entières par goût, ils sont trop content de pouvoir étaler leur science.

Le troisième…, non en fait, il n’y a pas de troisième, c’est tout.

Et même pour le premier, j’ai des doutes car il suffit que notre bon critique soit passé à côté du postulat du film, n’ait pas compris la démarche du réalisateur ou n’y adhère absolument pas pour que sa perception technique soit biaisée. Je me suis fait avoir sur Dancer in the Dark où je me suis royalement emmerdé et que j’ai démonté par la suite pendant des années tout simplement parce que quand je l’ai vu, je n’avais pas la tête à ça.

De toute façon qu’est ce qu’il en sait que le film va vous plaire, le critique ?

Il vous connaît ? Non. Alors comment peut-il vous recommander un film, œuvre dont l’appréciation repose sur des critères tellement intimes, sur des sensibilités absolument insaisissables ?

L’œuvre peut être selon 99,9% des gens plus ou moins bien renseignés une sombre merde, vous allez l’adorer parce que l’actrice principale ressemble à votre amour de lycée ou parce que le combat de l’enfant trisomique vous rappelle celui de votre fils.

Bref, les critiques n’en savent rien et des critiques visionnaires ou très chanceux qui arrivent à deviner quelles seront les œuvres et les auteurs qui résisteront au passage du temps et des modes, c’est comme partout, il y en a un ou deux par générations.

Bien sûr, tous les autres pensent en toute bonne foi : « c’est moi, c’est moi. ».

Parce que sinon, on n’écrirait pas.

 

En revanche, il y a quelque chose qui sauve le critique. C’est la confiance.

Un lien de confiance, c’est la meilleure des choses qui peut se créer entre un critique et son lecteur.

C’est pour cela que je crois qu’il est absurde pour un critique d’essayer de se draper dans le manteau de l’objectivité à tout prix en délivrant la parole sacrée du haut de sa tour.

 

 

Pour moi, la meilleure chose que puisse faire le critique en plus de posséder les outils de base de l’analyse cinématographique et les moyens littéraires et intellectuels de les présenter, c’est de faire partager honnêtement ses coups de cœur et ses coups de gueule en expliquant sincèrement pourquoi l’œuvre lui a plu ou déplu et en essayant de transmettre sa passion à ses lecteurs.

Après, c’est à toi, lecteur, de faire tes propres choix en toute connaissance de cause.

Voilà le programme de ce que j’essaie de faire depuis le début et que je vais poursuivre avec cette critique de « 28 semaines plus tard ».

 

Que les choses soient claires : j’ai adoré « 28 jours plus tard », le film de Danny Boyle sorti il y a 3 ans.

Je ne l’ai pas aimé tout de suite (déjà je l’avais vu en VF dans un UGC du centre ville de Nancy à l’heure de la digestion alors ça n’aide pas), il m’a juste choqué par son incroyable scène d’introduction et par la giclée contemporaine de sang frais qu’il injectait dans le film de zombie (les infectés dans le film). Et puis avec le temps et c’est pour moi la marque des grands films, des images ressurgissaient et je me remettais à penser au film jusqu’à éprouver le désir très vif de le revoir.

Ce qui fut fait lors de sa sortie en DVD et là je me suis dit qu’on tenait là un très grand film d’une noire lucidité et qui, comme tous les films fantastiques de qualité en dit plus sur l’homme que tous les merdes molles psychologiques que le cinéma français chie à longueur d’années.

La structure même de « 28 jours plus tard » est porteuse d’un message fort : le virus qui révèle la violence latente de l’être humain en fait une menace pour les autres, puis on réalise que les êtres humains sains enivrés de pouvoir et de bêtise sont pires que les infectés et pour finir que la seule manière de les défaire est de se transformer soit même en bête (comme écrivait Thompson en citant : celui qui fait de lui une bête se débarrasse de la douleur d’être un homme).

Le tout emballé par une mise en scène ample et implacable qui partait du plan large nous forçant à fixer l’horreur à des plans très découpés reflétant le plongeon dans la bestialité.

 

C’est déjà là que le bât blesse avec « 28 semaines plus tard » qui comme son nom l’indique est la suite chronologique des événements de « 28 jours plus tard ».

Dès le début du film, la mise en scène est ultra découpée, voire clipesque alors je me dis « okay, ça traduit bien le chaos, la panique etc… » mais étant donné que chaque scène d’attaque est filmée comme ça, l’effet perd peu à peu toute sa force et les scènes leur lisibilité.

Par exemple, la scène d’attaque dans le bunker aurait été bien plus effrayante si elle avait été filmée comme l’attaque des raptors dans le « Monde Perdu » avec la conscience d’une menace mais l’incapacité de la localiser.

Je comprends le parti pris mais je pense que c’est une erreur.

Plus gênant, la gestion des effets, notamment de la musique. Dans « 28 jours… », elle venait se greffer à l’action, accompagnait la montée d’angoisse. Ici, elle donne le signal de l’action, prévient l’arrivée d’une scène choc. Du coup, on s’y attend, on s’y prépare et à la fin du film, je commençais à être blasé. Pour une œuvre dont la force repose sur la capacité de surprise et d’effroi, je pense que c’est au mieux une erreur, au pire, une facilité.

Et puis, je ne suis pas convaincu non plus par le choix de Robert Carlyle.

Autant, cet excellent acteur confère une véritable intensité dramatique à ce père rongé par la culpabilité, autant on sent que la production cherche à rentabiliser le cachet jusqu’au bout et là paf ! le film tombe dans le piège du « j’étire mon symbolisme psychologique plus que de raison (la superposition du visage mère/fille était ce bien nécessaire ?) » et de l’effet slasher (le bougre est increvable et on est sûr qu’il ne mourra qu’à la toute fin)

Comme disait mon ami Yannick, je cite : « La force de cette série repose sur sa capacité à nous faire comprendre que les personnages aussi importants qu’ils soient puissent brutalement disparaître, fauchés par la mort créant ainsi un sentiment d’angoisse permanent »

Pour le coup, l’effet slasher ruine cette tension.

 

Après cette succession de réserves négatives, j’ai bien peur que le lecteur ait déjà condamné le film dans son esprit.

Ce serait une erreur car « 28 semaines plus tard » est plus intelligent, plus viscéral et plus intense que 90% de la production cinématographique actuelle. La preuve, j’ai emmené ma petite sœur le voir avec moi et bien qu’elle ne soit pas friande de ce genre de choses, loin de là, elle a adoré (même le côté clipesque mais bon il faut bien maintenir des points de discorde).

 

Intelligent parce qu’il file une métaphore politique avec brio pendant tout le long du métrage.

De l’omniprésence des snipers/voyeurs à celle des caméra de sécurité le message est le suivant : bien que nous soyons en temps de paix, l’état nous surveille comme en temps de guerre ; à l’occupation de la Grande Bretagne par les forces américaines et les circonstances fâcheuses qui en découlent même à l’intérieur de la fameuse zone verte (qui a dit occupation américaine à Bagdad ?), en passant par les dommages collatéraux, le napalm et les bombes chimiques, c’est tout un occident obsédé par la surveillance et le terrorisme qui apparaît ici en filigrane.

Les grands films fantastiques disent toujours beaucoup de choses sur l’état du monde et celui-ci ne fait pas exception.

Viscéral pour sa violence crue et hautement réaliste, sa description des pulsions les plus basses de l’être humain (agressivité, lâcheté, extermination froide et rationnelle) et pour nos amis les infectés qui bien que l’ultra découpage ne leur rendent pas justice, restent toujours aussi effrayants dans leur inhumaine humanité. Et puis il y a le coup de l’hélicoptère sur lequel je vais mettre un copyright parce que ça devient une mode depuis « Planète Terreur ».

Intense pour un rythme qui ne faiblit pas, pour la force des relations entre les personnages (du sentiment filiale, à la conscience professionnelle en passant par le sacrifice et le sens de l’amitié) et puis il faut admettre que voir grâce au cinéma une métropole comme Londres vidée de ses habitants et rendue à l’état de ville fantôme a quelque chose d’inquiétant qui remue les fondements sur lesquels reposent les certitudes sur notre civilisation moderne et occidentale.

 

Est-ce que je vous recommande « 28 semaines plus tard » ?

Oui, sans hésiter car en dépit de mes réserves, les films de ce calibre sont suffisamment rares et bien trop passionnants pour être ignorés.

Mais je vous recommande davantage le visionnage de « 28 jours plus tard », seul la nuit, dans le noir avec cette musique de Godspeed You Black Emperor qui monte, qui monte, qui monte et soudain dans la pupille injecté de sang d’un infecté c’est toute la violence de votre humanité qui vous saute à la gueule.

Un pur chef d’œuvre.

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